La vie nous réserve parfois des surprises.
En décembre dernier, les Canadiens allaient vraiment mal. Marc Bergevin avait été congédié quelques semaines plus tôt. Par récompense pour son action bénévole dans son milieu scolaire, ma fille a reçu une paire de billets pour le match du 18 décembre. Et puis, Omicron est arrivé. Le match a donc été remis au 24 avril. En février, l’arrivée de Martin St-Louis derrière le banc a redonné une certaine vigueur au tricolore. Et finalement, le 22 avril, le Démon blond nous quittait. C’est ainsi que par un pur hasard, en accompagnant ma fille, je me suis retrouvé à l’hommage à Guy Lafleur. Le tout a été couvert par les médias, mais en voici tout de même un compte-rendu.
Lorsque j’ai commencé à suivre le hockey, Lafleur n’était plus aussi dominant, mais il demeurait un très bon joueur. Mais surtout, son aura demeurait intacte auprès du public. Même si j’avais un faible pour Keith Acton, je savais qui était la vedette de l’équipe et j’avais eu une certaine déception lorsqu’à mon premier match au Forum, il était absent, parce que blessé. (J’ai dû attendre deux ans plus tard, contre les Capitals, pour le voir en vrai, alors qu’il avait même eu une passe sur un but de Keith Acton.)
Pour en faire un hommage à la hauteur de Lafleur, pour l’homme qu’il a été autant sur la patinoire qu’à l’extérieur, il fallait que tous les acteurs jouent leur rôle.
Les bandes presque blanches |
L’organisation connait la chanson. Elle a rendu de nombreux hommages au fil des ans et organisé plusieurs événements. Comme toujours, le tout a été fait avec classe et souci des détails, tout en respectant la légendaire simplicité du principal intéressé. D’abord, les bandes étaient dépouillées. Les commanditaires (incluant ironiquement les restaurants Lafleur, aucun lien de parenté) ont effectivement accepté de remplacer leurs publicités par de discrètes affiches avec le nom et la signature de Lafleur.
Christian Dvorak avec l'écusson 10 et les cheveux au vent |
De plus, dans la catégorie des détails (qui m’ont d’ailleurs pris un moment à noter), les joueurs avaient tous laissé leur casque au vestiaire pendant la période de réchauffement, clin d’œil sympathique à Lafleur.
Par la suite, on a joué Si fragile, L’essentiel et My Way, tout en projetant une multitude de photos couvrant toutes les phases de sa carrière sur la glace, mais en soulignant également l’homme de famille qu’il était et son implication sociale. Le tout a été fait tout en retenue. Et pour l’occasion, on avait invité certains de ses anciens coéquipiers, visiblement émus.
Le public a aussi joué son rôle à la perfection et avec sincérité. D’abord, la statue de Lafleur à l’extérieur du Centre Bell a été inondée de fleurs. De plus, de nombreux spectateurs avaient sorti leur chandail numéro 10. Et évidemment, il y a eu l’ovation. Dans la lignée des ovations marathon (on pense ici à celle à Maurice Richard lors de la fermeture du Forum), celle-ci a duré plus de neuf minutes. À chaque fois que l’annonceur Michel Lacroix tentait d’enchaîner, les clameurs et les "Guy! Guy! Guy!" reprenaient de plus belle, une façon un peu frondeuse de dire "Nous n’avons pas terminé". C’était une manière de se donner une dernière fois un échantillon des émotions que Lafleur nous a fait vivre au fil des ans et de vibrer à l’unisson.
Et dire que les traces indélébiles qu’il a laissées ont passé à un doigt de rater leur cible. En effet, n’eut été du tour de passe-passe de Sam Pollock, c’est avec les misérables Golden Seals que Lafleur aurait abouti où on peut le supposer, il aurait joué dans un certain anonymat et où même ses solides épaules auraient été incapables de traîner un tel poids de médiocrité, avant peut-être que les Seals ne l’échangent maladroitement pour un conteneur de patins blancs... Impossible également de ne pas avoir une pensée pour Marcel Dionne, choisi par Détroit immédiatement après Lafleur. Bien qu’un peu moins flamboyant, Dionne a connu une carrière exceptionnelle. Mais il a eu moins d’appuis que Lafleur, et surtout, il a passé la majeure partie de sa carrière dans un marché plus anonyme, à Los Angeles. Dans le cas de Lafleur, les étoiles étaient alignées : un talent exceptionnel au sein d’une équipe dominante dans un marché réceptif au cube. C’est cette rare symbiose qui a été célébrée hier.
La seule pièce du casse-tête qui manquait un peu se trouvait sur la patinoire. Il y a eu un effort pour revenir dans le match au début de la troisième, mais il demeure que l’adversaire, Boston, a beau avoir été un éternel souffre-douleur de Lafleur, le présent ne ressemble pas aux années 1970. Les Bruins ont deux fois plus de points que les Canadiens au classement et le tout a paru. Erik Haula et Patrice Bergeron ont compté deux fois et Boston l’a emporté 5-3.
Autre signe des temps difficilement imaginable dans les années 1970, il y avait de nombreux gilets noir et jaune dans les estrades. Selon ma petite étude sociologique improvisée, je dirais que certains étaient des fans de longue date (quelques Orr et Bourque), des amateurs de joueurs actuels (des Bergeron entre autres) et plusieurs anciens Nordiques frustrés et des cas de syndrome d’opposition. Honnêtement, je crois que les insupportables trois types derrière moi font partie d’un des deux derniers groupes, sinon des deux…
Malgré tout, ce fut une soirée mémorable.
Salut Guy!
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