Lors de mon récent billet au sujet de George Armstrong, j’ai mentionné que son passage comme dépisteur-chef chez les Nordiques s’est terminé avec un bilan mitigé. Si certains choix furent judicieux, il demeure que son départ coïncide à peu près avec la descente aux enfers de l’équipe et qu’une des causes était le manque de relève.
Dans des cas semblables, on cherche des solutions pour boucher les trous, et devant le manque de ressources, on peut vouloir se rabattre sur les aubaines. C’est ce que Québec a fait à répétition et en voici quelques exemples.
D’abord, ma définition d’aubaine inclut principalement des joueurs réclamés au ballotage, obtenus contre des considérations futurs ou des joueurs autonomes en fin de parcours qui avaient déjà joué un bon nombre de matchs ailleurs dans la ligue ou dans la Ligue américaine. Je n’ai pas inclus des joueurs, même marginaux, impliqués dans des échanges importants ou des choix tardifs, puisque toutes les formations, bonnes ou mauvaises, en ont.
J’ai commencé ma recherche avec la saison 1987-88, la première de cinq où les Nordiques ont raté les séries. Il y en a eu d’autres dans les saisons précédentes (Wayne Babych, Bill Derlago), mais lorsque l’équipe est compétitive, on peut considérer qu’il s’agit d’une façon d’aller chercher de la profondeur et non un signe de désespoir.
1987-88
La saison commence en réclamant Stu Kulak au ballotage, qui avait joué un peu plus d’une cinquantaine de matchs avec les Canucks, les Oilers et les Rangers. L’expérience dura 14 matchs, avant qu’en décembre, celui qui avait mis fin à la carrière de l’espoir des Canadiens Jocelyn Gauvreau lors d’un match de la Ligue américaine ne soit expédié aux Jets contre Bobby Dollas.
Après 7 présences en séries consécutives, Québec en fut exclus, avec 69 points, 8 de moins que les Whalers.
1988-89
Pendant l’été, on signe Dean Hopkins. Après quatre saisons complètes avec les Kings, il a ensuite dû se contenter d’un seul match dans la LNH en six ans. Il fut rappelé à Québec en novembre pour cinq matchs, avant d’en jouer une centaine d’autres à Halifax, dans la Ligue américaine, en trois ans.
La glissade s’est poursuivie. Avec 61 points, il en manquait 18 pour rejoindre Hartford et la dernière place en séries.
1989-90
Les Nordiques utilisèrent encore le repêchage intra-ligue, alors qu’ils réclamèrent le gros ailier Greg Adams (l’un des deux Greg Adams qui jouaient dans la LNH à cette époque). Celui-ci joua 7 matchs dans leur uniforme avant d’être échangé aux Wings au mois de décembre. Il prit le chemin de Détroit avec Robert Picard, alors que Tony McKegney fit le trajet inverse.
Quelques jours avant cet échange, Québec avait réclamé le premier choix du repêchage de 1983, Brian Lawton, que les Whalers avaient rendu disponible après avoir tombé en défaveur de l’entraîneur Rick Ley. Michel Bergeron, qui l’avait déjà dirigé à New York, espérait le voir surmonter la pression qui venait avec son rang de sélection et permettre à son talent d’éclore.
Son séjour à Québec n’a duré que 14 matchs. Lawton trouvait déprimant de se rendre au Colisée, où les Nordiques connaissaient la pire saison de leur histoire. Refusant d’être rétrogradé à Halifax, il demanda à l’équipe de racheter son contrat. Boston tenta ensuite sa chance en l’embauchant. San Jose sera ensuite son dernier arrêt dans la grande ligue.
Malgré le retour de Bergeron derrière le banc, les résultats de l’équipe furent atroces, avec 31 points.
1990-91
Après avoir vu l’équipe atteindre le fond du baril, la nouvelle administration (Pierre Pagé et Dave Chambers) fut particulièrement active dans sa pêche parmi les restes des autres. Québec réclama trois des huit joueurs laissés sans protection qui trouvèrent preneur.
Le robuste Wayne Van Dorp fut soutiré aux Blackhawks. L’ancien cinquième choix au total Shawn Anderson, que Pagé et Chambers connaissaient, sortit de Buffalo pour revenir dans sa province natale. Finalement, le vétéran Aaron Broten dut quitter son Minnesota natal.
Van Dorp prit part à ses 28 derniers matchs dans la LNH, répartis sur deux ans. Il dut être opéré à l'épaule. Pierre Pagé réclama une enquête de ligue, arguant que Chicago était au courant de la situation mais qu'ils l'avaient cachée. Anderson joua 31 parties avant d’être échangé aux Jets l’année suivante, contre Sergeï Kharin (qui ne porta jamais l’uniforme fleurdelysé). Broten demeura à Québec pendant un mois et demi pour 20 matchs, avant de suivre Lucien Deblois et Michel Petit à Toronto, dans un échange qui apporta deux choix de 2e ronde et Scott Pearson aux Nordiques.
Si le total de points, 46, fut un peu mieux, les Nordiques prirent tout de même encore le dernier rang de la ligue.
1991-92
En 1991, on sélectionna Eric Lindros. Espoir! Mais comme celui-ci refusa de se rapporter, Il y eut une grande déception.
Pendant l’été, le vétéran Doug Smail a signé un contrat comme joueur autonome. Il participa à 46 matchs au cours de l’année.
