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Même si chaque carrière sportive est unique, celles d’Olaf Kölzig et Byron Dafoe ont emprunté plusieurs routes parallèles, et parfois la même voie. Et les deux frappèrent le même obstacle sur leur chemin, un « as » qui vint temporairement brouiller les cartes.
Le premier, Olaf Kölzig, est à né Johannesburg en Afrique du Sud de parents allemands. Adolescent, il deménage en Colombie-Britannique où il sera rebaptisé « Godzilla » ou « Zilla », dû à la ressemblance entre son nom et celui du monstre bien connu, le tout accentué par sa stature imposante. Le second, Byron Dafoe, vient au monde en Angleterre, mais quelques mois après sa naissance, sa famille émigre elle aussi dans la province du Pacifique. Ses origines anglo-saxonnes lui valurent le surnom de « Lord Byron ».
Au niveau junior, les deux intègrent la Western Hockey League (WHL), Kolzig en 1987 avec les Bruins de New Westminster et Dafoe l’année suivante avec les Winter Hawks de Portland. Leurs performances remarquables attirèrent l’attention des Capitals de Washington, qui firent le choix peu commun de repêcher un gardien en première ET en deuxième ronde au même repêchage, dans ce cas-ci celui de 1989.
Kolzig disputa ses deux premiers matchs dans la grande ligue la même année, encaissant la défaite à chaque fois. En 1990-91, il fit officiellement le saut chez les professionnels, à mi-temps chez les Skipjacks de Baltimore (Ligue américaine) et les Admirals d’Hampton Roads (ECHL). Dafoe, toujours un an derrière le Sud-Africain, passa des Winter Hawks aux Raiders de Prince Albert. L’année suivante, nos deux gardiens devinrent deux fois coéquipiers, d’abord au sein des Skipjacks et ensuite avec les Admirals.
Cependant, le grand club souhaitait faire voir davantage d’action à ses espoirs. Les Capitals prêtèrent Kolzig aux Americans de Rochester où il enfila l’uniforme 49 fois. Dafoe resta quant à lui à Baltimore, chaussant les patins pour 48 rencontres. Chacun fut également rappelé pour un match avec les Caps. En 1993, les Skipjacks déménagèrent à Portland au Maine et le tandem Dafoe-Kolzig aida les nouvellement baptisés Pirates de Portland à remporter la coupe Calder. Ils se partagèrent également le trophée Harry Hap Holmes, remis au(x) gardien(s) ayant la plus faible moyenne de buts alloués.
Kolzig participa ensuite à sept matchs avec les Capitals en 1993-94, ne réussissant toutefois pas à obtenir une première victoire, contrairement à Dafoe qui, en cinq matchs à Washington, obtint son premier gain dans la LNH.
À l’aube de la saison écourtée de 1995, les Capitals se séparent de leur gardien numéro un des cinq saisons précédentes, le vétéran Don Beaupre, qui prendra la route d’Ottawa. On croyait alors que le poste de partant irait à Kolzig ou Dafoe, ou peut-être à l’adjoint de Beaupre, Rick Tabaracci. Le parcours de tout ce beau monde bascula lors du lock-out de 1994 avec l’arrivée d’un certain Jim Carey.
Choix de deuxième ronde lors de l’encan de 1992, Jim Carey ne doit pas être confondu à l’acteur canadien Jim Carrey avec deux R. Ce dernier étant célèbre grâce au film « Ace Ventura: Pet Detective », Carey hérita du surnom « Ace », ce qui expliquait les quatre as sur le menton de son masque à l’époque. Tout frais sorti de l’Université du Wisconsin, Carey tassa tout le monde de l’échiquier et devint le portier numéro un des Pirates durant le gel des activités dans la LNH en 1994. Pendant ce temps, Dafoe fut prêté aux Roadrunners de Phoenix de la International Hockey League (IHL) et Kolzig dut pour sa part mettre le cap sur l’Allemagne pour garder la forme.
Lors de la reprise des activités, les Capitals connaissent un misérable début de saison avec une fiche de seulement trois victoires en 18 matchs où se succédèrent sans succès Kolzig, Dafoe et Tabaracci. On donna donc sa chance à Carey au début du mois de mars, lui qui était fumant dans la Ligue américaine avec 30 victoires, dont six par jeu blanc. « Ace » poursuivit sa lancée dans la LNH avec 18 victoires en 29 parties, propulsant les Capitals en séries.
