Entre 1942 (la disparition des Americans de New York / Brooklyn) et 1967 (la première expansion de l’ère moderne), il y eut la période dite des « Original Six », où avec ses six équipes, la LNH était la plus petite ligue professionnelle d’importance. (voir texte du 19 août 2011) De celles-ci, quatre participaient aux séries.
Bien que certains regardent avec nostalgie cette période où le talent
était incroyablement concentré, elle avait des inconvénients évidents. Non seulement le nombre d’équipes était très
restreint, mais il y avait clairement deux classes d’équipes et ce, tout au
long des vingt-cinq ans qu’elle dura. Je
qualifierai celles-ci de premiers de classe d’un côté et de cancres de
l’autre.
Ce billet se penche sur ces vingt-cinq saisons.
Les premiers de classe
Les Canadiens
Aidé par l’émergence de Maurice Richard, l‘astucieux Frank Selke géra de
main de maître le tricolore. Dans sa
tâche, il était appuyé par des propriétaires solides, d’abord le sénateur Donat
Raymond, puis la famille Molson, qui lui donnèrent les ressources nécessaires
pour mettre en place un élaboré réseau de recrutement et de filiales. (Le premier repêchage n’eut lieu qu’en
1963.) Et lorsque vint le temps de
quitter en 1964, la relève était prête en la personne de Sam Pollock, qui
continua son œuvre.
Les Canadiens ne gagnèrent pas moins de dix Coupes Stanley pendant cette
période, incluant les cinq consécutives de 1956 à 1960. Au total, ils firent seize présences en
finale.
Les performances en saison régulière étaient au même niveau. Douze fois ils terminèrent premiers et vingt
fois ils firent partie du top 2. Ils ne
terminèrent par contre jamais derniers et ne ratèrent les séries qu’une seule
fois.
Les Maple Leafs
Conn Smythe fut pendant longtemps propriétaire et directeur-gérant des
Leafs. Il n’était probablement pas la
personne la plus sympathique et la plus facile à vivre. C’est d’ailleurs en bonne partie ce qui causa
le départ de Frank Selke pour Montréal en 1946, où il obtint énormément de
succès. Par contre, sa discipline
d’ex-militaire eut le mérite de faire des Leafs un club bien géré, qui
connaissait du succès.
Il fut ensuite aidé par son fils Stafford, qui racheta éventuellement le
club avec deux partenaires. Ce dernier
fut par après aidé dans sa gestion par Punch Imlach, une autre personne assez
autoritaire.
Bien que décente, la saison régulière n’était peut-être pas la plus
grande force de l’équipe. En vingt-cinq
ans, les Leafs terminèrent deux fois premiers et sept fois dans le top 2. Par contre, ils excellaient en séries, avec
onze présences en finale, incluant neuf Coupes.
Ils ne ratèrent les séries qu'à quatre occasions, terminant derniers qu’une
fois, en 1957-58, deux petits points derrière Chicago.
Les deux partenaires de Stafford Smythe étaient John Bassett, le
fondateur de CFTO, qui deviendra la base du réseau CTV, et Harold Ballard. Bassett se retira en 1970. Stafford Smythe mourut ensuite en 1971,
laissant ainsi le champ libre à l’excentrique Harold Ballard, avec des résultats pour le moins malheureux. Les Leafs gagnèrent la dernière Coupe de
l’ère des Original Six en 1967. Ils
attendent encore la suivante…
Les Red Wings
James E. Norris récupéra les Falcons de Détroit d’un groupe de
créanciers pendant la grande dépression et les renomma « Red
Wings ». (voir texte du 24 avril 2012) Il mit alors sa fortune
considérable à leurs services et l’équipe devint un modèle d’excellence. Il faut dire également qu’elle put compter
sur l’un des meilleurs joueurs de l’histoire.
Pour presque l’entièreté de la période des Original Six, les Wings
eurent Gordie Howe dans leur alignement, lui qui joua dans la ville de
l’automobile de 1946 à 1971. Howe
n’était toutefois pas seul, recevant au fil des ans l’appui de Sid Abel, Ted
Lindsay, Terry Sawchuk et Alex Delvecchio.
Norris mourut en 1952, mais l’équipe demeura dans la famille, puisque
ses enfants Bruce et Marguerite en héritèrent.
Présents en finale plus d’une fois sur deux (treize fois en vingt-cinq
ans), ils se méritèrent cinq Coupes Stanley.
La saison régulière fut dans la même veine, terminant premiers à dix
reprises. En seulement trois occasions ils
n’accédèrent pas aux séries, incluant une unique dernière place.