En novembre, Pierre Pagé alla chercher au ballotage Don Barber, qu’il avait dirigé au Minnesota. Les North Stars l’avaient toutefois depuis échangé aux Jets, en retour de… Doug Smail. Il ne joua que 2 matchs avec les Nordiques, avant d’être rétrogradé à Halifax. En mars, il fut échangé aux Sharks contre Murray Garbutt, qui n’atteignit jamais la Ligue nationale.
Le total de 52 points montrait encore une légère amélioration, mais il en résulta une avant-dernière place, puisqu’une équipe d’expansion, les Sharks, fut devancée par Québec.
1992-93
On réussit enfin à échanger Lindros, contre plusieurs joueurs, ce qui apporta des renforts plus que bienvenus.
Au camp, il n’y avait plus vraiment d’espace pour Smail, qui alla signer avec les nouveaux Sénateurs et Tonelli, qui prit sa retraite. Seul Cavallini revint pour une autre année, avant de se rediriger vers l’IHL, puis l’Europe.
Ça n’empêcha toutefois pas Pierre Pagé d’obtenir Tim Hunter du nouveau Lightning contre des considérations futures qui deviendront Martin Simard (qui joua 7 matchs avec Tampa Bay). Hunter joua 48 matchs avant d’être soumis au ballotage et réclamé par Vancouver.
La situation débloqua finalement, avec une somme de 104 points et un retour en séries. Les Nordiques furent toutefois éliminés en première ronde par les Canadiens, en direction vers la Coupe Stanley.
1993-94
Malgré la progression nette de l’équipe en saison régulière (qui fut par contre suivie d’une élimination hâtive en séries), Pierre Pagé tenta tout de même sa chance en signant Iain Fraser, un lointain choix de 12e ronde des Islanders qui était parvenu à jouer 7 matchs dans la LNH en trois ans dans la Ligue américaine. Fraser était un coéquipier d’Eric Lindros chez les Generals d’Oshawa lorsqu’ils ont remporté la Coupe Memorial en 1990.
Il signa également Chris Lindberg, qui avait joué 79 matchs en deux ans avec Calgary, après avoir remporté une médaille d’argent avec l’équipe olympique canadienne à Albertville.
L’expérience a donné de bons résultats avec Fraser, qui a joué 60 matchs et obtenu 37 points. Toutefois, l’arrivée de Peter Forsberg au sein d’une ligne de centre déjà bien garnie a laissé Fraser à l’écart la saison suivante. N’ayant toujours pas joué, Pierre Lacroix l’envoya à Dallas au mois de janvier. Il reçut en retour un choix de 7e ronde, qui devint tout de même Dan Hinote, qui eut une belle carrière, mais au Colorado. Fraser ne joua par la suite qu’une poignée de matchs avec les Stars, les Oilers, les Jets et les Sharks, avant de prendre le chemin de l’Europe.
Dans le cas de Lindberg, il joua 37 matchs, avant de lui aussi mettre le cap sur l’Europe.
L’équipe régressa, terminant avec 76 points, et rata les séries. Pierre Pagé quitta.
1994-95
À leur dernière année à Québec, Pierre Lacroix, maintenant directeur-général, n’a pas vraiment eu recours à cette stratégie.
En bout de ligne, en 7 ans, 14 joueurs ont été récupérés. Ils ont joué un total de 416 matchs (une moyenne de 29,7 chacun). Si on peut parfois faire des trouvailles de cette façon, lorsque c’est fait à répétition, ça donne une impression de désespoir.
De plus, cette période correspond également au moment où les joueurs soviétiques devenaient disponibles. Les équipes à court de solution ont évidemment tenté d’y trouver un raccourci et les Nordiques ont fait partie du lot. Ils ont eu de bons résultats avec Valeri Kamensky, Alexeï Gusarov et Andreï Kovalenko. Ils auraient aussi bien aimé signer Vyacheslav Bykov, mais celui-ci a préféré la Suisse. Quant à Sergeï Mylnikov, disons que l’expérience a été moins heureuse…
Tout ça pour dire qu’il y avait à ce moment beaucoup de trous dans l’alignement…
Sources :
″Kulak : Pas un inconnu…″, 6 octobre 1987, Le Soleil, page S12,
″Madden a tenu parole″ de Kevin Johnston, 3 octobre 1989, Le Soleil, page S2,
″Lawton atterrit chez les Nordiques″ de Kevin Johnston, 2 décembre 1989, Le Soleil, page S3,
″«Nous les voulions à tout prix» - Pierre Pagé″ de Kevin Johnston, 2 octobre 1990, Le Soleil, page S2,
″John Tonelli acquis par les Nordiques″, 19 février 1992, Le Soleil, page S7,
″Don Barber, repêché par les Nordiques″, PC, 13 novembre 1991, Le Soleil, page S3,
″«J’ai bondi de joie» - Cavallini″, PC, 28 février 1992, Le Soleil, page S2,
″Transaction mineure″, 8 mars 1992, Le Soleil, page S2,
″73 joueurs au camp des Nordiques″ de Kevin Johnston, Le Soleil, 1er septembre 1992, page S6,
″Iain Fraser s’en va chez les Stars″ de Kevin Johnston, Le Soleil, 1er février 1995, page S3,
hockeydb.com, hockey-reference.com.