Après avoir échangé Tabarracci à Calgary, les Capitals rappelèrent Dafoe pour seconder Carey, en compagnie de Kolzig. Malheureusement pour le trio et les Capitals, ils se butèrent aux puissants Penguins qui les éliminèrent dès la première ronde.
Le passage de Carey dans la AHL était toutefois si fulgurant qu’il gagna le trophée Red Garrett, remis à la recrue de l’année, ainsi que le trophée Baz Bastien, remis au meilleur gardien malgré une présence écourtée à Portland. De plus, il figura parmi les finalistes pour les trophées équivalents dans la LNH, soit le Calder et le Vézina. Voyant l’émergence incroyable de Carey, l’équipe se départit de Dafoe en août 1995, en l’expédiant aux Kings de Los Angeles en compagnie de Dmitri Khristich. Kolzig resta quant à lui à Washington pour assister la nouvelle coqueluche des Capitals.
Carey se remit au travail la saison suivante, survolant ses collègues de la LNH. Il vit beaucoup d’action, défendant le filet des Capitals pendant 71 matchs, recueillant 35 victoires. Kolzig ne participa qu’à 18 matchs et en ajouta cinq de plus à Portland, question de ne pas s’ankyloser. Quant à Dafoe, il partagea le filet des Kings avec Kelly Hrudey, ne récoltant que 14 victoires en 47 matchs. En séries éliminatoires, le chemin des Caps croisa de nouveau celui des Penguins en première ronde. Malgré cette deuxième élimination hâtive d’affilée, Carey remporta le trophée Vézina. Au moment d’écrire ces lignes, il est toujours le seul gardien à avoir été nominé pour le trophée Vézina lors de ses deux premières saisons. Forts de ces succès, les Capitals lui accordèrent un contrat de quatre saisons.
Mais malgré deux saisons extraordinaires, l’attaque des Penguins lors des séries avait fissuré l’armure du grand « Ace ». La légende raconte que les Penguins auraient remarqué une faiblesse de Carey pour les mouvements latéraux, qu’ils ont facilement parvenus à exploiter cette faille durant ces séries et que le bouche-à-oreille s’est vite répandu à travers la ligue. Cela fit en sorte que Carey eut, pour la première fois de sa carrière, une fiche déficitaire en 1996-97, signant 17 victoires contre 18 défaites. Les Capitals avaient-ils misé sur le mauvais cheval? Ils prirent alors la décision de s’en départir en l’incluant dans un « blockbuster » à la date limite des transactions.
Carey passa donc aux Bruins de Boston en compagnie de Jason Allison et d’Anson Carter, en retour d’Adam Oates, Rick Tocchet et du gardien Bill Ranford. Cet échange ébranla sérieusement ce qui restait de confiance à Carey, qui ne gagna que cinq des 19 matchs qu’il joua pour Boston.
En Californie, Dafoe tentait toujours de faire sa place, cette fois aux côtés de Stéphane Fiset. Mais n’ayant gagné que 13 des 40 matchs auxquels il participa, Lord Byron perdit son poste au profit du jeune Jamie Storr. Dafoe atterrit donc lui aussi à Boston à l’été 1997, retrouvant celui qui lui avait fait de l’ombre à Washington : Jim Carey. Mais cette fois, les rôles furent renversés. Dafoe éclipsa totalement Carey qui peinait à engranger les victoires. Avec 30 succès en 65 rencontres, il devint rapidement un favori de la foule et le nouveau numéro un des Bruins. Carey assura donc la navette entre le grand club et le club-école à Providence et n’obtint que trois victoires dans la LNH. Mais même dans la AHL, Carey ne put redorer son blason, alors qu’au même moment, son homonyme accumulait les succès au box-office.
Dernier des trois encore à Washington, Kolzig apprit grandement auprès de Bill Ranford, dont le nom était inscrit à deux reprises sur la coupe Stanley avec les Oilers d’Edmonton. « Godzilla » sortit complètement de sa coquille en 1997-98, devenant le portier de confiance des Caps avec 33 victoires en 64 matchs et participant au Match des étoiles. Il conduisit ensuite son équipe en finale de la coupe Stanley. Cependant, les imbattables Red Wings de Detroit balayèrent Washington en quatre matchs.
