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vendredi 28 octobre 2022

Joueur oublié des 90's #68 - Jim Kyte


 

 

Né le 21 mars 1964 à Ottawa, James G. Kyte est le fils de John Kyte, un ancien athlète multidisciplinaire durant ses années d'études à l'Université St.Francis Xavier. Le paternel, ainsi que ses 5 fils, sont tous atteints d'une déficience auditive héréditaire. Les 5 frères Kyte ont donc tous perdu entre 65 et 75% de leur ouïe avant l'âge de 5 ans. Dans le cas du père, il a toujours réussi malgré tout à passer au travers son handicap, une persévérance qu'il a enseigné ensuite à ses fils, refusant par exemple de les envoyer dans une école spéciale pour élèves sourds. Jim et ses 4 frères ont donc grandi comme des enfants canadiens normaux et ont tous joué au hockey organisé. Seule la petite soeur du clan n'a pas été atteinte de cette déficience. 

Jim ne croyait toutefois pas devenir un joueur à temps plein jusqu'à ce que, à la surprise générale, ce défenseur format géant soit repêché au tout premier rang de la CCHL (Central Canada Hockey League) par les Hawks de Hawkesbury. Après une solide saison dans cette ligue, il fut sélectionné en première ronde (12e au total) du repêchage de la OHL de 1981 par les puissants Royals de Cornwall. C'est seulement après sa sélection, lorsqu'ils rencontrèrent Kyte à leur table du repêchage, que les recruteurs découvrirent son handicap...

À 6'5" et 210 lbs, ce défenseur «stay-at-home» (je n'ai jamais trouvé d'équivalence aussi bonne en français) en imposait avec sa grande stature et son jeu acharné. Il pouvait solidement cogner et intimider l'adversaire, sans jamais être considéré comme un goon, malgré que l'on s'attendait bien sûr à ce qu'il utilise son gabarit pour défendre ses coéquipiers. 

Malgré des statistiques offensives bien moyennes, il continua d'étonner dans le junior par son jeu défensif, au point de se retrouver de nouveau sélectionné en première ronde, 12e au total une fois de plus, par les Jets de Winnipeg au repêchage de 1982. Il devint alors le premier, et à ce jour le seul joueur étant considéré comme légalement sourd dans l'histoire de la ligue. Il était aussi un des plus grands joueurs de la ligue pour l'époque.

Utilisant un appareil auditif l'aidant à capter quelques sons, Kyte apprit tôt à compenser pour son handicap en maîtrisant le jeu d'une manière différente, particulièrement en utilisant ses autres sens. Il mémorisait parfaitement les systèmes de jeu et travaillait constamment sur son positionnement pour ne jamais être pris au dépourvu dans son rôle de défenseur. Il avait aussi développé la capacité de compter et repérer rapidement où étaient en tout temps ses 5 adversaires sur la glace. Et à défaut de bien pouvoir entendre un joueur arriver derrière lui, dans les coins par exemple, il se servait des reflets sur les baies vitrées pour analyser ses alentours. 

Ce n'était bien sûr jamais facile. Les appareils auditifs de l'époque étaient quand même plus gros et rudimentaires, surtout avant son arrivée dans la LNH. Ils étaient au départ raccordés à un appareil attaché à la poitrine, ce qui pouvait causer bien des ecchymoses ou parfois des saignements aux oreilles lors de mises en échec percutantes ou des combats. 

D'ailleurs il prenait bien soin d'avertir les juges de ligne de ramasser ses appareils s'ils tombaient sur la glace durant un combat. Parfois, la sueur et l'humidité faisaient court-circuiter ses appareils, qu'il faisait sécher pendant les intermissions avec un séchoir à cheveux. Il apprendra plus tard à les protéger avec de la pellicule plastique. Il commença aussi à utiliser un casque spécial avec une protection accrue aux oreilles pour protéger ses appareils.

Après une dernière saison junior en 1982-83, il fit partie à temps plein des Jets en 83-84. Il n'était au départ utilisé que sporadiquement et principalement comme homme fort pour protéger les vedettes des Jets. Il n'obtint que 2 buts et 10 points au total lors de ses trois premières saisons où il était assez craintif avec la rondelle. Ce n'est qu'en 1986-87, lorsque les Jets embauchèrent Dan Maloney comme entraîneur, que Kyte obtint davantage de responsabilités et de temps de glace. Le défenseur désormais plus mature répondit alors avec une saison de 5 buts (son sommet), 5 passes et 162 minutes de pénalité en 72 matchs.

Kyte a plus tard mentionné qu'il ne croit pas l'avoir inventé, mais qu'il est grandement responsable de la popularisation de la technique employée par les gardiens pour signaler un dégagement en levant le bras, technique qu'il aurait instauré avec son coéquipier Pokey Reddick durant cette même saison chez les Jets. En fait, comme on peut s'y attendre, Kyte avait des liens particuliers avec ses coéquipiers et entraîneurs, et obtint ainsi plusieurs accommodements de leur part. Il demandait par exemple à son entraîneur de bien vouloir se tourner vers lui et les joueurs en parlant au tableau lors des entraînements, pour qu'il arrive à bien lire sur ses lèvres. Sinon, il allait voir personnellement l'entraîneur pour qu'il lui répète tout ce qu'il venait de dire.


