Travailleur infatigable, Robert Girard n’a pas eu le parcours le plus typique qui soit. Jamais repêché, c’est alors qu’il jouait au niveau senior avec les As d’Amqui qu’il signa un contrat comme agent libre. Les faibles Golden Seals de la Californie, tentant désespérément de retrouver un peu de profondeur, lui firent signer un contrat comme agent libre en septembre 1973.
Il fut d’abord assigné aux Checkers de Charlotte de la SHL (Southern Hockey League), avant de graduer avec les Golden Eagles de Salt Lake de la WHL (Western Hockey League).
Comme 1973-74 fut la dernière année d’existence de la WHL, les Golden Eagles et Girard se joignirent l’année suivante à la CHL (Central Hockey League). L’année fut également soulignée par l’arrivée de Jack Evans derrière le banc. Ce fut aussi l’un des rares points positifs de l’histoire des Seals, alors que leur club-école finit premier au classement et remporta la Coupe Adams. Girard, un ailier versatile qui était jusqu’à récemment un défenseur, contribua aux succès de l’équipe avec 13 buts et 32 passes.
Les minables Seals, qui venaient de changer six fois d’entraîneur en quatre ans, ne pouvaient pas passer à côté de ce rare coup d’éclat, et firent alors graduer Evans derrière leur banc pour la saison 1975-76. Celui-ci en profita pour faire graduer Girard avec lui. D’ailleurs, il devait vraiment apprécier son jeu, puisque dès son année recrue, il joua l’année au complet. Le manque de talent de l’équipe fit aussi en sorte qu’il hérita de missions périlleuses habituellement pas confiées aux nouveaux venus, comme celle de surveiller Guy Lafleur lors des affrontements contre Montréal.
Offensivement, Girard s’en tira aussi relativement bien, malgré quelques disettes. Si une autre recrue, Dennis Maruk, compta 30 buts, Girard parvint tout de même à en accumuler 16, en plus de 26 passes. Ce ne fut toutefois pas suffisant pour rendre les Seals respectables, qui ratèrent encore les séries et qui terminèrent 14e sur 18, avec une fiche de 27-42-11. Avec une moyenne de 6944 spectateurs, ils terminèrent également derniers au niveau des foules et finirent par déménager à Cleveland, pour devenir les Barons.
À Cleveland, les résultats ne furent guère mieux, ni sur la patinoire, ni dans les estrades.
Girard marqua 11 buts et obtint 10 passes en 1976-77, avant d’être échangé au cours de la saison 1977-78. Il n’améliora toutefois pas ainsi son sort, puisqu’il se retrouva avec une équipe encore pire, les Capitals de Washington. En retour, les Caps donnèrent tout de même un joueur qui avait connu des saisons intéressantes offensivement, Walt McKechnie.
À Washington, il fit la rencontre de Robert Sirois, qui devint un ami et même un partenaire d’affaires, avec qui il détint pendant un moment un restaurant italien à Pierrefonds.
À un moment où ils étaient en vacances à Miami avec quelques coéquipiers, Sirois vit Girard entrer dans un bar. Il voulut le suivre, mais on l’empêcha. Lorsqu’il insista, il put finalement être admis. À l’intérieur, il constata que la clientèle était purement masculine. Lorsqu’il repéra finalement Girard, il le vit alors qu’il dansait langoureusement avec un autre homme. Éberlué, Sirois se fit alors demander par un autre client s’il était au courant qu’il s’agissait d’un bar gay. Sirois répondit qu’il n’en savait absolument rien et sortit.
Dans une LNH des années 1970, alors que le jeu était très agressif et l’ambiance plutôt macho et homophobe, ce point était très embarrassant. Sirois, avec ce qu’il a qualifié lui-même de sa mentalité de l’époque, dit alors lors d’une conversation ultérieure à Girard que le tout devait demeurer secret et qu’il devrait se faire soigner. Le secret demeura.
Girard joua aussi la saison 1978-79 avec les Capitals, mais au repêchage de 1979, il fut déçu de ne pas avoir été choisi par les Nordiques. Il retourna donc avec les Capitals, avec qui il joua un dernier match dans la LNH. Il passa le reste de la saison avec les Bears de Hershey dans la Ligue américaine, avec qui il remporta la Coupe Calder.
Il tenta brièvement l’expérience suisse, avant de revenir dans la région montréalaise et de jouer dans des ligues récréatives.
S’il est décédé en 2017, à l’âge de 69 ans, ce n’est qu’après que la question de son orientation sexuelle refit surface. Marie-Claude Savard, dans le cadre de la série documentaire ″Intouchables″, diffusée en 2020, se demanda pourquoi il n’y avait jamais eu un seul joueur de la Ligue nationale qui ait dévoilé son homosexualité. C’est ainsi que l’équipe retraça Sirois et le frère de Girard, Denis. Ce dernier confirma le tout et s'est dit persuadé que s’il avait été toujours vivant, dans le contexte actuel, Robert aurait sûrement accepté de finalement faire sa ″sortie du placard″.
Malgré les journées de la fierté, est-ce que les choses ont vraiment changé? Bien qu'il soit pratiquement statistiquement impossible qu'il n'y ait aucun homosexuel dans la LNH, il demeure qu'aucun ne se soit affiché comme tel, ni maintenant, ni jamais.
Sources:
″Gritty Girard finds success as winger″, de Brent Checketts, Deseret News, November 7, 1974, page F1,
″Girard espère″ de Bernard Brisset des Nos, Montréal-Matin, 7 décembre 1976, page 69,
″Les matineux″, Montréal-Matin, 29 décembre 1976, page 47,
″Les matineux″, Montréal-Matin, 30 août 1978, page 59,
″Burton reviendra jouer au Colisée″ de Maurice Dumas, Le Soleil, 14 juin 1979, page C1,
″Intouchables, L’homosexualité au hockey, entre tabou et clichés″ (Les intouchables : argent, sexe, drogue et… hockey! | ICI.Radio-Canada.ca)
wikipedia.org.
1 commentaire:
Très intéressant article. Réjean Tremblay a déjà confié longtemps après leur carrière que Glenn Anderson et Wendell Clark entre autres étaient gais... La LNH est nettement en retard sur les autres circuits majeurs sur ce point.
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