lundi 18 novembre 2013

Ceux qui renoncent








Le sport professionnel (incluant évidemment le hockey) est un secteur où l’expression « beaucoup d’appelés, peu d’élus » prend tout son sens. Carrière extrêmement convoitée, où l’on retrouve passion, gloire et argent (quoi qu’à des degrés divers au fil des années), elle fait l’envie de ceux qui ne parviennent pas à leurs rêves. Et que dire de ces nombreux pères d’aréna, qui sont convaincus que leur fils parviendra à battre la dure réalité des probabilités qui jouent contre lui?

Par ailleurs, il faut suivre un long et ardu cheminement pour y parvenir. On ne devient pas joueur dans la Ligue Nationale par accident. C’est pourquoi il est doublement surprenant de voir des joueurs y parvenir… pour ensuite y renoncer. Certains l’ont fait sur une base temporaire, avant d’y revenir. D’autres ont définitivement fait une croix sur ce chapitre de leur vie. En voici quelques-uns.

Chuck Lefley

Repêché en première ronde (sixième au total) par les Canadiens en 1970, Chuck Lefley arriva dans une équipe déjà très talentueuse. Il se mérita la Coupe Stanley en 1971 et 1973, en plus de la Coupe Calder (AHL) en 1972. Il eut l’opportunité de jouer à l’occasion avec Jacques Lemaire et Yvan Cournoyer, amassant 46 points en 1972-73 et 54 points l’année suivante.

En 1974-75, Lefley fut sacrifié, pour permettre au tricolore d’acquérir le vétéran défenseur Don Awrey. Il prit alors le chemin de St. Louis, où il obtint de bons résultats. En 1975-76, il accumula 43 buts (un record d’équipe à ce moment) et 85 points. Il ne put toutefois pas répéter ses exploits l’année suivante, n’amassant pas la moitié de sa production précédente. Après un peu plus de cinq saisons, il constata que le cœur n’y était plus. Il renonça alors à un contrat de trois ans en annonçant qu’il retournait sur sa ferme au Manitoba.

Il termina tout de même la saison 1977-78 en Finlande, avec le Jokerit, une destination peu commune à ce moment. En 1978-79, c’est en Allemagne, à Düsseldorf, qu’il passa du temps.

Il tenta un retour à St. Louis en 1979-80, mais une blessure l’empêcha de jouer plus de 28 matchs. Il tenta sa chance une dernière fois en 1980-81, mais retourna chez lui, pour de bon cette fois, après deux matchs.

Robin Sadler

Repêché en première ronde, neuvième au total en 1975, Sadler se présenta au camp à Montréal. L’expérience fut par contre de courte durée. Malgré un contrat de trois ans de 250 000$ (incluant un important boni à la signature) en poche, il décida que le hockey professionnel était trop de pression pour lui. Il retourna l’argent et prit sa retraite.

Il retourna à Vancouver, où il travailla comme livreur à 250$ par semaine, tout en jouant au niveau amateur. Il passa l’année suivante en Suède.

En juin 1977, il revint sur sa décision et signa un contrat de deux ans pour 100 000$ avec les Oilers de l’AMH. Le camp ne fut par contre pas différent de celui de 1975. Il ressentit encore un grand stress et quitta.

En février, il recontacta les Canadiens, qui l’assignèrent à leur filiale de la Ligue Américaine, les Voyageurs de la Nouvelle-Écosse. Il amassa six points en neuf matchs, avant de quitter l’équipe.

Il partit ensuite vers l’Europe et ne joua plus en Amérique du Nord. Il n’a donc jamais joué dans la LNH. Il eut un certain succès dans des ligues européennes de moindre calibre, comme l’Autriche et les Pays-Bas. Il représenta d’ailleurs l’Autriche au niveau international. Il travailla ensuite comme agent immobilier dans la région de Vancouver.

