mardi 2 septembre 2014

Le Canadien ou les Canadiens?








En plus des nombreux surnoms (tricolore, sainte flanelle, bleu blanc rouge, etc.), même dans sa forme officielle, on entend souvent deux façons différentes de désigner le club montréalais : le Canadien et les Canadiens.  Qu’en est-il vraiment?
 
Le club lui-même se désigne comme étant les Canadiens.  Son site internet (canadiens.com) s’identifie comme étant le site des Canadiens de Montréal.  Même chose sur les billets et une foule d’autres items.  La chose a d’ailleurs été confirmée par le club lui-même.  Mathias Brunet, le journaliste de La Presse, a d’ailleurs admis sur son fil twitter s’être trompé pendant de nombreuses années à ce sujet.
 
 
On constate la même chose au niveau de la ligue.  Sur LNH.com, on mentionne effectivement les Canadiens de Montréal.  Cet aspect a son importance, puisque le club est une franchise évoluant dans un championnat fermé.  Le club n’existe donc qu’en tant que franchise de la LNH (à moins d’un scénario plus qu’improbable où il voudrait devenir un club complètement indépendant, à la Harlem Globetrotters).  Et la raison sociale reconnue par le franchiseur (la LNH) est "Canadiens".  Le site de l’équipe mentionne d’ailleurs (en petits caractères) que : "Tous les logotypes et toutes les marques de la LNH, ainsi que les logotypes et les marques des équipes de la LNH illustrés aux présentes, appartiennent à la LNH et à ses équipes respectives et ne peuvent être reproduits sans le consentement préalable écrit de NHL Enterprises, L.P."  C’est donc la LNH qui effectue le contrôle des marques de commerce.
 
Mais qu’est-ce que Geoff Molson et compagnie ont acheté alors ?  En vérifiant au Registre des entreprises du Québec, on note qu’ils détiennent "Club de Hockey Canadien, inc."  On note également que parmi les autres noms utilisés, on ne retrouve pas "Canadiens".
 
Je ne suis pas avocat.  Je n’ai pas accès à l’entente de franchise et même si c’était le cas, je n’aurais aucunement envie de me taper le document.  Mais on peut supposer que le franchisé "Club de Hockey Canadien, inc." opère une franchise de la Ligue Nationale de Hockey sous le nom de "Canadiens de Montréal".  Entre d’autres termes, "Club de Hockey Canadien, inc." (dans ce cas, il faudrait plus utiliser "Club de Hockey Canadien" ou "CHC" que le "Canadien" ou "CH") fait plutôt référence à l’aspect affaire et les "Canadiens" à l’aspect sportif.  Comme je m’intéresse principalement à ce dernier, je préfère les "Canadiens".
 
Cette situation ne serait pas différente de ce que nous avons connu pendant des années, alors que nous achetions des billets du "Club de baseball Montréal limitée" pour encourager un club que tous appelaient du nom de la franchise, les "Expos".  
 
Et si c’était si simple…
 
J’ai profité d’une visite récente au Temple de la renommée du hockey à Toronto (en plus de compléter avec des trucs trouvés sur internet), pour valider sur la source ultime.  Qu’est-ce qui est gravé dans l’argent de la Coupe Stanley?
 
(Vous excuserez la qualité quelconque de certaines photos.  Je devais faire vite.  Déjà que j’ai probablement exaspéré quelques personnes qui attendaient leur tour après moi.  De plus, la Coupe est luisante.  Ce n’est pas une illusion.  On voit parfois mon reflet en train de prendre une photo.  On voit même celui de mon fils à quelques occasions.  Merci de votre compréhension.)
 
1924 Canadiens, simplement
1930 et 1931 Montreal Canadiens

On prend ensuite l'appellation française.


1943-44 Canadiens de Montréal

1945-46 Canadiens de Montréal

 

On reprend ensuite l'appellation anglaise.  Pourtant, le sénateur Donat Raymond est toujours propriétaire...

1956-57 Montreal Canadiens

1964-65 Montreal Canadiens

 

On passe ensuite au "Club de Hockey Canadien".

1967-68 et 1968-69 Club de Hockey Canadien

1975-76 Club de Hockey Canadien
1977-78 Club de Hockey Canadien

1978-79 Club de Hockey Canadien

1985-86 Club de Hockey Canadien

 Puis le retour aux "Montreal Canadiens".

1992-93 Montreal Canadiens

Pas très cohérent tout ça…  Mais au fond, faut-il s’en surprendre?  Il s’agit de la même coupe où l’on désigne le même individu de cinq façons différentes (D., Dickie, R., Rich et Richard Moore).
 
Je me suis donc tourné vers les trophées individuels pour regarder comment était désigné le club dans les mêmes années où on mentionnait "Club de Hockey Canadien" sur la Coupe.  J’ai alors constaté qu’alors qu’on inscrivait une chose sur la Coupe ("Club de Hockey Canadien"), au même moment, on inscrivait autre chose ("Montreal Canadiens") sur les honneurs individuels. 

Trophée Hart 1976-77 et 1977-78 Guy Lafleur Montreal Canadiens

Trophée Norris 1976-77 Larry Robinson Montreal Canadiens

Trophée Art Ross 1976-77 et 1977-78 Guy Lafleur Montreal Canadiens

 
Qu’en est-il alors d’un autre honneur d’équipe?  Sur le Trophée Prince de Galles, on fait d’abord référence à "Les Canadiens", puis aux "Montreal Canadiens", mais jamais au "Club de Hockey Canadien", même pendant les années où c’est ce qu’on inscrivait sur la Coupe.

Trophée Prince de Galles, Les Canadiens dans les années 1920, puis Montreal Canadiens dans les années 1970
Trophée Prince de Galles, Montreal Canadiens, autant dans les années 1960 que 1970

Et les bagues?

1976 Club de Hockey Canadien

1986  La bague indique Canadiens, même si la Coupe indique Club de Hockey Canadien

Et pour rendre les choses encore plus confuses, l’équipe a eu pendant un moment une chanson promotionnelle où elle se désignait elle-même comme étant "le Canadien"… (voir texte du 14 novembre 2011)
 
J’ai tenté de comprendre pourquoi pendant une période, le club s’est désigné comme étant le "Club de Hockey Canadien" avant de revenir à la forme précédente.  Du milieu des années 1960 jusqu’en 1986, il y a eu plusieurs propriétaires (la famille Molson, puis les Bronfman, puis la Brasserie Molson), plusieurs présidents (David Molson, Jacques Courtois, Morgan McCammon et Ronald Corey) et plusieurs directeurs gérants (Sam Pollock, Irving Grundman et Serge Savard).  On ne peut donc pas attribuer le changement (et le retour aux "Canadiens") à une ère particulière.
 
Le seul lien que j’ai pu faire, c’est avec Claude Mouton, qui en tant qu’annonceur, faisait souvent référence au "Club de Hockey Canadien" et qui est décédé juste avant la conquête de 1992-93 (ce qui expliquerait le retour aux "Montreal Canadiens"?).  Par contre, il n’est devenu relationniste qu’en 1973.  Il s’est joint à l’équipe à la fin des années 1960, mais à ce moment, il n’était qu’annonceur.  Il serait alors étonnant que ce soit lui qui ait pris cette décision.  Cette théorie ne tient donc pas.  Quant à Camil Desroches, l’homme à tout faire pendant des décennies, il y était toujours en 1993.  (Il a pris sa retraite peu de temps après.)
 
Je n’ai donc pas d’explication.  Quelqu’un en a-t-il une?

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