mardi 16 novembre 2021

Les Binkley


Suite à ses années de junior, Les Binkley n’a pas été signé par une équipe de la Ligue Nationale. Il décida néanmoins de continuer son parcours au hockey. Plutôt nomade, il s’aligna avec huit équipes en six ans.

Pendant une période où les équipes n’avaient qu’un gardien, il fut embauché par les Barons de Cleveland de la Ligue américaine comme gardien de pratique et préposé à l’équipement. Pour ce poste, il a d’ailleurs dû prendre des cours par correspondance pour apprendre à faire des points de suture.

C’est enfin à Cleveland que Binkley trouva un peu de stabilité, en plus de finalement obtenir une véritable chance.

En 1962, il se mérita le Trophée Dudley "Red" Garrett, remis à la recrue de l’année dans la LAH. Deux ans plus tard, lui et ses coéquipiers mirent la main sur la Coupe Calder. En 1966, Binkley s’appropria un autre honneur individuel, le Trophée Hap Holmes, décerné au gardien ayant accordé le moins de buts.

Ce fut toutefois sa dernière saison à Cleveland, puisqu’il se retrouva ensuite dans la WHL, avec les Gulls de San Diego. Son passage en Californie fut toutefois de courte durée. En 1967, après 25 ans de stabilité à 6 équipes, la LNH décida finalement d’élargir ses cadres.

Alors que plusieurs équipes d’expansion confièrent leur filet à des gardiens de renom mais en fin de carrière (Glenn Hall à St-Louis, Charlie Hodge à Oakland, Terry Sawchuk à Los Angeles), les Penguins y allèrent avec des noms moins connus comme Joe Daley et Roy Edwards. Ils achetèrent aussi le contrat de Binkley de San Diego. Contre toute attente, c’est finalement à 33 ans qu’il put enfin atteindre la LNH. Selon lui, le fait qu’il portait des lentilles cornéennes (sans masque) lui a probablement nui dans sa quête de graduer. Détail intéressant, lorsque plus tard il adoptera finalement le masque, il y apposera pendant un moment des lignes noires sous les yeux, comme les joueurs de baseball, pour diminuer l’éblouissement des lumières. (À ce moment, les masques de fibre de verre étaient pratiquement collés sur la peau.) À 6 pieds, il avait aussi un physique qui détonnait par rapport aux autres gardiens de l’époque.


Son premier contrat de la Ligue Nationale lui rapportait 12 500$ auquel, par un optimisme presque attendrissant, les Penguins avaient ajouté une clause de bonus de 500$ s’il parvenait à se mériter, avec son club d’expansion, le Trophée Vézina…

Dans une équipe avec une moyenne d’âge assez élevée, l’attaque des Penguins n’allait pas beaucoup plus loin qu’Andy Bathgate. Défensivement, bien que souvent laissé à lui-même, Binkley réussit tout de même à s’illustrer. Il devint le gardien numéro 1 et réalisa le premier blanchissage de l’histoire de l’équipe, contre les Seals d’Oakland. Le 28 janvier 1968, il se permit même de réserver le même sort aux Bruins d’Orr, Esposito et compagnie, la meilleure attaque de la ligue. Au Boston Garden, Pittsburgh causa alors la surprise en l’emportant 1-0. Binkley a alors été parfait face aux 33 tirs des Bruins. De leur côté, les Penguins n’en décochèrent que 15.

Semblant avoir un talent pour se dresser contre les équipes d’élite, il blanchit aussi les éventuels champions de la Coupe Stanley, les Canadiens, le 3 mars 1971.

Ceci ne l’empêcha pas de faire partie de rendez-vous historiques, mais de l’autre côté. C’est lui qui accorda le 700e but de Gordie Howe et le 544e (celui qui lui permit de rattraper Maurice Richard) de Bobby Hull.

