Il y a quelques temps, mon collègue Kirk McLean a écrit un
billet au sujet d’un projet marketing futuriste du fabricant d’équipement Daignault Rolland. Ceci m’a donné l’idée d’écrire un texte au sujet de cette entreprise, qui a fabriqué il y a déjà quelques décennies mon gant de baseball qui, malgré que je l’aie amplement utilisé, est absolument indestructible. Il ne s’en fait plus des comme ça… Je l’adore!
 |
Mon cher gant! |
Cela étant dit, j’ai écrit ce texte avec ce que j’ai pu trouver en faisant des recherches, sans source interne. Si vous y avez travaillé ou si vous connaissez quelqu’un y a travaillé et que vous avez des détails intéressants ou si vous notez des inexactitudes, j’aimerais avoir de vos nouvelles.
L’entreprise débute en 1920 sous le nom de Sporting Goods Agencies. À ce moment, elle œuvre dans le domaine de l’importation et l’export d’articles de sports.
En 1924, elle devient manufacturier d’équipement de ski, de pêche, de hockey et de baseball.
C’est en 1936 que l’entreprise s’incorpore sous le nom de Daignault Rolland, au moment où René Daignault remplace son père Rodolphe. Des produits étaient toutefois déjà vendus sous ce nom. (Je suppose qu’il y avait aussi à ce moment un monsieur Rolland, mais je n’en ai pas trouvé de traces.)
 |
À cette époque, difficile d'avoir mieux que Morenz et Joliat comme porte-paroles |
Dans les années 1970, René et son fils Marcel décident de concentrer sur le hockey, le baseball et les vêtements.
À la fin des années 1970 et au début des années 1980, l’industrie parvient à résister à la compétition, qui parvenait un peu des États-Unis, mais aussi de l’Europe. Toutefois des entreprises comme la finlandaise Koho et la suédoise Jofa commencent à attirer l’attention.
En 1985, le chiffre d’affaires de DR est de 4M$ (dont 95% au Canada, bien qu’il y ait de l’exportation vers l’Europe). Une centaine d’employés travaillent à ce moment pour l’entreprise située dans le quartier montréalais d’Hochelaga-Maisonneuve, près du Stade Olympique. À ce moment, Gilles a remplacé son père Marcel à la tête de la compagnie.
Reconnu pour sa fiabilité (entre autres pour l’équipement de gardien de but), le fabricant se concentre alors sur le haut de gamme, alors que pour des raisons de coûts, l’entrée de gamme vient dorénavant de Corée.
La qualité du produit est alors reconnue, puisqu’à la fin des années 1980, environ 20% des joueurs de la LNH portaient des gants DR.
En 1990, la récession a forcé l’entreprise à se moderniser et s’automatiser, elle qui demeurait alors plutôt artisanale. On y effectue des investissements de 2,4M$, tout en ajoutant une surface de 30 000pi2 de production à l’usine sur la rue de Rouen. Par contre, avec ces investissements, ils ont tout de même réussi à conserver leurs 140 employés, dont certains sont les derniers à produire des gants de baseball au Canada, puisqu’il ne reste plus aucune autre entreprise à le faire.
En 1993-94, la LNH a exigé 6500$ pour pouvoir fournir ses joueurs, sinon la marque devait être recouverte. DR a refusé, considérant la manœuvre comme discutable et estimant que cette visibilité ne leur apportait pas tant de ventes. Était-ce une erreur? Dur à dire. Ceci n’empêche toutefois pas qu’avec
Sher-Wood,
CCM,
Daoust,
Victoriaville,
I-Tech et Maska, DR contribue à la domination québécoise de cette industrie, qui fabrique à cette époque 60% de la production mondiale. Jusque-là, l’industrie continue à résister à la compétition, qui parvenait un peu des États-Unis, mais aussi de l’Europe.
En mai 1997, la retraite de son bras droit, Gilles Bossé, ainsi que l’arrivée de joueurs majeurs comme Nike, a incité Gilles Daignault à chercher un acquéreur pour l’entreprise fondée par son arrière-grand-père. Une transaction est venue près de se réaliser avec Rawlings, avant d’avorter.
En novembre de la même année, un liquidateur est nommé pour écouler toute la marchandise située à l’usine sur de Rouen.
Par la suite, la marque s’est retrouvée, dans le giron d’Igloo Vikski, une entreprise de Ste-Agathe-des-Monts, spécialisée dans l’importation et la distribution d’équipement de ski, mais qui avait aussi mis la main sur Ferland en 1990. Elle suit donc une tendance lourde dans l’industrie, qui se consolide et qui, de plus en plus, ne conserve que le développement de produits, pour confier la fabrication en sous-traitance à des pays asiatiques. Après que Nike eut avalé Bauer, c’est pendant cette période que Reebok absorbe CCM et Mission met le grappin sur I-Tech. (Nike et Reebok feront plus tard marche arrière.)
En 2006, c’est au tour d’Igloo Vikski d’être acquis par R. Lanctôt, un autre distributeur d’équipements de ski. À ce moment, Igloo emploie 33 personnes.
Si R. Lanctôt existe toujours, son site internet ne fait plus référence à aucun produit DR.
L’ancienne usine, dont la plus vieille partie sur la rue de La Salle date de 1910, existe toujours. On y retrouve des espaces de bureau.
 |
La vieille partie, au 2194 de La Salle. En plus de quelques malheureux graffitis, on peut aussi voir que l'immeuble avait auparavant abrité La Parisienne Shoes Co. |
 |
La nouvelle partie, au 4220 de Rouen. Il y a de l'espace disponible si ça vous intéresse. |
Sources:
“Équipé… et mieux de l’être” d’Alain Bouchard, Le Soleil, 1er novembre 1984, page S8,
“Bonne gestion et croissance planifiée assurent le succès de Daignault-Rolland” de Lucie Piché, Les Affaires, 19 janvier 1985, page 18,
″Daignault Rolland : 3 M$ pour agrandir et moderniser ses usines de Montréal″ de Martin Vallières, Les Affaires, 3 juin 1989, page 28,
″La récession a forcé Daignault Rolland à s’agrandir et à se moderniser″, Les Affaires, 18 juillet 1992, page 2,
″Une industrie majoritairement québécoise″ de Pierre Ladouceur, La Presse, 6 février 1993, page H5,
″Igloo Vikski prépare la meilleure année de son histoire″ de Bernard Mooney, Les Affaires, 6 mars 1993, page 34,
“Daigneault (sic) – Rolland, maître ès gants″ de Gilles Marcotte, Le Devoir, 2 juin 1994, page B5,
″Daignault Rolland cherche preneur″ de Martin Vallières, La Presse, 14 mai 1997, page D1,
″Liquidation complète, Équipement de sport″, La Presse, 26 novembre 1997, page A5,
″Le match est loin d’être gagné pour les fabricants québécois″ de Martin Vallières, La Presse, 22 janvier 2004, page D1,
“Le Québec mis en échec″ de Marie Tison, La Presse, 5 juin 2004, page D1,
“R. Lanctôt achète Igloo Vikski″ d’Alain Bisson, 6 décembre 2006, Le Journal de Montréal (tvanouvelles.ca),
montreal.ca, rlanctot.com.