C’est sur une patinoire faite par son père dans la cour arrière chez lui à Longueuil que Richard Brodeur a commencé à jouer au hockey. Ce n’est qu’à 9 ans qu’il a rejoint le hockey organisé. Ce délai n’a pas semblé lui causer de problème.
En 1970, le gardien de petit gabarit se retrouva avec les Maple Leafs de Verdun de la LHJMQ, mais il joua peu, avant d’être échangé à la pire équipe de la ligue, les Royals de Cornwall.
Brodeur fut alors au cœur d’un revirement spectaculaire, alors qu’avec l’arrivée d’Orval Tessier derrière le banc et la contribution de joueurs comme Blair MacDonald et Gary MacGregor, les Royals passèrent de derniers à premiers en 1971-72. Brodeur fut nommé meilleur gardien de la ligue, en plus d’arrêter 46 tirs dans une performance clé en finale de la Coupe Memorial, qui permit aux Royals de vaincre les Petes de Peterborough par la marque de 2-1. Brodeur remporta ainsi le Trophée Stafford Smythe, remis au joueur le plus utile à son équipe lors du tournoi de la Coupe Memorial.
Avec ces honneurs dans sa besace, Brodeur avait de grands espoirs pour le repêchage de 1972. Toutefois, il n’y eut pas moins de 10 gardiens qui ont été choisis avant lui. Si les premiers (Michel Larocque et Denis Herron) ont connu de belles carrières, par la suite, il y eut Mike Veisor, Dave Elenbaas, Gilles Gratton et d’autres dont vous n’avez jamais entendu parler. Ce sont finalement les nouveaux Islanders qui choisirent Brodeur, au 7e tour, 97e au total.
Être repêché par une équipe d’expansion aurait pu être une opportunité de gravir les échelons rapidement, mais New York avait aussi pu s’assurer des services de Gerry Desjardins, Billy Smith et Glenn Resch. On offrit donc à Brodeur un contrat d’un an pour 12 000$ avec un boni à la signature de 1000$ pour jouer à Fort Wayne, dans la Ligue internationale.
S’il débuta derrière Serge Aubry, il partagea ensuite la place avec ce dernier et Michel Deguise, avant de devenir le gardien numéro un des Fleurdelysés à partir de 1974-75. En 1975-76, il remporta 44 victoires, un record de l’AMH qui ne fut jamais battu. Il fit aussi évidemment partie de l’édition de 1976-77 des Nordiques qui remporta la Coupe Avco.
Lorsque l’AMH rendit l’âme en 1979, et que quatre de ses équipes, dont les Nordiques, furent absorbées par la Ligue nationale, Brodeur fut l’un des rares à avoir disputé toutes les saisons du circuit avec la même équipe.
Les droits sur Brodeur devaient donc en théorie revenir aux Islanders, mais les Nordiques utilisèrent alors l’une de leurs trois sélections prioritaires pour conserver ses droits. Toutefois, New York accepta de laisser Gerry Hart sans protection. En retour, les Nordiques acceptaient d’échanger Brodeur contre un autre gardien. Même si Hart n’avait pas vraiment envie de venir à Québec et Brodeur de la quitter, le plan fut mis en place et Brodeur fut éventuellement échangé contre Göran Högosta.
À son arrivée à New York, les perspectives d’avenir ne paraissaient pas très prometteuses pour Brodeur, étant donné que Smith et Resch y étaient toujours. Brodeur se retrouva donc à Indianapolis dans la Ligue centrale. En février 1980, Smith dut s’absenter, Brodeur fut rappelé d’urgence. Comme le match suivant avait lieu à Québec, l’entraîneur Al Arbour eut le flair de lui confier le filet pour faire face à son ancienne équipe, contre qui il avait une certaine rancoeur. Brodeur remporta ainsi son premier match dans la LNH, 5-3. Il participa à un deuxième match avant de retourner à Indianapolis, où il remporta le Trophée Terry-Sawchuk à la fin de la saison.
À la fin du camp de 1980, frustré de la situation, Brodeur exigea d’être échangé, sans quoi il prenait sa retraite. Une demi-heure plus tard, on lui annonça qu’il s’en allait à Vancouver avec une inversion de choix de cinquième ronde à l’encan de 1981. Les Islanders prirent Jacques Sylvestre, alors que les Canucks choisirent Moe Lemay.
Tout ceci n’améliorait pas tant la situation de celui qu’on surnommait Kermit, puisqu’il se retrouvait encore deux autres gardiens, cette fois c’était Gary Bromley et Glen Hanlon. Toutefois, les deux se sont rapidement blessés et Brodeur saisit sa chance. Bromley perdit sa place et Hanlon fut éventuellement échangé à St-Louis.
Jusque-là, les Canucks avaient toujours été une équipe ordinaire et ils n’avaient jamais remporté une série depuis leur création en 1970. Si Brodeur joua 52 matchs en 1980-81, il faut dire que leur fiche était plutôt ordinaire à 28-32-20. (Oui, 20 matchs nuls!)