Kolzig ne put répéter ses exploits en 1998-99, et les Capitals ratèrent les séries. Dafoe, sur les chapeaux de roues avec les Bruins, récolta 32 victoires, dont 10 par blanchissage.
Pendant ce temps, les Blues de Saint-Louis firent l’acquisition de Carey, lui qui croupissait dans la AHL, n’ayant pas réussi à percer l’alignement des Bruins. Il ne participa qu’à quatre matchs au Missouri, n’enregistrant qu’une seule victoire. Il fut rétrogradé dans la IHL et, après deux matchs, il subit une commotion cérébrale.
N’étant plus capable de gérer la pression et ayant perdu le plaisir de jouer, il décida d’accrocher ses jambières. Plus jamais il ne remit l’équipement ou ne prit part à des activités de la LNH.
L’arrivée du nouveau millénaire ne fut pas de tout repos pour Dafoe. Une mésentente contractuelle avec les Bruins lui fit rater le début de la saison et une opération au genou le priva du dernier quart de l’année. La saison suivante ne fut pas meilleure côté blessures, alors que ses genoux l’envoyèrent à l’infirmerie pour 24 matchs.
De retour en pleine santé en 2001-02, il retrouva sa touche magique avec 35 victoires, avant de voir les Canadiens de Montréal éliminer Boston en six matchs. Les dirigeants des Bruins, ayant perdu confiance en lui, ne renouvelèrent pas son contrat. Dafoe se retrouva du travail avec les Thrashers d’Atlanta, mais de retour dans un rôle de réserviste derrière Pasi Nurminen.
Après 35 matchs en deux saisons en Georgie, Dafoe décida de prendre une année sabbatique, la saison 2004-05 de la LNH étant d’ailleurs annulée par un autre lock-out. Il tenta sa chance en Russie à l’automne 2005, mais le cœur n’y était plus et il confirma sa retraite après deux matchs.
Kolzig disputa 63 matchs par saison en moyenne à Washington, mais ne put jamais passer la première ronde des éliminatoires après sa présence en finale en 1998. Il s’établit tout de même parmi l’élite des gardiens de la LNH, mettant la main sur le trophée Vézina en 1999‑2000 et le King Clancy en 2005-06.
C’est à la fin de la saison 2007-08 qu’il perdit finalement la position de numéro un des Capitals au profit de Cristobal Huet. Agent libre durant l’été, il signa un contrat d’un an avec le Lightning comme gardien substitut. Après seulement huit matchs et une fiche de 2-4-1, il se blessa en janvier, ce qui le mit au rancart pour le reste de la saison.
Un échange bizarre et controversé impliqua alors Kolzig. Le Lightning connaissait une période d’instabilité financière et l’envoya aux Maple Leafs en compagnie du défenseur Jamie Heward, du prospect Andy Rogers ainsi qu’un choix de 4e ronde. En retour de tout ça, le Lightning ne reçut qu’un seul joueur, le défenseur marginal Richard Petiot. Cet échange maquillait mal ce qui importait aux deux équipes, soit un « salary dump » pour Tampa Bay contre un simple choix pour Toronto. Kolzig prit sa retraite avant le début de la saison suivante et n’aura jamais mis les pieds à Toronto.
Il est encore à l’emploi des Capitals, dans un rôle de développement, et put ainsi soulever la coupe Stanley en 2018, vingt ans après sa présence en finale.
Kolzig et Dafoe ont tissé des liens d’amitié très serrés avec les années, par exemple en étant chacun le témoin de l’autre lors de leur mariage respectif au courant de l’été 1998. Kolzig est d’ailleurs le parrain du fils de Dafoe et vice-versa. Ils mirent aussi sur pied la fondation « Athletes Against Autism », les deux étant pères d’un enfant atteint du syndrome du spectre de l’autisme.
Après avoir obtenu son diplôme en affaires à l’Université de Tampa, Jim Carey développa ensuite une compagnie de facturation médicale en Floride où il siège toujours comme président.
La morale de l’histoire, c’est que repêcher trop de gardiens, ça fait du trafic devant le but.
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