Le billet d’hier raconte l’histoire de Ken Reardon, un joueur reconnu pour son esprit combattif.
En 1946, Reardon avait déjà eu maille à partir avec un partisan des Rangers, se faisant ainsi une certaine réputation à New York.
Le 16 mars 1947, Montréal affrontait encore les Blueshirts à New York. Ces derniers tentaient désespérément de rester dans la course pour la dernière place disponible dans les séries éliminatoires. De l’autre côté, les Canadiens espéraient s’assurer du premier rang en saison régulière, ce qui aurait assuré un montant de 1000$ à chaque joueur.
À la dernière minute du match, Reardon fut coupé à la lèvre lorsque Bryan Hextall (le père de Bryan Jr et de Dennis et le grand-père de Ron) le mit échec, et rencontra en chemin le bâton de Cal Gardner. En quittant la patinoire, Reardon reçut un coup de poing d’un spectateur. Lorsqu’il répliqua, Chuck Rayner, des placiers et finalement d’autres joueurs s’en mêlèrent, le tout vira à la foire. Les coups de poing et de bâton se mirent alors à retentir. Plusieurs Canadiens s’en prirent à des spectateurs. Reardon asséna un coup de bâton à un spectateur qui l’avait insulté. Butch Bouchard se trouva une autre cible pour faire la même chose. Les Rangers rappliquèrent alors pour se porter à la défense de leurs partisans. Maurice Richard, à qui on avait fait la vie dure lors du match, en profita pour prendre sa revanche. Bill Juzda des Rangers sortit amoché de l’échauffourée lorsque son crâne rencontra le bâton du Rocket. Si Reardon eut besoin de 14 points de suture, il n’était plus là lorsque les choses ont dégénéré, puisqu’il avait été escorté par la police vers la clinique de façon plus ou moins amicale.
Reardon était furieux d’avoir été ainsi charcuté, mais le tout s’est passé rapidement et il n’a pas vraiment eu l’occasion de voir à qui appartenait le bâton qui l’avait coupé. Ce n’est que plus tard, alors que Hal Laycoe avait été échangé des Rangers aux Canadiens qu’il eut l’occasion de répondre aux interrogations de Reardon. À partir du moment où il a su que c’était Gardner, sa rancœur avait une cible.
Lors du match du 1er janvier 1949 entre Montréal et Toronto, Reardon fit une remarque qu’on suppose désobligeante à Gardner, qui jouait maintenant pour les Leafs. Ce dernier répondit en lui fracassant son bâton sur la tête. Reardon répliqua et le tout dégénéra en bagarre. Les choses semblaient finalement se calmer lorsque l’entraîneur Dick Irvin leva le bras de Reardon en signe de victoire, ce qui fit reprendre les hostilités. Une bagarre éclata alors dans les estrades, ce qui nécessita l’intervention de la police. Reardon et Gardner furent expulsés du match. Ce dernier écopa en plus d’une amende de 250$. Reardon en reçut quant à lui une de 200$ du président Clarence Campbell. Les deux belligérants furent aussi suspendus pour un match.
La guerre a repris lors du match du 10 novembre 1949, alors que Reardon donna un solide coup de coude à Gardner, ce qui lui causa une blessure à l’épaule, mais qui brisa la mâchoire de Gardner. Lorsqu’on apprit la nouvelle à Reardon, il répondit que ça ne pouvait pas arriver à un meilleur gars. Gardner rata deux mois d’activité.