Au deuxième tour, Los Angeles devait donc affronter des Canucks reposés. C’est alors que suite au jeu brillant de Brodeur, on affirma que si Vancouver devait affronter les Rois (Kings), les Canucks pouvaient compter sur le Roi Richard (King Richard, en référence à Richard III). Le surnom a collé.
Les Canucks ont ensuite facilement éliminé les Kings, 4-1, avant d’affronter une autre équipe qui avait surpris, les Blackhawks.
Vancouver défit aussi rapidement Chicago. Lors du deuxième match, en dérision d’une performance de l’arbitre qui l’irritait, l’entraîneur Roger Neilson a brandi une serviette blanche au bout d’un bâton, comme une ironique reddition. Neilson fut expulsé, mais ce fut la seule défaite des Canucks.
Vancouver, qui n’avait jamais eu de succès en séries, se retrouvait ainsi en finale, contre les champions en titre (et son ancienne équipe), les Islanders. Les partisans des Canucks ont agité des quantités phénoménales de serviettes blanches. Brodeur, qui a joué tous les matchs des Canucks en séries, a continué de se distinguer, mais la réalité a fini par rattraper Vancouver, qui a été balayé. Ce parcours en séries et la contribution de Brodeur sont alors entrés dans la légende sur la côte-ouest. Malgré la défaite, un défilé a eu lieu et plus de 100 000 personnes y ont assisté.
L’année suivante, les performances de Brodeur furent reconnues, lorsqu’il fut invité au match des étoiles. Le tout fut toutefois contrecarré, lorsqu’il fut atteint d’un lancer-frappé de Dan Daoust, des Leafs. Son tympan droit a été perforé et il a dû recevoir 10 points de suture. Il rata donc le match des étoiles, qui avait lieu trois jours plus tard et fut remplacé par son coéquipier John Garrett.
Pendant les années suivantes, Brodeur continua de jouer de nombreux match au sein d’une équipe qui stagnait ou qui régressait, et ce jusqu’en mars 1988. À ce moment, les Canucks étaient l’une des pires équipes de la ligue. Ils échangèrent donc Brodeur aux Whalers contre Steve Weeks, pour qu’il puisse appuyer Mike Liut. Une fois en séries, Hartford affronta Montréal, qui était favori. Brodeur joua quatre matchs, mais dans une cause perdante. Le Tricolore eut le dessus.
L’année suivante, les Whalers envoyèrent Brodeur dans la Ligue américaine à Binghampton, pour servir de mentor à leurs jeunes gardiens. Il joua six matchs, avant de finalement prendre sa retraite.
Brodeur revint au Québec pour devenir représentant pour Labatt, en Gaspésie, sur la Côte-Nord, puis dans le Bas du fleuve. Il retourna ensuite à Vancouver, pour gérer un hôtel.
Brodeur avait toutefois une passion, la peinture. C’est lors de son passage à Cornwall qu’il a commencé à peindre de façon autodidacte. Toutefois, dans l’atmosphère macho des années 1970, alors que les gardiens étaient déjà considérés comme bizarres, il est demeuré discret à ce sujet. Par contre, ayant subi plusieurs commotions cérébrales au fil de sa carrière, lorsqu’il eut des conséquences de celles-ci, c’est sa peinture qui lui a servi de bouée de sauvetage.
Il y a 25 ans, il a eu envie de se consacrer entièrement à son art. Habitant toujours en Colombie-Britannique, il a vendu au fil des ans plusieurs centaines de toiles. Il expose régulièrement dans plusieurs galeries, incluant La Belle Galerie, dans le Vieux-Québec. Ses sujets préférés sont la nature et les scènes de hockey avec des enfants.
Sources:
D’Auteuil, Jean-Pierre et Otis, Jean-Philippe, La Ligue de hockey junior majeur du Québec, Depuis Lafleur, en passant par Lemieux et Crosby, Éditions Caractère, 2013, pages 25 à 30;
″Brodeur avait un petit compte à régler à Québec″ de Maurice Dumas, 28 février 1980, Le Soleil, page C1,
″Brodeur blessé, Garrett devient numéro un″ d’UPI et AP, 7 février 1983, Le Soleil, page B2,
″Canucks at 50: How Richard Brodeur went from Kermit to king to a folk-art ′Picasso′″ de J.J. Adams, December 10, 2019, The Vancouver Province (theprovince.com),
″Richard Brodeur du filet à la toile″ de Jean-François Chabot, 26 avril 2020, Radio-Canada (ici.radio-canada.ca),
″Des Nordiques au pinceau: l’ex-gardien de but Richard Brodeur raconte à quel point la peinture l’a «sauvé»″ de Diane Tremblay, 31 janvier 2024, Journal de Québec (journaldequebec.com),
″Quand la peinture sauve la vie du Roi Richard″ de Mikaël Lalancette, 1er février 2024, La Tribune (latribune.ca),
″L’ex-gardien de but Richard Brodeur expose ses toiles à Québec″ de Gabrielle Morissette, 2 février 2024, Radio-Canada (ici.radio-canada.ca),
brodeurartist.com, hockeydraftcentral.com. labellegalerie.ca.