mardi 9 février 2021

Jacques Plante avec les Seals?

 

 
Je crois que le légendaire Jacques Plante n'a pas besoin d'introduction. On connait tous ce grand gardien non seulement excellent à sa position (7 trophées Vézina et 1 trophée Hart) mais également innovateur par sa capacité d'analyser le jeu et de diriger ses défenseurs tout autant par son introduction et par la suite du perfectionnement du fameux masque du gardien.


Le grand public reconnaît principalement ses meilleures années avec le CH, tandis que les plus férus connaissent ses années de fin de carrière alors qu'il revint au jeu lors de la grande expansion avec les Blues de St.Louis, pour par la suite jouer avec les Maple Leafs, brièvement avec les Bruins (8 matchs), et enfin un dernier tour de piste dans l'AMH avec les Oilers d'Edmonton à l'âge vénérable de 46 ans après une courte retraite et court séjour comme entraîneur des Nordiques en 1973-74....

Cependant, il existe un autre chapitre peu connu de la carrière de Plante, soit celui de sa première retraite d'une durée de trois saisons entre 1965-66 et 1967-68. À l'époque, Plante venait de connaître deux saisons moyennes avec les Rangers où il évoluait depuis la saison 1963-64 après plusieurs différends à Montréal avec ses coéquipiers et l'entraîneur Toe Blake (qui s'opposait au port du masque). Malgré sa récente prestation de maître en 1961-62 où il joua les 70 matchs des Canadiens et remporta le Vézina et le Hart, le Canadien se fit éliminer en première ronde pour la troisième année de suite ce qui suscita la grogne chez les partisans après la saison 1962-63.

Cette pression et les tensions entre lui et Plante firent en sorte que Blake imposa un ultimatum à l'équipe, déclarant que c'était lui ou Plante. Les Canadiens profitèrent donc de l'occasion pour secouer et remanier l'équipe et ils l'envoyèrent à New York en compagnie de Phil Goyette et Don Marshall. En retour ils mirent la main sur le gardien Gump Worsley ainsi que Dave Balon, Léon Rochefort et Len Ronson. Henri Richard aurait alors déclaré que c'était une surprise mais que personne dans l'équipe n'allait pleurer le départ de Plante...



Avec une équipe pas mal plus faible à New York, Plante eut pour la première fois de sa carrière une fiche perdante durant ces deux saisons 63-64 et 64-65. La seule autre fois fut en 72-73 avec les Leafs. Si sa première saison fut relativement bonne malgré sa fiche perdante, il perdit la faveur de ses patrons lors de la deuxième. Il débuta même la saison en passant quelques semaines dans la ligue américaine avec les Clippers de Baltimore pour retrouver la forme après des problèmes aux genoux. Lors de son retour, il avait perdu le poste de numéro un au profit de Marcel Paillé.

Après ces deux années tumultueuses, malgré qu'il se considérait toujours parmi les meilleurs gardiens au monde et qu'il avait un meilleur contrat qu'à ses années à Montréal, il désirait se rapprocher de sa famille et de sa femme malade. Il décida donc de prendre sa retraite. Cela faisait alors l'affaire des Rangers qui, après ces deux saisons en dessous de ses standards, ne le considéraient plus vraiment comme un gardien d'élite autour duquel il était sage de construire. En plus, Plante était décrit comme un solitaire qui ne se fraternisait pas beaucoup avec ses coéquipiers malgré qu'on retrouvait bon nombre d'anciens du CH et de québécois à New York (Rod Gilbert, Camille Henry, Jean Ratelle, Goyette, etc.).

Court séjour à Baltimore dans la AHL en 1964-65


Durant cette première retraite, il devint représentant des ventes pour Molson mais ne resta pas inactif du hockey pour autant. Il fut invité par Scotty Bowman, alors entraîneur des Canadiens Junior de la ligue de l'Ontario pour participer à un match hors-concours contre l'URSS en décembre 1965. L'équipe de Bowman était en fait composée de joueurs de deux filiales du CH, les Canadiens Junior et les Apollos de Houston. Cependant, les Canadiens durent recevoir la permission des Rangers pour utiliser Plante alors que ses droits leur appartenaient toujours.