Si sa blessure lui fit rater le match suivant contre les Rangers, Reardon put revenir pour le match du 13 novembre à Chicago. Le tout tomba à point, puisqu’il devait faire face à la justice en Illinois. En effet, lors du match du 2 novembre contre les Hawks, Reardon n’a pas apprécié qu’un spectateur se penche sur la bande pour, selon ses dires, pratiquement lui arracher son chandail. (Les spectateurs n'étaient pas toujours commodes à cette époque...) Toujours selon son témoignage en cour, il se retourna brusquement pour se déprendre et ce serait ainsi que son bâton aurait abouti sur la tête du spectateur. Une bagarre éclata et un deuxième partisan voulut s’en prendre à Reardon, et un troisième voulut lui lancer une chaise. Billy Reay frappa aussi un spectateur avec son bâton. Selon sa version des faits, Léo Gravelle vit alors qu’un spectateur voulait s’en prendre à Reardon et utilisa son bâton pour l’arrêter. La victime de Reardon dut recevoir sept points de suture. Peut-être parce que son attaque n’a pas lieu sur la patinoire, Reardon n’eut aucune pénalité, mais Reay en eut une pour mauvaise conduite. Des spectateurs portèrent plainte contre Reardon et Gravelle, mais pas contre Reay. Finalement, le juge exonéra de tout blâme les joueurs et statua que les spectateurs avaient été les agresseurs.
Le conflit Reardon-Gardner eut un rebondissement inattendu en mars, lorsque Reardon accorda une entrevue au magazine Sport. Dans celle-ci, il mentionna :
″Je verrai à ce que Gardner se fasse faire 14 points de suture à la bouche. Il se pourrait que j’attende longtemps, mais je suis patient. Même si je dois attendre à la dernière joute que je jouerai, Gardner l’attrapera et pour de bon.″
Il fut donc convoqué par Clarence Campbell, qui ironiquement, avait été son confrère pendant la guerre, alors qu’ils faisaient partie de la même unité. Le verdict du président fut inattendu et controversé. Il exigea de Reardon qu’il dépose 1000$, montant qu’il perdrait s’il se bataillait avec qui que ce soit, mais particulièrement avec Gardner, d’ici la fin de sa carrière. On nota qu’il s’agissait d’une condamnation à devenir un souffre-douleur, puisqu'il ne pourrait pas répliquer. Considérant le type de joueur qu’était Reardon, il s’agissait en fait de lui enlever pratiquement toute utilité. On souligna aussi que cette affirmation aurait dû demeurer ″off the record″, où ce type de déclaration n'est pas inédit.
Reardon disputa treize autres matchs en saison, deux en séries, et à la fin de cette année mouvementée, il prit sa retraite comme joueur. Est-ce à cause de ce châtiment, ou parce que son jeu rude commençait à laisser des traces sur son corps? Peut-être un peu des deux?
L'animosité entre les deux hommes aurait apparemment duré pendant des décennies par la suite.
Gardner, qui joua par la suite à Chicago et à Boston, est le père de Dave, qui a joué principalement avec les Canadiens, les Seals et les Barons, ainsi que de Paul, qui porté les couleurs des Rockies, des Leafs et des Penguins.
Sources :
″Une bagarre générale marque la victoire du Canadien hier″, PC, 17 mars 1947, La Patrie, page 18,
″Le Canadien perd 5-3 à Toronto mais reste en quatrième place″, PC, 3 janvier 1949, La Patrie, page 18,
″Une amende de $200.00 imposée à Kenny Reardon par Campbell″, 4 janvier 1949, Montréal-Matin, page 13,
″Les Canadiens subissent une défaite à Chicago″, UP, 3 novembre 1949, Montréal-Matin, page 19,
″Gardner en a pour son argent et Ken Reardon n’est pas fâché″ de Charles Mayer, 13 novembre 1949, Le Petit Journal, page 87,
″Ken Reardon et Léo Gravelle sont exonérés de tout blâme″, PA, 16 novembre 1949, La Patrie, page 18,
″Ignoble décision du président Campbell dans l’affaire Reardon″, 2 mars 1950, Montréal-Matin, page 20,
″En noir et blanc″ d’Armand Jokisch, 2 mars 1950, Montréal-Matin, page 22,
″Campbell impose une amende de $1,000 à Reardon″, 2 mars 1950, Le Canada, page 9,
″One Man’s Opinion″ de Gorde Hunter, June 12, 1962, Calgary Herald, page 11,
″Playing the Field″ de Dink Carroll, March 12, 1968, Montreal Gazette, page 32,
″Rangers and Canadiens had the greatest fight of all-time″ de Stan Fischler, July 11, 2015, The Hockey News (thehockeynews.com).
Ces gars-là étaient des durs et même un peu cinglés... Merci pour ces 2 articles sur Reardon.
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