Né le 2 août 1937 à Toronto, le jeune Howard Young rêvait de devenir cowboy comme son idole John Wayne, jusqu'à ce qu'il assiste à son premier match de hockey au vieux Maple Leaf Gardens.
Cependant, les parents de Young étaient tous les deux alcooliques, donc c'est avec sa grand-mère qu'il fut principalement élevé. Cette dernière mourut lorsqu'il avait 16 ans, et il dut alors se débrouiller seul, au même moment qu'il commençait lui aussi à développer de sévères problèmes d'alcool.
Young était toutefois un défenseur très prometteur au sein des Canucks de Kitchener. Costaud, manieur de rondelle hors-pair et rapide patineur, il aurait apparemment attiré l'attention des Canadiens qui l'invitèrent à leur camp d'entrainement, mais il aurait supposément bousillé l'occasion en étant trop souvent lendemain de veille durant cet essai.
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Young avec les Saguenéens de Chicoutimi en 1958 |
Il devint alors à la fois une vedette ainsi qu'un paria dans cette ligue, étant à la fois célébré pour sa rapidité et sa vision, mais aussi détesté pour ses excès de rudesse. Il était notamment réputé pour ses mises en échec percutantes, mais souvent jugées trop brutales aux yeux des arbitres et de cette ligue. Il avait aussi ce qu'on appelle une «short fuse», étant prône à complètement perdre la boule sans préavis et se ruer sauvagement sur les joueurs adverses ou engueuler les arbitres.
Il termina la saison avec 20 points, mais il accumula aussi 180 minutes de pénalité, un sommet dans la ligue, ainsi que quelques suspensions et amendes.
Les Leafs l'envoyèrent ensuite dans la ligue américaine avec les Americans de Rochester pour la saison 1959-60. Il continua ses frasques dans la AHL durant toute la saison, terminant troisième pour les minutes de pénalité. Cependant, malgré son potentiel certain, son indiscipline lui couta sa place avec les Leafs, qui le libérèrent.
Il se retrouva alors du boulot avec les Bears de Hershey en 1960-61, mais ces derniers trouvaient également qu'il était trop indiscipliné et l'échangèrent aux Red Wings contre Marc Réaume.
Sa saison 1961-62 fut toutefois à oublier à Détroit, où après 30 matchs avec seulement 2 passes au compteur et beaucoup trop d'indiscipline de sa part, autant sur la glace qu'en dehors, les Wings l'envoyèrent terminer la saison avec les Flyers d'Edmonton dans la Western Hockey League. Il aida toutefois les Flyers à remporter la coupe Patrick au printemps 1962.
Il passa ensuite la saison 1962-63 entièrement à Détroit, et termina en tête des joueurs pénalisés avec un 273 minutes de punition, battant le record de 202 minutes détenu par Lou Fontinato depuis 1956. Ce nouveau record de Young dura ensuite jusqu'en 1970.
À ce moment à travers la LNH, autant les joueurs, dirigeants et fans étaient polarisés sur ce mystère qu'était Howie Young, à savoir s'il était un joueur qui méritait de jouer ou non dans la ligue. Maurice Richard, alors à la retraite, qualifia Young d'être complètement fou. Frank Selke Jr. abonda dans le même sens en déclarant dans le journal que Young avait besoin d'un psychiatre. Mais d'un autre côté, Jack Adams déclara qu'il avait aussi le potentiel de devenir le prochain Eddie Shore.
Et même si son style de jeu attirait les foudres, il demeurait extrêmement populaire auprès des fans, car en plus de faire lever les gens de leurs sièges avec son jeu violent, il avait aussi un look de beau gosse et beaucoup de charisme. Il fut d'ailleurs en vedette sur la couverture de Sports Illustrated en janvier 1963. Il avoua plusieurs années plus tard qu'il était lendemain de veille lors de la prise de cette photo.
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Éditorial de Frank Selke dans le journal La Patrie |
Donc malgré son talent indéniable, il ne parvenait pas à calmer ses démons, étant en plus de nombreuses fois arrêté par la police suite à d'autres bagarres, dans les bars cette fois-ci. Il lui arrivait aussi de rater des matchs, des pratiques ou même l'avion de l'équipe. Après avoir causé de nombreux maux de têtes en peu de temps aux Red Wings, ces derniers perdirent finalement patience avec lui, l'échangeant aux Blackhawks durant l'été 1963 en retour du gardien Roger Crozier et du défenseur Ron Ingram.
