vendredi 31 août 2018

Gerry McNeil









Gérald McNeil est né à Québec d’un père anglophone et d’une mère francophone du Nouveau-Brunswick.  C’est Mike McMahon, un de leurs joueurs qui avait déjà joué avec les As de Québec, qui recommanda aux Canadiens de jeter un coup d’œil au petit gardien (5’7’’).  C’est ainsi que McNeil reçut par la poste et à sa grande surprise, une convocation de Tommy Gorman pour le camp de 1943 des Canadiens.  Disons que les méthodes de dépistage se sont un peu raffinées depuis…

Il se rendit donc à Montréal pour la première fois de sa vie, où par un concours de circonstance, il n’y avait que deux gardiens au début du camp, Bill Durnan et lui.  McNeil eut donc plus de temps de glace que prévu et il ne rata pas sa chance.  Sans surprise, Durnan eut le poste avec les Canadiens, mais McNeil fut engagé pour jouer avec le Royal de Montréal de la Ligue senior.  Au grand étonnement de Gorman, McNeil refusa d'abord l’offre, lui qui s’ennuyait de la maison.  Gorman fit donc intervenir son père, qui souligna au jeune Gerry que les 3200$ que les Canadiens lui offraient étaient beaucoup plus que ce qu’il gagna comme contremaître à l’Anglo-Canadian Pulp & Paper.  Gerry se ravisa donc.

McNeil entreprit donc une longue carrière avec le Royal, avec qui il remporta la Coupe Allan en 1947.  Il faut dire qu’à l’époque, les équipes n’alignaient qu’un seul gardien, de qui on attendait qu’il joue pratiquement tous les matchs.  Avec les Canadiens, ce poste était occupé par Bill Durnan, qui remportait le Trophée Vézina à répétition.

C’est toutefois en novembre 1947 que McNeil put faire ses débuts dans la LNH.  Au début de la deuxième période, Bill Durnan fut coupé sérieusement au front par le patin d’un adversaire.  Comme c’était la coutume à l’époque, McNeil était sur place au Forum, mais en civil.  Lorsqu’il constata que Durnan n’était pas en état de poursuivre, l’entraîneur Dick Irvin dut se résoudre à faire appel au gardien d'urgence, c’est-à-dire McNeil.  Il enfila donc son équipement et on lui trouva un chandail, pour qu’il puisse affronter les Rangers.  La perte de Durnan sembla déstabiliser les Canadiens, qui perdirent 5-2.  D’ailleurs, le premier but accordé par McNeil dans la Ligue nationale a été marqué par son propre coéquipier, Elmer Lach…

Au match suivant, Durnan n’était toujours pas en état de jouer.  McNeil affronta donc les Bruins à Boston, où les choses se passèrent beaucoup mieux.  Il soutira un verdict nul de 1-1 face à son idole de jeunesse, Frank Brimsek.  Il retourna ensuite avec le Royal et dut attendre deux saisons plus tard avant de jouer six autres matchs en 1949-50, où il fit bonne impression.

La suite fut inattendue.  En séries, les Canadiens affrontèrent les Rangers, qu’ils devaient battre facilement.  Ils se firent plutôt surprendre en perdant les trois premiers matchs.  Prétextant un problème de vision suite à une blessure, Durnan alla alors voir Irvin pour lui demander d’utiliser McNeil pour le quatrième (et peut-être ultime) match.  Irvin s’y résigna donc à contre-cœur, mais McNeil, qui éprouvait un grand respect pour lui, dut se faire convaincre par Durnan lui-même.  McNeil aida Montréal à remporter ce duel, avant d’être éliminé au cinquième match.

Il s’avéra ensuite que Durnan avait subi ce qu’on appelle aujourd’hui une dépression nerveuse.  Malgré qu’il venait de remporter un autre Trophée Vézina, il prit sa retraite et ne revint jamais au hockey professionnel.  Le poste revenait maintenant à McNeil.

Il joua donc tous les 70 matchs de la saison 1950-51.  Lors des séries, Montréal surprit les puissants Red Wings au premier tour.  McNeil eut plus que son mot à dire dans cette victoire, puisqu’il passa 218 minutes et 42 secondes (incluant 103 minutes et 29 secondes en prolongation) sans accorder de but à Détroit.  Bien qu’il ne s’agissait pas d’un record (il y a eu trois séquences plus longues dans les années 1930), personne n’a fait mieux depuis.