Après deux autres saisons à Winnipeg, dont sa meilleure en carrière en 1988-89 avec 12 points, Kyte fit partie d'un gros échange à l'été 1989 entre les Jets et les Penguins. Il prit ainsi le chemin de Pittsburgh en compagnie de Randy Gilhen et Andrew McBain, tandis que Randy Cunneyworth, Dave McLlwain et le gardien Rick Tabaracci prirent le chemin inverse. Après une saison où il fut utilisé sporadiquement à Pittsburgh, il fut rétrogradé dans les mineures au début de la saison 1990-91, avant d'être échangé en décembre aux Flames de Calgary en retour de Jan Hrdina. Il rata donc la chance de remporter la Coupe Stanley cette saison-là. 
 
Il joua très peu lors de sa deuxième année à Calgary en 1991-92 où il continua à payer le prix pour tout ce qu'il avait fait endurer à son corps. Il rata le début de la saison suite à une blessure à la main et dut ensuite mettre une croix sur le restant de la saison en se cassant la cheville durant un combat contre Mike Peluso des Blackhawks en janvier 1992. Il traînait aussi une vieille blessure datant de la saison 1987-88 où une fracture d'une vertèbre lui fit rater une trentaine de matchs.

Après avoir été libéré par les Flames durant l'été 1992, il se trouva du boulot avec le nouveau club de son patelin natal, les Sénateurs d'Ottawa, mais ce ne fut que très bref. Toujours aux prises avec la réhabilitation de sa cheville cassée à Calgary qui nécessita une intervention chirurgicale, il ne joua que quatre matchs avec les Sénateurs durant leur saison inaugurale, passant le restant de l'année dans la Ligue américaine. Il obtint toutefois ses meilleurs statistiques à vie avec le club-école des Sénateurs, avec une fiche de 6 buts et 18 passes.

Sans contrat durant l'été 1993 et contemplant la retraite, une nouvelle équipe d'envergure débuta ses activités dans la IHL, le Thunder de Las Vegas, qui offrit un contrat lucratif à Kyte en plus de le nommer capitaine de l'équipe. La IHL était alors en plein essor et empiétait même dans les plates-bandes de la LNH en offrant de gros contrats et en s'installant dans des gros marchés (voir texte du 28 janvier 2016). De plus, son ancien coéquipier Pokey Reddick faisait aussi partie de l'aventure à Vegas, un club qui voulait gagner immédiatement. Kyte aida ainsi le Thunder à gagner sa division. Sa carrière connut alors un regain de vie, ce qui incita les Sharks de San Jose à le signer durant la saison suivante, quelques semaines après la fin du lock-out de 1994.

 

Il revint donc dans la LNH en mars 1995. Durant cette fin de saison, il joua probablement son meilleur hockey en carrière, obtenant 2 buts et 5 passes en seulement 18 matchs. Formant un duo efficace en défense avec Jayson More, il aida les Sharks à surprendre son ancien club, les Flames, en première ronde lors d'une série qui alla à la limite de sept matchs. Kyte se mérita alors un nouveau contrat dans la LNH la saison suivante avec les Sharks.

Ces derniers connurent toutefois un mauvais début de saison en 1995-96 et après le congédiement de Kevin Constantine, le nouvel entraineur des Sharks préféra faire jouer davantage de jeunes joueurs, ce qui causa son retour dans les mineures en 1996-97 avec le club-école des Sharks, les Blades de Kansas City de la IHL.

En octobre 1997, alors qu'il revenait d'une pratique des Blades, Jim Kyte vit sa carrière prendre fin lors d'un grave accident de voiture qui lui causa une commotion cérébrale majeure qui, combinée avec ses nombreuses commotions subies durant sa carrière d'homme fort, lui causa de forts maux de tête durant les années suivantes. Un docteur lui ordonna alors d'arrêter de jouer au hockey.

Maintenant de retour avec sa famille à Ottawa, il commença à écrire sur sa condition dans un journal scientifique et devint également chroniqueur au Ottawa Citizen. Il devint ensuite conférencier et enseignant au Collège Algonquin d'Ottawa. Il est présentement doyen du département du tourisme du collège. Il a aussi profité de l'occasion pour obtenir une maîtrise en administration des affaires.

Il habite toujours Ottawa. Il a eu trois enfants, tous des garçons, mais aucun n'a développé la même déficience auditive familiale. Au cours de sa carrière, Kyte s'est grandement impliqué dans le développement du hockey pour personnes sourdes. Il a par exemple longtemps tenu des camps d'été pour joueurs sourds, et ce dès ses premières saisons à Winnipeg. 

Lui, ses frères et quelques nièces et neveux atteints de la déficience familiale ont d'ailleurs participé en 2018 au Canada Deaf Games. La «Team Kyte» s'est alors bien sortie d'affaire en remportant l'or.

 

Jim Kyte (à gauche) avec le reste de la Team Kyte

En 598 matchs dans la LNH, Jim Kyte aura récolté 17 buts, 49 passes pour 66 points en plus de 1342 minutes de pénalité. Il fut introduit au Temple de la renommée des sports d'Ottawa en 2018.

Et il peut encore cogner solide...


 

Sources:
The sky's the limit: Jim Kyte Alumni Profile, NHL.com, 9 janvier 2019
Outside the box: The life and times of Ottawa's Jim Kyte, Ottawa Citizen, 13 février 2016
Jim Kyte Was NHL’s First Legally Deaf Player, SJ Hockey Now, 26 avril 2021
A TRUE JET FIGHTER, Sports Illustrated, 12 octobre 1987
Team Kyte Wins Hockey Gold at Canadian Deaf Games, ReSound Blog, 6 avril 2018

 

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