Tom Edur

Défenseur, Tom Edur joua une saison avec les Marlboros de Toronto, où il gagna la Coupe Memorial. Il signa ensuite, à l’âge de 19 ans, avec les Crusaders de Cleveland de l’Association Mondiale, alors qu’il n’était pas encore éligible au repêchage de la Ligue Nationale. Il eut une bonne saison 1973-74, accumulant 38 points. Il fut par contre un peu mal l’aise de découvrir la quantité d’alcool et de promiscuité qui venait avec le mode de vie de joueur de hockey professionnel. Il tenta malgré tout de s’intégrer et but amplement.

En 1974, Boston en fit son choix de troisième ronde, mais il était toujours sous contrat avec les Crusaders et il demeura à Cleveland. À la fin de la saison 1975-76, son contrat venait à échéance et toute façon, les Crusaders durent déménager. Edur se tourna donc vers les Rockies du Colorado, qui avaient fait l’acquisition de ses droits des Bruins. Au sein d’une équipe faible, il amassa 32 points.

C’est au cours de la saison 1977-78 que son talent a vraiment éclos. Il fut échangé aux Penguins contre Dennis Owchar et réalisa une saison de 55 points. Par contre, il étonna le monde du hockey en annonçant sa retraite à la fin de l’année. Le mode de vie ne lui convenait vraiment pas. De plus, il était devenu témoin de Jéhovah et voulait se consacrer entièrement à sa foi. Les Penguins lui offrirent alors un contrat qui lui permettait de ne pas jouer le dimanche. Edur refusa et on ne le revit plus dans le monde du hockey professionnel.

Dans la LNH, il montre une fiche de 17-70-87 en 158 matchs, avec 67 minutes de punition. Le total de pénalité est assez faible pour un défenseur. Peut-être montre-t-il une partie de sa nature profonde?

Un an plus tard, lors du repêchage d’expansion, les Oilers se souvenaient de son talent et en firent leur onzième choix. Mais Edur ne changea pas d’idée et déclina.

Fred Arthur

Défenseur des Royals de Cornwall, une puissance du hockey junior de la fin des années 1970 et du début des années 1980, Fred Arthur était un espoir de premier plan. Les Whalers de Hartford en firent d’ailleurs leur premier choix (huitième au total) en 1980.

Au cours de la saison 1980-81, il fut rappelé de son club junior par les Whalers l’espace de trois matchs. C’est à quoi s’est limitée sa présence dans la ville de l’assurance.

Pendant la saison morte, il fit partie d’un échange majeur avec les Flyers, où il prit le chemin de Philadelphie avec Ray Allison et plusieurs choix au repêchage contre entre autres le vétéran Rick MacLeish et le futur Nordique Blake Wesley. Adoptant un style défensif, Arthur joua la saison entière avec les Flyers, amassant 8 petits points en 74 matchs.

L’année suivante, il joua 3 matchs avec les Flyers, avant d’être rétrogradé à la Ligue Américaine. Ayant entretemps été admis en médecine, il refusa de se rapporter aux Mariners du Maine. Comme de son propre aveu, il n’aimait pas vraiment le mode de vie d’un joueur de hockey professionnel, il choisit plutôt une carrière médicale. Il est depuis devenu médecin.

Todd Bergen

Ayant seulement commencé à jouer au hockey organisé à 16 ans, Todd Bergen montra un talent certain. Repêché 98e par les Flyers en 1982, il commença la saison 1983-84 dans la Ligue Américaine. Il fut par contre rappelé par le grand club et fit immédiatement sensation. Dès son premier match, il compta deux fois. Au total, il amassa 11 buts et 4 passes en 16 parties, malgré une blessure à l’abdomen. Mais il ne s’arrêta pas là. En séries, il accumula 13 points en 17 matchs, aidant les Flyers à se rendre en finale.