Le Tricolore se retrouva ensuite en finale contre Toronto.  Dans une série où toutes les parties se décidèrent en prolongation, les Leafs l’emportèrent en cinq matchs.  Le duel ultime fut décidé sur un but légendaire de Bill Barilko.  Ce but en surtemps ne passa pas seulement à l’histoire parce qu’il donna la Coupe aux Leafs, mais également parce que Barilko trouva la mort l’été suivant dans un accident d’avion de brousse.  L’avion (et les restes de Barilko) ne furent retrouvés qu’en 1962, année du triomphe suivant des Leafs.  Une photo du dit but devint alors célèbre et sur celle-ci, on retrouve un McNeil déjoué.  Cette image « du gardien sur la photo de Barilko » est probablement celle pour laquelle McNeil est le plus connu, un fait qui l’a longtemps laissé plutôt amer.  Il préféra plutôt se souvenir de cette journée comme étant celle où sa fille est née…  Grosse journée!

À la fin de l’automne 1951, il se produisit un autre événement qui montre comment il était attendu que les joueurs en général et les gardiens en particulier jouent en toutes circonstances.  La mère de McNeil souffrait d’un cancer à un stade avancé.  Lorsqu’elle rendit l’âme à la fin décembre, son fils était sur la route.  Il battit alors les Wings le lundi et blanchit Chicago le mardi du jour de l’an, malgré qu’il passa les entractes à pleurer dans la chambre.  Il retourna ensuite à Québec pour assister aux funérailles, avant de retourner à Montréal pour affronter Toronto le jeudi suivant.

Sa jeune fille fut aussi malade au point d’envisager qu’elle ne passerait pas au travers.  Encore une fois sur la route, il prit l’avion pour la rejoindre, s’assura qu’elle se stabilise, pour ensuite rejoindre l’équipe. 

Toujours au cours de cette même saison, il fut atteint d’un coup de patin de Floyd Curry au front.  (McNeil était petit et n’hésitait pas à se lancer tête première, sans masque évidemment.)  En piteux état, on l’envoya à l’hôpital où on constata qu’un morceau de lame était demeuré dans son front.  On le retira avant de le recoudre.  Quelques jours plus tard, McNeil constata qu’il avait une petite bosse douloureuse sur son front.  De retour à l’hôpital, un rayon X confirma qu’il restait un bout de métal à l’intérieur.  On le retira et on lui ajouta dix points de suture de plus.  Malgré tous ces événements, McNeil joua tous les 70 matchs de son équipe, qui se rendit en finale, mais qui s’inclina contre Détroit.

Cet héroïsme n’a pourtant pas toujours été reconnu à sa juste valeur.  Le 29 octobre 1952, alors que tous se demandaient si Maurice Richard allait surpasser la marque de Nels Stewart et devenir le plus grand buteur de la Ligue nationale, McNeil reçut une rondelle qui lui fractura et lui déplaça l’os de la joue, en plus évidemment de le sonner.  Ne voulant pas abandonner son équipe, il assura que ça allait aller.  Par contre, son visage enfla au point de lui obstruer la vue.  Les Leafs comptèrent trois buts pendant cette période et deux autres dans la suivante.  Après le match, Dick Irvin blâma McNeil pour la défaite.  Au lieu de célébrer son record, le Rocket ne put s’empêcher d’enguirlander Irvin d’avoir été aussi abject avec McNeil.

En 1952-53, les Canadiens avaient une attaque plutôt ordinaire, mais McNeil veillait au grain.  Il obtint 10 blanchissages, un sommet dans la ligue, à égalité avec Harry Lumley des Leafs.  Montréal termina donc deuxième au classement, mais loin derrière les puissants Red Wings.  Au moment des séries, Détroit trébucha et fut surpris par Boston.  Était-ce la chance dont Montréal avait besoin?

De leur côté, les Canadiens affrontaient les Black Hawks, qui participaient finalement aux éliminatoires, après six ans d’absence.  Mais si on attendait McNeil, c’est finalement Al Rollins, le gardien des Hawks qui s’illustra.  Pendant ce temps, McNeil connut une mauvaise série, tout comme le reste de l’équipe.  Après avoir remporté les deux premiers matchs au Forum, Montréal échappa les matchs 3, 4 et 5.  Sentant qu’il laissait tomber ses coéquipiers, McNeil demanda à être remplacé par le jeune gardien des Bisons de Buffalo, Jacques Plante.  Ce fut perçu comme un signe de faiblesse, un peu comme ce fut le cas pour Durnan quelques années auparavant.  Plante remporta le match six.  Ensuite, McNeil se blessa à l’entraînement, laissant Plante guider Montréal vers la finale, contre les Bruins.