Jean Béliveau déclara également dans sa biographie que Plante aurait joué quelques matchs avec les As de Québec, mais je n'ai trouvé aucune traces de ces statistiques.

Mais bref comme vous savez, Plante est éventuellement revenu au jeu dans la LNH suite à la grande expansion où la ligue passa de 6 à 12 équipes. On se souvient généralement de cette période de sa carrière par le duo de vieux routiers superbement efficace qu'il formait avec Glenn Hall. La jeune équipe, alors la meilleure de la nouvelle conférence comprenant seulement ces 6 nouvelles franchises, se rendit jusqu'en finale de la coupe Stanley lors des trois premières années post-expansion soit en 1968 et 1969 et 1970.

Cependant, Plante n'était seulement là que pour les éditions de 69 et 70. En 1967-68 il était toujours à la retraite et Hall faisait tandem avec le vénérable gardien du hockey senior canadien Seth Martin.

Mais il s'en est toutefois fallu de peu pour que le légendaire gardien ne joigne les rangs des non-légendaires Seals d'Oakland lors de leur saison inaugurale. Le premier entraîneur des Seals était alors l'ancien du CH Bert Olmstead. Ayant besoin de conseils pour son premier camp comme entraîneur recrue, il fit appel à son ancien coéquipier comme conseiller et entraîneur des gardiens. On le voit ici prodiguer ses conseils lors du camp d'entraînement des Seals aux jeunes Gary ''Suitcase'' Smith, le victoriavillois Jean-Guy Morrisette et Jack McCartan. On voyait d'ailleurs en Smith un disciple de Plante, alors qu'il était également du type à s'aventurer hors de son filet.


Si vous vous demandez quel est ce chandail des Seals sur la photo et bien il s'agit des anciens chandails des Seals de San Francisco. Cette ancienne équipe alors dans la défunte WHL fut en fait achetée par les proprios des nouveaux Seals et fut la base de la nouvelle équipe dans la grande ligue. Comme signe avant coureur que les Seals allaient être une organisation broche-à-foin, leurs nouveaux chandails pour leur entrée dans la LNH n'étaient pas prêts. Ils utilisèrent donc ces anciens chandails durant le camp.

Derrière cette invitation se tramait toutefois plusieurs spéculations. On évoquait dans les journaux que la présence de Plante était en fait une sorte de moyen de pression pour que le supposé gardien numéro un des Seals Charlie Hodge (repêché de Montréal) signe avec les Seals. Hodge avait alors refusé de se joindre à l'équipe à moins de recevoir une augmentation sur son nouveau contrat, contemplant d'ailleurs la retraite le cas échéant. 

Malgré qu'il ait déclaré n'être avec les Seals que comme conseiller, Plante enfila les jambières comme gardien durant le camp et même durant un match pré-saison contre les Kings. Il partagea en fait cette rencontre avec Smith. Les Seals et les Kings firent match nul 3-3 et Plante alloua 2 buts. Dans le camp opposé on retrouvait également une légende vivante dans les buts des Kings avec Terry Sawchuk qui lui aussi ne joua que la moitié du match.

Tout ce qui persiste de ce seul match en tant que Seal pour Jacques Plante est donc cette coupure d'un journal dont j'ignore le nom...