Les Blackhawks regretteront amèrement cet échange, car malgré que Young aida à remplir leur aréna, Crozier gagna le trophée Calder en 1964-65. Pendant ce temps, Howie Young et ses problèmes ne firent que passer à Chicago, mais ce fut très chaotique. Un exemple d'un match typique du «mauvais» Young se produisit lors d'un match contre Montréal en début de saison. Il aurait alors pourchassé Ralph Backstrom pendant plusieurs secondes avant de l'envoyer brutalement sur la bande. Après avoir reçu un deux minutes de pénalité, il jeta ses gants sur la glace en protestation, suite à quoi l'arbitre lui donna un 10 minutes supplémentaire. Young aurait ensuite menacé l'arbitre, qui l'a ensuite expulsé du match et donné une amende.
Pendant un autre match à Toronto, il aurait craché envers Stafford Smythe, le DG les Leafs, alors que ce dernier était derrière le banc des pénalités avec son épouse et ses enfants. Clarence Campbell songea alors à bannir Young à vie de la LNH, mais cela ne résulta finalement qu'à une suspension de 5 matchs. Campbell déclara toutefois à Young qu'il était “the greatest detriment to hockey that ever laced on a pair of skates".
Donc après seulement 39 matchs, 99 minutes de pénalité et seulement 7 passes, les Blackhawks s'en débarrassèrent en vendant Young aux Blades de Los Angeles dans la WHL, tout en gardant ses droits dans la LNH.
Young déménagea donc en Californie et joua trois saisons avec les Blades. Il continua d'amasser les mauvaises pénalités, menant la ligue avec 227 minutes en 1964-65, mais obtint de meilleures statistiques, démontrant finalement son côté offensif.
Son look hollywoodien correspondait parfaitement à l'endroit et il rencontra un jour Frank Sinatra qui l'engagea pour jouer dans son film «None but the Brave», un film sur la 2e guerre mondiale où il eut une seule ligne de dialogue. Il revint de ce tournage avec une coupe «Mohawk» peu orthodoxe pour l'époque, ce qui lui causa davantage de controverse.
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Frank Sinatra en compagnie d'Howie Young sur le plateau du film «None but the brave» |
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La coupe «Mohawk» de Young durant son temps avec les Blades de Los Angeles |
Les démons de Young le suivirent évidemment en Californie mais un beau jour en 1965 où il se réveilla de nouveau en prison, un codétenu l'invita à se joindre aux alcooliques anonymes. C'est alors que Young arrêta de boire et qu'il remit sa carrière sur la bonne voie.
Lors de la saison 1966-67, un Howie Young désormais plus assagi et sobre depuis 2 ans réussit à s'attirer les grâces des dirigeants et à revenir sur le radar le la LNH. Alors qu'il menait les Blades avec 22 points en 29 matchs, l'ancien DG de Young à Détroit, Sid Abel, se retrouvait avec un club en difficulté et des trous en défense. Il tenta alors une fois de plus le pari Howie Young en ramenant l'enfant trouble au bercail. Pour se faire, il transigea de nouveau avec les Hawks qui détenaient toujours ses droits.
Plusieurs doutèrent de la décision de Abel et s'attendaient à un nouveau fiasco, mais c'était véritablement un nouveau Howie Young qui revint à Détroit durant la saison 1966-67. Il appliqua de son propre aveu les mêmes principes qu'il apprit avec les AA, soit d'éviter le trouble, et ne prit plus autant de pénalités inutiles. Il connut même sa meilleure saison jusque là dans la LNH avec 17 points en 44 matchs et aida les Wings à sortir de leur torpeur, malgré qu'ils ratèrent les séries. Il n'avait toutefois pas perdu toute son agressivité et sa robustesse, terminant avec 100 minutes de pénalité.
Il joua ensuite une autre saison à Détroit, ponctuée d'un court séjour de 4 matchs dans les mineures. Mais durant l'été 1968, il fit partie d'une grosse transaction entre les Wings et les Seals d'Oakland envoyant le malheureux défenseur Bob Baun à Détroit. Apparemment que Baun, autrefois vedette des Maple Leafs, détestait jouer en Californie, meublant son appartement de tableaux aux paysages nordiques afin de se sentir plus chez lui...
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Avec les Seals... mais pas vraiment. |
Young non plus ne voulait rien savoir de la Californie, même s'il y avait auparavant joué trois ans avec les Blades dans la WHL, car il refusa de se rapporter à l'équipe à l'aube de la saison 1968-69. Il fut donc suspendu et éventuellement placé au repêchage intra-ligue. C'est alors qu'une autre ancienne équipe le ramena au bercail, cette fois-ci les Blackhawks.