Les Canadiens remportèrent le premier match, mais Plante eut un mauvais match lors du deuxième et Irvin ramena alors McNeil.  Les Canadiens remportèrent ensuite les trois matchs suivants, incluant le dernier en prolongation, par la marque de 1-0, où McNeil a bien sûr excellé.  Il concluait alors une saison éprouvante avec un duel de gardien qui tourna à son avantage, et la Coupe Stanley. 

Comme c’était son habitude, il passa ensuite l’été à vendre des voitures chez un concessionnaire Buick, puisque la plupart des joueurs à cette époque avait un emploi d’été.
La saison 1953-54 débuta bien, mais à un moment, McNeil se blessa à la cheville.  Irvin fit alors appel à Plante et devant le brio de son jeu, il continua de l’envoyer dans la mêlée, même au retour de McNeil.  Plante prit également le filet pour les séries, où Montréal balaya Boston.  La finale opposa donc encore Montréal et Détroit. 

Lorsque les Wings prirent les devants 3-1 dans la série, aidés par des performances ordinaires de Plante, Irvin décida de revenir avec McNeil.  Celui-ci répondit à l’appel avec une victoire de 1-0 en prolongation.  Satisfait de sa performance, il sortit de la patinoire en souriant.  Toutefois, Irvin voulut encore jouer à ses petits jeux psychologiques en disant à McNeil de cesser de sourire, puisqu’il avait mal joué et que sa technique était déficiente.  Insulté, McNeil se dit alors qu’une fois les séries terminées, il ne jouerait plus jamais sous les ordres d’Irvin.   Il en conserva une rancœur envers lui pendant longtemps. 

Montréal remporta le sixième match avec McNeil devant le filet, forçant la tenue d’un ultime duel.

Âprement disputé, le match couronna finalement les Red Wings, qui l’emportèrent 2-1 en prolongation.  Pour la troisième fois en quatre ans, la Coupe Stanley s’est joué au cours d'un match qui s’est terminé en prolongation et lors de ces trois matchs, Gerry McNeil était devant le but.  La défaite a toutefois été particulièrement émotive pour lui.

Suite à son épuisement émotionnel, McNeil emprunta la même voie que Durnan avant lui.  Même s’il n’était âgé que de 28 ans, il décida que c’en était assez.  On tenta de le convaincre de revenir sur sa décision, mais il refusa.  Il tint donc parole et ne joua plus jamais pour Dick Irvin. Il prit sa retraite et préféra aller gérer une station-service Fina.

Toutefois, la paie était beaucoup moins intéressante pour celui qui avait une famille à faire vivre.  De plus, la saison de McNeil loin des patinoires s’avéra la dernière d’Irvin à Montréal.  Une fois remplacé par Toe Blake, ce dernier convainquit McNeil de revenir dans un poste avec moins de pression, soit avec le Royal.  Il pouvait ainsi servir de police d’assurance derrière Plante.  Cette occasion se présenta en 1956-57, alors qu’il joua neuf parties avec le Tricolore.

Il joua ensuite deux ans dans la Ligue américaine avec Rochester, puis un autre avec le Royal, avant de disputer sa dernière saison en 1960-61 dans sa ville natale, avec les As de Québec.

Après sa carrière, il travailla en vente, d’abord dans la région de Québec, puis à Montréal.  Il passa entre autres de nombreuses années au service de Seagram. Il développa d’ailleurs un problème d’alcoolisme, qu’il parvint à surmonter.

Comme plusieurs joueurs de son époque, c’est au début des années 1990 qu’il reprit contact avec l’organisation, suite aux efforts de Ronald Corey pour montrer de la reconnaissance envers les anciens.

En 2000, il fut l’un des porteurs aux funérailles de Maurice Richard avec Ken Mosdell, Ken Reardon, Elmer Lach, Jean Béliveau, Dickie Moore, Émile Bouchard et bien sûr son frère Henri.

C’est en 2004 qu’un cancer l’emporta, à l’âge de 78 ans.

Sources :

McNeil, David, In the Pressure of the Moment, Remembering Gerry McNeil, Midtown Press, 2016, p.15 à 21, 36 à 38, 63 à 67, 92 à 127, 135 à 139, 167 à 182, 191 à 200, 208, 230,

hockeydb.com, wikipedia.org.

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