Il y a quelques semaines est décédé Eric Nesterenko. Il avait 88 ans.
Fils d’immigrants ukrainiens, Nesterenko est né à Flin Flon, dans le nord du Manitoba. Il déménagea toutefois à l’adolescence à Toronto avec sa famille. Il se retrouva ainsi dans la cour des Leafs, en s’alignant avec les Marlboros de Toronto.
Le talent offensif de Nesterenko attira rapidement l’attention et il devint un espoir de premier plan des Leafs. Pendant que leurs rivaux montréalais avaient Jean Béliveau dans leur pépinière, Toronto voulut mousser le talent de Nesterenko. Il accéda même à la LNH sur une base régulière avant Béliveau, puisque ce dernier prolongea son séjour avec les As de Québec plus longtemps que le tricolore ne l’aurait voulu. Toutefois, une fois tous les deux bien installés dans la grande ligue, les résultats furent très différents et le parallèle ne tenait plus.
De 1952 à 1955, Nesterenko connut des saisons respectables de 10, 14 et 15 buts. Toutefois, en 1955-56, sa production baissa à 4 buts et il termina l’année avec Winnipeg dans la Ligue de l’ouest. Pendant ce temps, Béliveau en comptait 47 et remportait sa première Coupe Stanley.
Les comparaisons cessèrent et Toronto considéra alors Nesterenko comme un échec. Il fut donc échangé aux Black Hawks, une équipe de fond de classement à ce moment, en compagnie de Harry Lumley pour un montant d’argent.
Nesterenko adapta alors son style. Moins flamboyant, il devint un joueur défensif utilisé en désavantage numérique, et qui avait habitude de garder ses coudes bien hauts.
L’équipe montra aussi un certain progrès. Avec l’arrivée de Bobby Hull, Pierre Pilote, Glenn Hall et Stan Mikita, les Hawks atteignirent finalement les séries en 1958-59, après les avoir ratées 11 fois en 12 ans.
Au cours de la saison 1960-61, Nesterenko fut au cœur d’un événement controversé. Willie O’Ree était parvenu à faire sa place au sein de l’alignement des Bruins, devenant ainsi le premier noir à jouer dans Ligue nationale. Selon O’Ree, lors d’un match à Chicago, Nesterenko l’aurait traité de ce qu’on appelle de nos jours le "mot en n", en plus d’utiliser le bout de son bâton pour lui casser le nez et les dents d’en avant. O’Ree a répliqué avec son bâton, causant une blessure qui nécessita 15 points de suture à Nesterenko. Le tout dégénéra en échauffourée. Nesterenko affirma plus tard qu’il ne se souvenait pas d’avoir utilisé d’insultes racistes.
À la fin de la saison, Nesterenko atteignit son sommet en carrière avec 125 minutes de punition et en séries, il aida Chicago à remporter sa seule Coupe des 25 ans que dura l’époque des six équipes. Par la suite, les Hawks eurent de bonnes années. Ils atteignirent deux autres fois la finale avant l’expansion de 1967, mais ils ne remportèrent pas d’autres Coupes.
Nesterenko demeura au-delà de la période des six équipes, jusqu’en 1972. Il joua au total 1013 matchs avec les Hawks, pour un total de 1219 en ajoutant ceux dans l’uniforme des Leafs.
Il tenta ensuite l’expérience suisse en devenant entraîneur (et parfois joueur) du club de Lausanne. L’expérience fut toutefois mitigée et après un an, il revint en Amérique du Nord pour un dernier tour de piste chez les pros. Il joua une dernière saison avec les Cougars de Chicago de l’AMH, sous les ordres de son ancien coéquipier, Pat Stapleton. Il joua également au niveau senior avec les Smoke Eaters de Trail, avant d’accrocher ses patins.
Par la suite, Nesterenko, qui a toujours été de nature solitaire et qui a déjà eu des questionnements au sujet de la pertinence de son travail de hockeyeur, s’est mis à se concentrer sur le ski alpin. Après un passage à vide qui a inclus un peu trop d’alcool, c’est là qu’il alla chercher un peu d’oxygène. Établi au Colorado, il fut patrouilleur, puis travailla au contrôle des avalanches, avant de devenir moniteur, poste qu’il occupa pendant plusieurs années.
En 1986, il fut consultant pour le film Youngblood, où il aida Rob Lowe, qui jouait le personnage principal, à apprendre à patiner. (Une doublure fut toutefois nécessaire pour la plupart des scènes sur la glace.) Il fut aussi devant la caméra, alors qu’il joua le père du personnage de Lowe.
Sources :
"Out of hockey and listening still for that distant drum" de Trent Frayne, March 10, 1980, MacLean’s (archives.macleans.ca),
"The career after the hype" de Stan Fischler, July 16, 2019, The Hockey News (thehockeynews.com),
"Eric Nesterenko, member of the 1961 Chicago Blackhawks, dies at 88 – and leaves behind a complicated hockey legacy" de Phil Thompson, June 7, 2022, Chicago Tribune (chicagotribune.com),
"Eric Nesterenko, le premier vainqueur de la Coupe Stanley à Lausanne", 9 juin 2022 (lausannehc.ch),
brownscremationservice.com/obituary/eric-nesterenko, wikipedia.org.
Je ne savais pas que Nesterenko avait joué dans le film Youngblood... Il me semble avoir lu un article dans le Sélection du Reader's Digest au milieu des années 70 où il parlait de son combat contre l'alcool. Quant à l'incident raciste avec O'Ree, c'est déplorable mais "dans le bon vieux temps, ça se passait de même", le vieux Willie a dû en entendre des vertes et des bien mûres tout au long de sa carrière. Grand merci pour cet article.
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