Désormais âgé de 31 ans, Young commença à ressentir le poids des années et n'était plus aussi efficace, jouant désormais dans un rôle plus effacé avec les Hawks qui le libérèrent après la saison.
Il passa ensuite la saison 1969-70 avec une autre ancienne équipe, cette fois-ci dans la ligue américaine, les Americans de Rochester.
En 1969-70 il retourna dans la WHL,avec les Canucks de Vancouver. Le timing sembla bon de joindre cette équipe car il put retourner dans la LNH l'année suivante, demeurant avec les Canicks lors de leur année d'expansion en 1970-71. Mais après seulement 11 matchs, il fut récalé dans la WHL avec les Roadrunners de Phoenix. Ce furent ses derniers matchs dans la LNH.
Après sa fin de saison 70-71 à Phoenix, il opta de prendre sa retraite. Il revint toutefois au jeu la saison suivante, toujours avec les Roadrunners, mais cette fois-ci non pas comme défenseur mais comme attaquant.
Désormais à 35 ans et dans un nouveau rôle d'attaquant et de vétéran, il s'en sortit bien avec une saison de 58 points en 1972-73, aidant les Roadrunners à remporter les grands honneurs. Il sembla également canaliser le Howie Young d'antan en terminant au premier rang de la WHL pour les minutes de punition.
Il fit encore mieux en 1973-74 avec 37 buts et 69 points, aidant les Roadrunners à remporter le championnat pour une deuxième saison consécutive dans ce qui était la dernière saison d'existence de la WHL. Il s'agissait des premiers championnats de Young depuis son premier passage dans cette même WHL en 1962 avec les Flyers d'Edmonton.
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Avec les Jets de Winnipeg dans l'AMH |
Après une autre retraite de seulement une saison, il revint de nouveau au jeu en 1976-77, de nouveau avec les Roadrunners pour 26 matchs, en plus de 4 matchs dans la CHL avec les Blazers d'Oklahoma City.
Alors au crépuscule de sa carrière, Young demeura en Arizona la saison suivante, suivant toujours la franchise des Roadrunners, qui migrèrent alors dans l'obscure Pacific Hockey League. S'en suivit ensuite une dernière saison de 14 matchs avec les Blades de Los Angeles, nommés en honneur des anciens Blades de la WHL où il avait joué presque 15 ans auparavant.
Mais comme lors de nombreuses autres fois dans ce texte, ce n'était pas encore la véritable fin pour Howie Young. En 1985, alors âgé de 48 ans, il lit dans le Hockey News que les Spirits de Flint de la IHL recherchaient des joueurs et offraient des essais ouverts. Le DG des Spirits croyait qu'il n'avait que 38 ans et lui accorda un poste avant d'apprendre son véritable âge. Il joua 4 matchs avec Flint et ensuite un autre 7 matchs avec les Slapshots de New York dans la ACHL.
Il occupa ensuite plusieurs boulots divers suite à sa véritable retraite, et tenta durant les années 90 de reprendre son side job comme acteur. Il obtint quelques petits rôles dans des films et séries western comme «Young Guns II» avec Emilio Estevez et le téléfilm «Last Stand at Saber River» avec Tom Selleck.
Et en plus de finalement pouvoir imiter son ancienne idôle John Wayne à l'écran dans des westerns, il put également réaliser son rêve de devenir cowboy, lorsqu'il acheta un ranch au Nouveau-Mexique.
Il mourut en 1999 à 62 ans d'un cancer du pancreas.
En 336 matchs dans la LNH sa fiche fut de 12 buts et 62 passes pour 74 points.
En 394 matchs dans la WHL sa fiche fut de 93 buts et 173 passes pour 266 points.
En 98 matchs dans l'AMH sa fiche fut de 17 buts et 25 passes pour 42 points.
En 157 matchs dans la AHL sa fiche fut de 25 buts et 32 passes pour 57 points.
Sources:
50 Years Ago in Hockey: Howie Young’s Biggest Battle, The Hockey Writers
Remembering Red Wing Bad Boy Howie Young, Vintagedetroit.com
Howie Young pourrait être suspendu à vie, L'événement, 11 janvier 1964
Du mystère autour de ce Howie Young, L'événement, 30 mars 1961
Un circuit de femmelettes?, Le Lingot, 20 novembre 1958
Young a besoin d'un psychiatre, La Patrie, 24 octobre 1963
Howie Young est injustement traité, Le Petit Journal, 19 janvier 1964
La réhabilitation de Young n'a pas été chose facile, La Presse, 7 février 1967