Malgré cela, sa relation avec son entraîneur, Mike Keenan, n’était pas des meilleures. Bien que blessé, il exigeait plus de Bergen au cours des entraînements. De plus, Bergen estimait que Keenan l’humiliait. Pour cette raison, Bergen refusa de se rapporter au camp en 1985. Les Flyers le suspendirent et, arguant que Keenan lui avait fait perdre le goût du hockey, Bergen annonça sa retraite. Il déclara qu’il allait plutôt poursuivre une carrière de golfeur. Il y eut d’ailleurs un certain succès, participant à quelques tournois Pro-Am. Lorsqu’on demanda au DG Bobby Clarke s’il allait échanger Bergen, il répondit qu’il ne pouvait quand même pas l’échanger contre Lee Trevino…

C’est finalement en novembre qu’il fut échangé aux North Stars. Il se rapporta à l’équipe mais sa blessure à l’abdomen refit surface. Des tests démontrèrent alors qu’elle était plus sérieuse qu’anticipé. Il dut donc rater la saison au complet.

Il revint dans la Ligue Américaine en 1986-87, mais son contrat ne fut pas renouvelé à la fin de la saison. Il prit donc sa retraite du hockey pour de bon et devint professionnel de golf dans l’ouest. Il possède maintenant un commerce d’articles de pêche.

Alexandre Daigle

Daigle était un espoir attendu, qui faisait saliver la LNH. Des rumeurs ont même couru à l’effet que les Sénateurs d’Ottawa perdaient intentionnellement pour s’assurer de le repêcher.

Lorsqu’il fut sélectionné comme prévu au tout premier rang, il y alla de sa fameuse affirmation que tous se souvenaient du premier choisi, mais que personne ne se souvenait du deuxième. En 1993, le deuxième s’appelait Chris Pronger, éventuel gagnant du Trophée Norris (meilleur défenseur), du Trophée Hart (joueur le plus utile), de la Coupe Stanley et de deux médailles d’or olympiques.

Sans être un échec total, Daigle ne put jamais répondre aux attentes de son contrat de cinq ans au montant de 12,25M$. Il n’accumula jamais plus de 51 points. On lui reprocha son manque d’ardeur au travail et son intérêt pour la vie nocturne. Après Ottawa, il passa par Philadelphie, Tampa Bay et les Rangers, avant de se retrouver dans la Ligue Américaine.

En 2000, ses options étaient plutôt limitées, mais de toute façon, il n’avait plus envie de jouer. Il surprit alors le monde du hockey en affirmant qu’il n’avait jamais vraiment voulu devenir un joueur de hockey et qu’on l’avait poussé. Intéressé par le monde du divertissement, il créa alors une firme d’organisation d’événements, laissant sa carrière de joueur derrière lui.

Il faut dire que dans les années 2000, avec les salaires que les joueurs touchent, renoncer à une carrière a un prix élevé. En 2002, il contacta les équipes pour un éventuel retour. Les Penguins, au milieu d’une période difficile, lui firent signe. En plus d’un passage dans leur filiale, Daigle joua 33 matchs avec eux, mais ne fut pas retenu à la fin de l’année. Il se retrouva ensuite avec le Wild, où il eut en 2003-04 une bonne saison, égalant son sommet de 51 points.

Après avoir passé l’année du lockout en Suisse, il revint pour une demi-saison au Minnesota, avant de retourner en Suisse.

À cette liste, on peut ajouter :

Kitoute Joannette, qui préféra demeurer dans sa ville et jouer avec les Braves de Valleyfield de la Ligue Senior du Québec, plutôt que de jouer avec les Canadiens ou les Red Wings. (voir texte du 22 novembre 2012)

Seth Martin, qui préféra la stabilité de son poste de pompier à la fonderie de son patelin, plutôt que de tenter sa chance dans la LNH. (voir texte du 26 février 2013)

Ken Dryden, qui à 31 ans et toujours au sommet, décida qu’il voulait passer à autre chose. (voir texte du 1er août 2011)

Bill Nyrop, qui à 26 ans, décida de quitter le monde du hockey pour étudier le droit. (voir texte du 10 octobre 2011)

Sources: hockeydraftcentral.com, legendsofhockey.net, wikipedia.org.

3 commentaires: