Il y a quelques semaines, lorsque les Athletics d’Oakland eurent quelques difficultés à s’entendre avec les autorités locales pour la signature d’un nouveau bail, il y eut des rumeurs de déménagement. Bien que ces rumeurs ne fussent jamais réellement sérieuses, le lien avec Montréal s’est fait rapidement et certains se sont mis à rêver de voir cette équipe remplie d’histoire jouer ici.
Ces brèves rumeurs sont donc un bon prétexte
pour écrire un texte sur celui qui a été la figure emblématique de l’équipe
pendant si longtemps, Connie Mack.
Cornelius McGillicuddy (son véritable nom) a
d’abord été joueur. En tant que
receveur, il joua dans la Ligue Nationale avec Washington de 1886 à 1889. À noter que cette équipe porta plusieurs noms
(Statesmen, Nationals, Senators), puisqu’à cette époque, il s’agissait plus de
surnoms que de vraies marques déposées, comme c’est le cas aujourd’hui.
En 1890, il tenta sa chance avec Buffalo, une
équipe de la Players’ League, une ligue qui tenta de faire compétition à la
Nationale et qui ne dura qu’une seule saison.
Et pour la première fois, Mack fut actionnaire de cette éphémère équipe. L’année suivante, il se retrouva avec les
Pirates de Pittsburgh. Il devint
joueur-entraîneur à partir de 1894.
Ayant plus ou moins de succès, en plus d’avoir des différends avec le
propriétaire qui interférait avec ses décisions sur le terrain, les Pirates le
laissèrent aller après la saison 1896.
Il fut alors invité par Ban Johnson, le
président de la Western League qui travaillait déjà à son projet d’en faire une
deuxième ligue majeure, à diriger les Brewers de Milwaukee de sa ligue. Il mit également la main sur 25% des actions
de l’équipe.
Connie Mack avec le gérant des Senators de Washington, Clark Griffith |
Lorsque le projet de la nouvelle Ligue
Américaine fut prêt en 1901, Mack devint gérant, directeur-gérant et actionnaire
minoritaire (avec Ben Shibe) des nouveaux Athletics de Philadelphie. Ce fut alors le début d’une très longue
séquence où l’image de Mack fut indissociable de celle des Athletics. Et il débuta son recrutement avec quelques
joueurs vedettes des Phillies.
Grand et mince, Mack dirigeait son équipe en
complet cravate, avec son chapeau melon ou son canotier (chose qui serait
interdite aujourd’hui). Véritable
gentleman, il était d’un tempérament calme et ne buvait jamais. Dans toute sa carrière de gérant, il ne fut
expulsé d’un match qu’une seule fois.
Pour son équipe, il recherchait des joueurs avec une bonne attitude et
d’une intelligence supérieure. D’un
point de vue stratégique, cela lui permettait de moins intervenir et de laisser
ses joueurs jouer. Mack s’est d’ailleurs
débarrassé, malgré son talent, de "Shoeless" Joe Jackson, parce qu’il
ne répondait pas à ses critères.
Dès 1902, Mack mena son équipe au championnat de
la ligue, mais à ce moment, la Série mondiale n’existait pas encore.
En 1905, les Athletics gagnèrent encore le
titre dans l’Américaine, avant d’affronter les Giants de New York en Série
mondiale. John McGraw, le gérant des
Giants, affirma alors que le propriétaire Ben Shibe possédait un gros
"éléphant blanc". Bon joueur,
Mack offrit un éléphant en peluche à McGraw, une vieille connaissance. Le lanceur Christy Mathewson (que Mack avait
failli signer) se chargea de battre les Athletics pratiquement à lui seul, mais
l’équipe adopta l’éléphant comme symbole, et elle le conserve jusqu’à ce jour.
L'éléphant apparaît toujours sur l'uniforme des Athletics |
En 1910, Mack avait eu le temps de reconstruire
ses Athletics et ceux-ci remportèrent leur première Série mondiale, contre les
Cubs. En 1911, ils récidivèrent en
prenant leur revanche contre les Giants de John McGraw, chose qu’ils feront de
nouveau en 1913.
En 1914, les Athletics étaient les grands
favoris, mais ils se sont finalement fait balayer par des Braves de Boston
sortis de nulle part.
Ayant ensuite perdu des joueurs à la nouvelle
(et passagère) Federal League, dont ses as lanceurs Eddie Plank et Chief
Bender, Mack décida de reconstruire et échangea certains de ses joueurs
restants. Des problèmes financiers l’auraient
incité à prendre cette voie. Les
Athletics passèrent alors les sept saisons suivantes en huitième et dernière
place de la Ligue Américaine.
