vendredi 11 février 2022

Mais qui a besoin de Mario Lemieux?


L’immense talent offensif de Mario Lemieux n’a jamais fait de doute. Dès sa première saison junior, en 1981-82, il termina en tête des pointeurs des Voisins de Laval avec 96.

À sa deuxième année, il fut invité à faire partie d’Équipe Canada Junior, alors que le championnat du monde avait lieu à Leningrad. L’entraîneur était alors Dave King, qui avait mené l’unifolié à sa première médaille d’or dans cette compétition l’année précédente.

King valorisait l’effort, le repli défensif et s’attendait à ce que ses joueurs s’insèrent dans son système. Un pur talent offensif comme Lemieux ne cadrait pas vraiment dans les attentes de King et certains invoquèrent aussi un manque d’atomes crochus de ce dernier avec les francophones. En bout de ligne, Lemieux ne joua que trois des sept matchs. Il repartit tout de même d’URSS avec une médaille de bronze au cou, mais l’expérience lui apporta beaucoup de frustration. À Laval, il termina l’année avec 184 points.

King se vit ensuite confier l’équipe olympique en vue des Jeux de Sarajevo, en Yougoslavie. Pour son recrutement pour le programme national, il appliqua de façon dogmatique la même recette. Il choisit des joueurs qui eurent par la suite de belles carrières comme Pat Flatley, Carey Wilson et Kirk Muller. En défense, on retrouvait entre autres Bruce Driver, Jean-Jacques Daigneault et James Patrick. Dans les buts, il y avait le futur Nordique Mario Gosselin. Toutefois, invoquant des carences défensives, il laissa Mario Lemieux de côté. Pris entre l’arbre et l’écorce, l’entraîneur-adjoint Jean Perron dut affirmer que malgré des lacunes offensives, l’équipe n’avait pas besoin de Lemieux.

Comme King s’occupait maintenant de l’équipe olympique, c’est Brian Kilrea des 67’s d’Ottawa qui fut désigné pour le championnat junior de 1984. Toujours amer de son expérience de l’année précédente, Lemieux refusa l’invitation. Il invoqua, en plus de sa mauvaise expérience de l'année précédente, un désir de passer un dernier Noël en famille avant d’amorcer sa carrière professionnelle, en plus de vouloir pleinement se consacrer aux Voisins de Laval, avec qui il était à la poursuite de plusieurs records de la ligue.

La LHJMQ répliqua en suspendant Lemieux tant que le tournoi ne serait pas terminé. Lemieux et son agent Gus Badali poursuivirent alors la ligue, argumentant qu’il n’était pas juste que les Canadiens soient obligés à représenter leur pays à ce tournoi, alors que les Américains (comme Pat Lafontaine qui avait joué à Verdun) ne l’étaient pas. L’affaire se rendit en cour et Lemieux eut gain de cause.

À Sarajevo, le tournoi olympique comptait douze équipes, réparties en deux groupes.

L’équipe de King parvint facilement à défaire la Norvège et l’Autriche. Le résultat fut plus serré contre les États-Unis et la Finlande, mais ce fut aussi en faveur des Canadiens. La Tchécoslovaquie blanchit toutefois le Canada 4-0 et termina en tête du groupe.

En ronde finale, la défaite contre les Tchécoslovaques fut prise en considération. Il restait donc au Canada à affronter les deux équipes de tête de l’autre groupe, l’Union soviétique et la Suède.  Contre l’URSS, le Canada se buta à Vladislav Tretiak et malgré une belle performance de Mario Gosselin, il s’inclina par la marque de 4-0. Contre la Suède, le Tre kronor eut le dessus 2-0. En trois matchs de la ronde des médailles, le Canada ne marqua donc aucun but et termina au pied du podium, en quatrième place. Est-ce que dans ces circonstances, Lemieux aurait pu être utile?  King répondit que pour Calgary, en 1988, il pourrait être opportun de choisir des joueurs offensifs, quitte à leur enseigner le repli défensif.

Lemieux termina sa saison à Laval avec 133 buts et 282 points, deux marques de la LHJMQ qui tiennent toujours, pour ensuite connaître la carrière extraordinaire que l’on sait avec les Penguins. En 2002, à Salt Lake City, il ajouta finalement l’or olympique à son palmarès.

L’équipe de King termina également quatrième aux Jeux de Calgary, avant de finalement remporter l’argent à Albertville en 1992. À ce moment, il pouvait compter sur Eric Lindros dans son alignement. Il fut également entraîneur-adjoint à Pyeongchang en 2018, où le Canada remporta le bronze.

Dans la Ligue nationale, après Albertville, il dirigea les Flames pendant trois ans, en plus d’avoir été l’adjoint d’Alain Vigneault à Montréal de 1997 à 1999.

Il fut également le premier entraîneur-chef des Blue Jackets, adjoint de Dave Tippett (qui était allé à Sarajevo sous ses ordres) chez les Coyotes, en plus de travailler en Allemagne et dans la KHL.

Sa fiche dans la LNH est de 173-182-52-13.

Sources :

"L’équipe nationale vise les deux premiers rangs" de Gilles Blanchard, La Presse, 18 novembre 1983, page S4;

"Il ne pourrait pas nous aider - Perron" de Gilles Blanchard, La Presse, 18 novembre 1983, page S4;

"Mario Lemieux est-il un joueur à sens unique?" de Richard Milo, Le Devoir, 18 novembre 1983, page 11;

"Il a tout à gagner d’accepter l’invitation de Brian Kilrea – Serge Savard" de Réjean Tremblay, La Presse, 23 novembre 1983, p.S5;

"Bloc-notes" de Gilles Blanchard, 26 novembre 1983, La Presse, page D2;

"On n’a jamais eu d’attaque", PC, 20 février 1984, La Presse, page D3;

"Blanchi par la Suède, le Canada laisser filer la médaille de bronze", PC, 20 février 1984, La Presse, page D3;

"Ce sera la même chanson à Calgary dans quatre ans" de Réjean Tremblay, 20 février 1984, La Presse, page D5;

hockeydraftcentral.com.

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