Binkley demeura cinq ans avec une équipe qui faisait du surplace. Mais lorsque la nouvelle AMH vint cogner à sa porte en 1972, le gardien maintenant âgé de 38 ans porta attention. L’offre de 60 000$ par année (le double de son salaire d’alors) des Nationals d’Ottawa était trop belle pour la refuser. Il forma alors un duo avec l’excentrique Gilles Gratton.

C’est ainsi que le 11 octobre 1972 à Ottawa, Binkley se retrouva sur la glace pour le premier match de l’histoire de l’AMH, une défaite des Nationals de 7-4 face aux Oilers. Il fut également la victime du premier but de la ligue, qu’il concéda à Ron Anderson.

Les Nationals eurent de grandes difficultés aux guichets et quand vint le temps de renouveler le bail du Centre municipal, la ville d’Ottawa exigea un dépôt de 100 000$. Devant cette situation, l’équipe fut vendue et déménagée à Toronto, pour devenir les Toros.

Binkley demeura à Toronto pendant les trois ans qu’existèrent les Toros, jouant de moins en moins d’année en année. Toutefois, le 25 mars 1975, il trouva, bien malgré lui, une autre façon de passer à l’histoire. Les Toros, cherchant désespérément à faire parler d’eux, eurent l’idée d’organiser entre deux périodes une confrontation entre le gardien des Toros et le célèbre casse-cou Evel Knievel, figure populaire à l’époque et qui avait déjà joué au hockey quelques matchs préparatoires dans la Ligue Eastern. Le segment allait être filmé et présenté à Wide World of Sports d’ABC.

La promotion fonctionna puisque la foule fut de plus de 4000 spectateurs supérieurs à la moyenne habituelle.

Knievel avait droit à quatre tirs et se méritait 5000$ par but. Le gardien des Toros avait quant à lui droit à 1000$ par arrêt. C’est Gilles Gratton qui devait prendre le filet, mais le moment venu, l’énigmatique gardien disparut. C’est donc Binkley qui prit sa place.

Le flamboyant cascadeur se présenta, de toute évidence en mauvaise forme. Il faut dire que le propriétaire des Toros John Bassett, ne comptant pas payer 20 000$ à Knievel, avait pris certaines mesures. La veille, il avait prêté sa carte de crédit à Jim Dorey, qui lui demanda l’aide de Larry Mavety. Le patron demanda alors à ses deux joueurs de sortir Knievel et de ne le ramener qu’aux petites heures du matin.

Knievel parvint malgré tout à marquer deux fois, au grand étonnement de Bassett. Quant à Binley, il prit ses 2000$ pour emmener l’équipe au restaurant.

Lorsqu’en 1976, les Toros quittèrent Toronto pour devenir les Bulls de Birmingham, Binkley, alors âgé de 42 ans, prit sa retraite.

Il fut par la suite instructeur des gardiens, puis dépisteur pour les Rangers et les Jets de son ami John Ferguson, et ensuite avec les Penguins, avec qui il remporta la Coupe Stanley en 1991 et en 1992.

Il habite maintenant dans son Ontario natal.

Sources :

"Penguins Surprise Bruins, 1-0" de Jimmy Jordan, January 28,1968, Pittsburgh Post-Gazette, page 22,

"Penguins Blank Habs 4-0" de Pat Curran, March 4, 1971, Montreal Gazette, page 17,

"Nats run at Oilers too much, lose WHA opener 7-4" de Bob Morrissey, October 12, 1972, Montreal Gazette, page 26,

"Evel, Toros found promotion pays", CP, March 26, 1975, Ottawa Citizen, page 23,

"Binkley once faced Knievel on a shutout" de Dave Stubbs, May 22, 2008, Montreal Gazette (pressreader.com/Canada/montreal-gazette/),

"Dorey, Mav and Evel Knievel" de Patrick Kennedy, December 16, 2014, Kingston Whig-Standard (thewhig),

"Binkley excited for Murray, Penguins" de Dave Stubbs, June 9, 2016, (nhl.com),

wikipedia.org.

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