Mais Mack parvint à nouveau à reconstruire et
avec des joueurs comme Mickey Cochrane, Jimmie Foxx, Al Simmons et Lefty Grove,
Philadelphie remporta la Série mondiale en 1929 et en 1930.
Les Athletics remportèrent le championnat de la
Ligue Américaine en 1931, mais perdirent de justesse la Série mondiale face aux
Cardinals.
En 1933, Mack mena la Ligue Américaine à la victoire
lors du premier match des étoiles. Il
eut alors le dessus sur son vieux rival John McGraw, qui dirigeait la
Nationale.
Par contre, la Grande Dépression finit par
rattraper Mack. L’équipe connut de
nouveaux problèmes financiers et Mack dut à nouveau se départir de certains de
ses joueurs. De 1935 à 1946, les
Athletics terminèrent derniers de la Ligue Américaine neuf fois sur douze. Malgré cela, Mack fut élu au Temple de la
Renommée du baseball en 1937, alors qu’il était toujours actif.
L’âge commençait à rattraper Mack, qui se
débrouillait avec les moyens du bord.
Contrairement à la plupart des autres propriétaires, Mack n’avait pas
fait fortune dans un autre domaine. Le
baseball représentait son occupation, son avoir et sa source de revenus. Il devait donc gérer les finances en
conséquence.
Mack avait également laissé certaines de ses
actions à ses trois fils (deux de son premier mariage et un troisième de son
autre union). Son partenaire Ben Shibe
était quant à lui décédé et ce sont ses fils qui avaient hérité de ses
actions. Il y avait donc plusieurs
actionnaires et de prévisibles disputes en résultèrent. Et comme si ce n’était pas assez, après des
années de médiocrité, leurs rivaux en ville (et leurs locataires au Shibe Park
depuis 1938), les Phillies, commençaient finalement à montrer des signes de
vie. Les assistances des Phillies
étaient donc en hausse, et celles des Athletics en baisse.
C’est finalement après la saison 1950 (une
autre dernière place) que Mack renonça à diriger les Athletics, à l’âge
vénérable de 87 ans. On rapporte qu’à ce
moment, il lui arrivait de dormir sur le banc, de perdre momentanément la
mémoire, d’appeler des joueurs qui avaient joué pour lui des décennies plus tôt
et de prendre des décisions étonnantes.
Plus que jamais, Mack paraissait dépassé et issu d’une autre époque, même si son important bagage imposait toujours le respect.
En cinquante-trois saisons à gérer un club des
majeures (dont cinquante avec les Athletics), Mack cumula une fiche de
3775-4025. C’est presque 1000 victoires
de plus que le deuxième en lice, son rival John McGraw. Il a de plus remporté cinq Séries mondiales.
Par contre, la dispute entre propriétaires s’était
finalement résout à la fin de cette même saison. Les deux fils aînés de Mack finirent par
racheter leur demi-frère, Connie Jr. et les héritiers Shibe, pour devenir les
actionnaires de contrôle. Mack demeura
en place, mais dans un rôle symbolique.
En 1953, les frères Mack décidèrent de renommer
le Shibe Park. Celui-ci prit le nom de
leur père et devint le Connie Mack Stadium.
Par contre, les affaires n’allaient pas mieux et ils avaient de grandes
difficultés à faire face à la dette qu’ils avaient contractée pour racheter les
autres actionnaires.
Connie Mack Stadium |
C’est finalement à l’automne 1954 que les
frères Mack durent se résoudre, au grand chagrin de leur père, à vendre le stade à leurs locataires, les
Phillies, et le club à un investisseur qui le déménagea à Kansas City. Bien qu’on aurait prédit le contraire
quelques décennies plus tôt, ce sont les Phillies qui sont restés en ville et
les Athletics qui quittèrent.
Connie Mack ne survécut pas longtemps au
déménagement de son équipe. Il se brisa
une hanche et mourut quelques mois plus tard des complications reliées à sa
chirurgie, en février 1956, à l’âge vénérable de 93 ans.
Le Connie Mack Stadium fut utilisé par les
Phillies jusqu’en 1970. Il est aujourd’hui
démoli.
Ce n’est qu’en 1980 que les Phillies
remportèrent leur première Série mondiale, après que les Athletics eurent connu
une autre séquence glorieuse dans les années 1970, à Oakland cette fois.
Connie Mack III a plus tard été élu à la
Chambre des Représentants, puis comme sénateur de la Floride.
Connie Mack IV a suivi les traces de son père
et a également été élu à la Chambre des Représentants, toujours pour la
Floride.
Sources: Reidenbaugh,
Lowell, "Baseball’s Hall of Fame, Cooperstown, Where The Legends Live
Forever" Arlington House, 1988, p.173-174, 293-294,
"Connie Mack" de Doug Skipper
(sabr.org), wikipedia.org.
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