Au fil des ans, la CBC a produit plusieurs films et séries reliées au hockey très intéressants (qui sont malheureusement rarement traduits par Radio-Canada). Je me souvenais d’avoir lu le livre ″Net Worth : Exploding the Myths of Pro Hockey″, paru en 1991, dont une section avait inspiré un film présenté par CBC en 1995, que j’avais vu et apprécié, mais qui, à ce que je sache, n’avait pas été rediffusé depuis longtemps.
Lorsque, par hasard, je suis tombé sur le DVD que je pouvais acheter pour quelques dollars, j’ai sauté sur l’occasion. (Je me suis ensuite rendu compte qu’il était disponible sur youtube, mais bon, ce n’est pas très grave…)
L’histoire met principalement l’emphase sur les Red Wings de 1956-57. Après avoir dominé la première moitié des années 1950, Détroit vient de perdre la finale contre Montréal. Le camp d’entraînement débute et le directeur-gérant Jack Adams se montre sans merci. Il insulte ses joueurs, même ses vedettes et dispose sans hésitation de ceux sur la pente descendante, incluant ceux qui avaient accepté de jouer blessés.
À cette époque, les salaires sont tabous et Adams se sert de ceci pour négocier (ou devrait-on dire imposer) des salaires les plus bas possibles. On apprend plus tard qu’Adams est payé en fonction ce qu’il reste du budget une fois les joueurs payés. Il utilise donc toutes les tactiques de manipulation possibles pour obtenir les meilleures aubaines possibles. Gordie Howe est présenté comme un grand naïf qui veut surtout jouer au hockey et qui avale toutes les salades d’Adams. Ce dernier lui laisse choisir son salaire, mais seulement après lui avoir présenté un constat plutôt larmoyant de la situation. Howe se montre donc très ″raisonnable″.
Ted Lindsay se montre toutefois moins crédule et négocie plus serré, bien qu’à ce moment, les joueurs, souvent sans éducation, n’ont pas d’agent et que sa demande de consulter un avocat est considéré comme un outrage par Adams. Alors qu’il pense avoir fait quelques gains, Adams lui retire son titre de capitaine.
Lindsay consulte alors un avocat new yorkais. Celui-ci a eu accès aux livres des équipes américaines par l’entremise d’une commission sur le crime organisé. Les quatre équipes au sud de la frontière sont contrôlées de près ou de loin par la famille Norris. En tant que propriétaire d’arénas, James D. Norris est impliqué dans le monde de la boxe, qui a très mauvaise réputation, a donc de mauvaises fréquentations et se retrouve mêlé à cette commission. L’avocat lui explique donc que les profits sont cachés dans les livres des arénas. Si les propriétaires prétendent à peine faire leurs frais avec leurs équipes et qu’ils le font par pure passion, il en demeure que sur une base globale, ils s’en mettent plein les poches, mais dans d’autres entités.
Lindsay décide donc qu’il serait temps de mettre sur pied une association des joueurs. Même si un syndicat aurait l’avantage de se trouver sous les lois du travail, ce terme a une connotation très négative, et Lindsay préfère une association.
Il profite donc du match des étoiles à Montréal pour établir des contacts avec des adversaires. Il faut dire que comme le repêchage n’existe pas encore, les joueurs sont développés par une équipe depuis leur jeune âge. Les échanges existent, mais ils ne sont pas si nombreux et évidemment la notion d’agent libre n’existe pas. Il en résulte donc un sentiment d’appartenance assez fort envers leur équipe. De plus, comme il n’y a que six équipes, on s’affronte souvent. Par conséquent, les joueurs ne fraternisent pas avec les adversaires. Ajoutons à cela que Lindsay est un joueur robuste, pour ne pas dire salaud et n’est pas le plus populaire parmi ses pairs. Malgré cela, il réussit tout de même à établir des contacts avec des joueurs des autres équipes (entre autres Jim Thomson à Toronto, Doug Harvey à Montréal et Gus Mortson à Chicago).