Bien que toujours présents, les années 1960 furent moins fructueuses que
les années 1950. La dernière Coupe de la
période fut en 1955. La fin des Original
Six constitua alors une bien mauvaise nouvelle pour les partisans des Wings. Les années 1970 et la première moitié des années 1980 furent
tout simplement épouvantables pour leurs partisans et ils durent attendre
jusqu’en 1997 avant de revoir la Coupe en ville.
Les cancres
Les Black Hawks
Lorsque leur propriétaire Frank McLaughlin mourut en 1944, James E.
Norris « appuya » le directeur-général Bill Tobin et son fils James
D. pour racheter les Black Hawks, puisqu’il ne pouvait pas détenir une deuxième
équipe lui-même. Propriétaire du Chicago
Stadium, la manœuvre lui permettait de contrôler indirectement son locataire. Par contre, peu d’efforts furent mis sur les
Black Hawks et ceux-ci demeurèrent misérables pendant la fin des années 1940 et
le début des années 1950. De plus,
certains échanges entre les Red Wings adorés et les Black Hawks négligés de la
famille Norris pouvaient soulever certains doutes. De 1946 à 1958, ils ratèrent les séries onze
fois en douze ans et terminèrent derniers de la ligue à neuf reprises.
Lorsque Ted Lindsay, des Red Wings, tenta d’organiser la première
association des joueurs, Bruce Norris (le fils de l’un et le frère de l’autre)
voulut le punir en l’expédiant dans la « Sibérie » de la ligue, les
Black Hawks de son frère.
La rivalité grimpa éventuellement d’un cran entre les frères et Chicago
parvint à recruter Bobby Hull, Stan Mikita et Pierre Pilote, conjugué à
l’arrivée de Glenn Hall. Les Hawks
devinrent finalement une équipe respectable et furent les uniques cancres à
gagner la Coupe pendant l'époque des Original Six, en 1961. Ils connurent de bonnes années par la suite,
mais ne gagnèrent pas d’autres Coupes durant cette période. Ce n'est qu'en 2010 qu'ils remirent finalement la main dessus.
Au total, ils firent la finale quatre fois, terminèrent premiers en
saison régulière à une seule occasion, mais ratèrent les séries à treize reprises,
incluant neuf dernières places.
Les Bruins
Boston a mal débuté cette période en étant probablement l’équipe ayant
perdu le plus de joueurs partis se battre sous les drapeaux. Le gardien Frank Brimsek et la Kraut Line au
complet (Milt Schmidt, Woody Dumart et Bobby Bauer) furent entre autres
mobilisés.
En 1951, la famille Adams eut des problèmes financiers et dut vendre
l’équipe à Walter Brown, le propriétaire du Garden et des Celtics de la
NBA. Ces derniers, qui connurent leurs
plus belles heures à la fin des années 1950 et pendant les années 1960,
attirèrent toute l’attention. De leur
côté, les Bruins furent négligés. Peu de
ressources étaient consacrées au recrutement et on se contentait souvent des
joueurs rejetés par les autres équipes.
Ce qui comptait, c’était qu’ils remplissent le Garden les soirs où il
n’y avait pas de basketball.
Ils firent la finale cinq fois, mais ne gagnèrent jamais la Coupe. Ils ne finirent jamais premiers de la saison
non plus. Ils ratèrent les séries onze
fois, incluant huit années consécutives, de 1960 à 1967 (période pendant laquelle
ils terminèrent derniers à six occasions).
Brown mourut en 1964. Weston Adams redevint président et les Bruins
firent ensuite l’acquisition de Bobby Orr, Gerry Cheevers et Phil Esposito, ce
qui leur permit de finalement devenir une puissance à partir de la fin des
années 1960.
Les Rangers
Encore une fois, James E. Norris avait son mot à dire ici. Un des plus importants actionnaires du
Madison Square Garden, il n’en avait pas le contrôle, puisque la ligue lui
interdisait. Par contre, il y exerçait
suffisamment d’influence pour contrôler autant l’aréna que l’équipe. À une certaine période, Norris avait donc
main mise, d’une manière ou d’une autre, sur la moitié des équipes de la
ligue. Tout comme les Black Hawks, les
Blueshirts faisaient partie de ses négligés.
Peu d’attention leur était consacrée et leur rôle consistait
essentiellement à augmenter le taux d’occupation de l’aréna.