Mais quoiqu'il en soit, je suis aussi dans l'ignorance à savoir si le stratagème aura fonctionné pour les Seals car éventuellement Hodge revint sur sa décision et se rapporta à Oakland tandis que Plante retourna à la retraite, ce poste de conseiller/assistant entraîneur n'étant uniquement le temps de ce camp d'entraînement. On peut toutefois spéculer que la présence de Plante a dû faire réfléchir Hodge d'une manière ou d'une autre alors qu'il a longtemps dû ronger son frein à Montréal dans l'ombre de Plante. Ce n'est d'ailleurs qu'après que Plante fut échangé aux Rangers que Hodge put enfin graduer dans la LNH à temps plein. On raconte toutefois que les Seals n'avaient pas réussi à s'entendre avec les Rangers pour une compensation en retour des droits de Plante. Ces derniers auraient probablement désiré avoir Smith en retour, ce que les Seals n'étaient pas en mesure de sacrifier. 

Plante déclara par la suite à Pierre Foglia, alors au journal La Patrie, que ce n'était aucunement dans ses intentions de revenir au jeu, que ses raisons familiales de se retirer étaient toujours valides et même que toutes les six équipes d'expansion lui aurait fait la proposition d'un retour.

Mais malheureusement pour notre folklore de hockey goldensealois, ce court retour de Plante d'une demie-partie hors-saison avec les Seals n'aurait été (selon lui) qu'une sorte de démonstration pratique pour les bienfaits de Smith, son protégé. 

La situation avait toutefois bien changé un an plus tard alors que Plante annonça aux Rangers qu'il était bel et bien prêt à sortir de sa retraite et qu'il désirait qu'ils fassent tout en leur pouvoir pour l'échanger ou le libérer. Ce fut alors plutôt facile puisque les Rangers durent l'exposer au repêchage intra-ligue afin de ne pas perdre leur tandem alors composé de Ed Giacomin et Gilles Villemure. Il fut alors sélectionné par les Blues et vous connaissez la suite. À son retour au jeu officiel à 39 ans, il avait effectivement encore du gaz dans le réservoir et gagna même à nouveau le trophée Vézina (son 7e et dernier) à sa première saison à St.Louis. Le trophée était alors remis au(x) gardien(s) de l'équipe ayant accordé le moins de buts et il fut donc partagé avec Hall.


Pendant ce temps à Oakland, Smith obtint le poste de gardien numéro 1 lors de la deuxième saison d'existence de l'équipe, tandis que Hodge devint son adjoint. Smith demeura en place jusqu'à son échange aux Blackhawks après la pire saison jamais enregistrée par un gardien (48 défaites) en 1970-71, mais lui aussi gagna le Vézina (partagé avec Tony Esposito). Hodge prit pour sa part le chemin de Vancouver avec une nouvelle équipe d'expansion, les Canucks en 1970-71 où il joua 35 matchs avant de prendre sa retraite. Les Seals, dorénavant connus sous le nom des Golden Seals, trouvèrent finalement leur véritable gardien de concession (également un québécois) lorsqu'ils renvoyèrent le gardien Gerry Desjardins aux Black Hawks. Desjardins avait été obtenu en retour de Smith mais était blessé et l'échange fut déclaré invalide. Les Blackhawks envoyèrent donc Gilles Meloche aux Seals et la aussi vous connaissez la suite (si vous lisez souvent ce blog).

Plante prit sa retraite finale après le camp d'entraînement des Oilers avant la saison 1975-76.

Sources:
Les Rangers savent comment rémunérer un joueur de Talent - Jacques Plante, La Presse, 30 juillet 1963
Jacques Plante se retire pour vivre avec sa famille - La Presse, 8 juin 1965
Retro Rangers: Plante Didn’t Bloom on Broadway - Insidehockey.com, 2 avril 2011
Jacques Plante sera dans les buts des As contre les Russes
- Le Nouveliste, 10 décembre 1965
Hodge à sa retraite? Plante de Retour? - La Presse, 18 septembre 1967
Plante ferait un retour au jeu dans la nationale - La Tribune, 23 septembre 1967
Jacques Plante: ''J'ai dit non... et c'est non!'' - La Patrie, 8 octobre 1967
Wikipedia
Greatest Hockey legends

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