Des réunions sont tenues et finalement, 119 des 120 joueurs acceptent de former une association, incluant Gordie Howe, bien qu’avec réticence. Même si les demandes du groupe sont plutôt anodines, la réaction de la ligue est virulente.
Lorsque Larry Suharchuk, un personnage fictif, meurt dans l’auto où il habite après avoir été libéré par les Wings sans cérémonie et être tombé dans l’indigence, l’opinion de Lindsay se radicalise et il décide donc que c’est un syndicat qu’il leur faut.
La scène où les gouverneurs expliquent à Lindsay que les statuts de la ligue empêchent les joueurs d’être syndiqués, mais que les mêmes statuts indiquent qu’il est aussi interdit aux joueurs de voir les dits statuts montre toute la condescendance qu’éprouvent les propriétaires envers eux.
Comme vous le savez peut-être, les joueurs finirent par plier en échange de quelques concessions mineures et abandonnèrent Lindsay. Ce dernier fut échangé à Chicago, équipe misérable de cette période, tout comme Jim Thomson.
C’est Aidan Devine qui joue Lindsay. Celui qu’on a aussi vu dans ″De l’amour et des restes humains″ de Denys Arcand et dans ″The Arrow″ a d’ailleurs remporté un prix Gémeau pour son interprétation. Il s’acquitte très bien de sa tâche, mais selon moi, c’est Al Waxman qui se démarque le plus. Son Jack Adams est détestable, manipulateur, vulgaire (il traite les Canadiens de frogs à quelques reprises) en plus d’être au service des propriétaires, même s’il est lui-même un ancien joueur. Parmi ses nombreux rôles, Waxman, aujourd’hui décédé, est surtout connu de ce côté-ci de la frontière pour avoir joué le rôle principal dans le téléroman ″King of Kensington″. On retrouve d’ailleurs une statue à son effigie au Kensington Market, à Toronto. Aux États-Unis, on le connait surtout pour son rôle du lieutenant dans la série policière ″Cagney & Lacey″.
Soulignons aussi la présence de Carl Marotte, notre Pierre Lambert national, qui joue un Marty Pavelich en fin de carrière et assez favorable aux projets de Lindsay.
Dans une entrevue sur le DVD, Lindsay explique qu’Adams, en plus d’être détestable, était un mauvais homme de hockey qui, en l’échangeant avec Glenn Hall pour mater la rébellion tout en obtenant peu en retour, a causé des torts immenses aux Wings. Il faut dire qu’après la Coupe de 1954-55, il leur faudra attendre à 1996-97 avant de la remporter à nouveau, tout en passant par une longue traversée du désert. Ironiquement, Adams a été élu au Temple de la renommée quelques années plus tard, en 1959, et le trophée du meilleur entraîneur, instauré en 1974, porte son nom.
Dans la même entrevue, Lindsay affirme que suite à la sortie du film, sa relation avec Gordie Howe, dépeint comme mou et à la limite collaborateur, s’est détériorée. Quelques années plus tard, en 2013, CBC a produit une très bonne série ayant comme sujet le passage de Howe avec les Aeros de Houston de l’AMH, où il paraît beaucoup plus affirmé.
Bruce Norris, qui est officiellement le propriétaire des Red Wings, est présenté comme un insignifiant, oeuvrant dans l’ombre de son frère Jim (ou James D), le propriétaire des Hawks. Malgré son implication avec la pègre, il est aujourd’hui au Temple de la renommée, tout comme son frère Bruce.
La reconstitution de l’époque est intéressante, tout comme la leçon d’histoire. Évidemment, il s’agit du point de vue de Lindsay, mais si le cœur vous en dit, je vous le recommande.
Sources :
″The mean season – A TV drama revisits the old, cold, NHL″ de James Deacon, November 27, 1995, MacLean’s, page 57.
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