Pendant toute la période, ils ne firent la finale qu’une seule fois, en
1950. Ils profitèrent alors d’une saison
potable (quatrième place) et du fait que le gardien des Canadiens Bill Durnan
traversait une dépression qui mit finalement fin à sa carrière (voir texte du 6 mai 2013), pour se faufiler en finale.
Et à ce moment, les Rangers avaient tellement peu d’importance qu’ils
durent jouer leurs matchs « à domicile » à Toronto, puisque le MSG
était occupé par un cirque. Par conséquent,
les partisans des Rangers n’ont pas eu droit à un seul match de finale pendant
toute la période des Original Six.
Malgré une belle performance, ils baissèrent ensuite pavillon devant les
Red Wings.
Ils ne terminèrent jamais plus haut que deuxième (une seule fois), mais
accumulèrent huit dernières places. En
vingt-cinq ans, ils ratèrent les séries à dix-huit reprises.
Le déménagement dans la quatrième version du Madison Square Garden en
1968 leur donna un certain élan. Ils
devinrent ainsi un peu plus respectables, mais durent quand même attendre
jusqu’en 1994 avant de gagner la Coupe Stanley, leur première depuis 1940.
En conclusion, en vingt-cinq ans, les premiers de classe gagnèrent donc
vingt-quatre Coupes Stanley. Ils firent
aussi quarante apparitions en finale (80%).
Pour la saison régulière, ils terminèrent premiers vingt-quatre fois et
occupèrent 41 des 50 places dans le top 2 (82%). Par contre, à eux trois, ils ne ratèrent les
séries qu'à huit reprises.
De leur côté, les cancres n’ont gagné qu’une Coupe et terminés premiers en saison qu’à une seule occasion (Chicago dans les deux cas). Ils ont par contre raté les séries quarante-deux fois (84%) et terminé derniers à vingt-trois reprises (92%). Et à chacune des saisons, au moins un des trois cancres n’a pas fait les séries.
« Dans l‘temps qu’y avait juste six
clubs ?» Sans vouloir diminuer ce qui s'est accompli pendant cette période, disons qu'il
s’agissait plutôt d’une ligue à trois clubs, avec trois équipes d’entraînement à leur
disposition…
Excellent article! Merci!
RépondreSupprimerExcellente conclusion!
RépondreSupprimerFaut dire que l'argument du 'meilleur dans le temps des six clubs' est plus souvent qu'autrement utilisé à Montréal et Toronto, les deux puissances de la ligue à l'époque; on se souviendra que Maurice Richard, un temps pseudo-chronqueur à La Presse, avait dit que la plupart des Oilers n'auraient jamais fait la 'cut' dans l'ancienne configuration de la ligue (que RBO a parodié en utilisant Wayne Gretzky comme exemple)!
Jamais un Esposito n'a fait pareille analogie simpliste...
@ Cappa68 Merci de nous lire!
RépondreSupprimer@ Sébastien Hell
À la fin de ses chroniques, il était toujours écrit "Propos recueillis par La Presse". On ne sait pas ce qu'avait l'air la version originale... Mais bon, chacun son métier...
Pour ce qui est du sketch de RBO, je m'en souviens très bien! "On me demande souvent qui est le meilleur joueur: Wayne Gretzky ou Réjean Houle?"
Excellent article! Merci!
RépondreSupprimerTu évoques le premier repêchage, j'en couvre justement 50 ans d'erreurs justement aujourd'hui ici:
http://passmoelapuckpisjvacompterdesbuts.blogspot.ca/
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimer@ Jones
RépondreSupprimerBelle recherche! Pour qui s'en donne la peine, il y a plusieurs décisions bizarres à retracer dans tout ça.
This is gorgeous!
RépondreSupprimerEn lisant ce texte sur les "Original Six", je pensais aux tentations avortés de faire rentrer les Barons de Cleveland de l'LAH dans la LNH. Je cite un petit extrait du billet de Fred Glover provenant du site Greatest Hockey Legends:"...The AHL back then was a very strong league. It's champions were dubbed "the seventh best team in hockey," but in reality, depending on the fortunes of the bottom rung NHL teams, the argument could be made that the best of the AHL was actually the fourth or fifth best team in all of hockey. The top franchise in the league was the Cleveland Barons. The Barons were for all intents and purposes an NHL team in a minor league. They ran their own farm system, drew well and were on par with any of the other US based NHL franchises at the time..."
RépondreSupprimerIl y a de quoi se demander si les Norris aurait pu faire pression et excercer leur influence pour ne pas laisser entrer les Barons de Cleveland dans la LNH qui aurait fait encore plus mal paraître les Black Hawks et les Rangers? ;-)