Le Baseball Majeur a la réputation d’être assez
stable. Au cours des quarante dernières
années, une seule équipe a déménagé, nos Expos, suite à une longue agonie. Pourtant, en 1969, il n’a pas eu la main
heureuse.
Du côté de la Ligue Nationale, on avait décidé d’ajouter San Diego et Montréal. Cette dernière était d’ailleurs venue près de voir sa franchise révoquée devant l’impossibilité de trouver un stade adéquat. Le Baseball Majeur accepta finalement, sur une base temporaire, une version modifiée et agrandie du Parc Jarry, en attendant la construction d’un vrai stade.
Pour ce qui est de la Ligue Américaine, il avait été prévu d’admettre Kansas City, qui venait de perdre ses Athletics, que Charlie O. Finley avait déménagés de façon plutôt cavalière vers Oakland. L’autre cible était Seattle, une ville en pleine expansion, où il y avait peu de compétition. Par contre, l’expansion de la Ligue Américaine était prévue pour 1971. Ce délai était trop long pour le sénateur du Missouri, Stuart Symington, qui menaça d’attaquer l’exemption de la loi antitrust dont bénéficiait le baseball. L’expansion fut donc devancée et les Royals de Kansas City sautèrent sur le terrain en 1969. Toutefois, comme le baseball joue pratiquement à tous les jours, il ne peut pas y avoir un nombre impair d’équipes. Même s’ils n’étaient pas encore prêts et qu’ils n’avaient pas d’endroit où jouer, les Pilots de Seattle devaient débuter leurs activités en 1969 également.
La franchise fut accordée aux frères Soriano. Dewey avait été lié au baseball à Seattle depuis longtemps. Il avait été lanceur, puis directeur-gérant des Rainiers de la Ligue de la Côte du Pacifique, en plus d’avoir été président de la ligue. Par contre, les Soriano n’étaient pas des plus fortunés et durent s’associer avec William Daley, l’ex-propriétaire des Indians qui avait déjà envisagé de les déménager à Seattle.
Un projet de construction de stade avait été approuvé mais il n’était évidemment pas prêt. Les nouveaux Pilots durent donc se rabattre sur le Sicks’ Stadium, le stade qu’utilisaient les Rainiers. Il avait été entendu avec les autorités que la capacité devait être augmentée à 30 000 places. Au match inaugural, elle n’était qu’à 19 500. De plus, lorsqu’il y avait plus de 8000 personnes, il en résultait des problèmes de pression d’eau, avec les inconvénients qu’on peut imaginer avec les toilettes. Et comme si ce n’était pas assez, le prix des billets était le plus élevé des majeures et plusieurs n’offraient pas une bonne vue. Et pour couronner le tout, l’équipe n’avait pas de contrat de télévision.
Les Pilots terminèrent la saison avec une fiche de 64-98. Parmi les points positifs, notons les 73 buts volés de Tommy Harper, un sommet des majeures. (Certains se souviendront peut-être de lui comme instructeur au premier but des Expos de Felipe Alou, dans les années 1990.) Ils attirèrent 677 944 spectateurs, ce qui était peu mais tout de même mieux que les White Sox, les Indians ou les Padres. L’équipe fut par contre, sans surprise, déficitaire et Daley n’avait pas envie de financer de telles pertes jusqu’à ce que le nouveau stade soit prêt. De toute façon, Daley ne se fit pas d’amis à Seattle lorsqu’en septembre, il somma la population d’encourager plus l’équipe et affirma qu’il pourrait la déménager si l’assistance n’augmentait pas la saison suivante. La menace eut l’effet inverse et les foules diminuèrent.
Une fois la saison terminée, un homme d’affaires local tenta d’acheter les Pilots, mais la transaction avorta. Une deuxième tentative fut faite lorsqu’un groupe de gens d’affaires essaya de mettre sur pied une société sans but lucratif, mais les autres propriétaires de la Ligue Américaine refusèrent la transaction.
Des négociations furent alors entreprises avec un groupe de Milwaukee. La ville avait perdu ses Braves après la saison 1965, au profit d’Atlanta. Bud Selig (oui, le futur commissaire) avait été actionnaire minoritaire des Braves et avait tenté d’empêcher leur déménagement. Voulant corriger la situation, il offrit d’acheter les Pilots pour les déménager au Wisconsin.
Lorsque l’état de Washington obtint une injonction, l’équipe fut mise en faillite.
Le camp d’entraînement eut lieu malgré tout. À la fin, on mit tout l’équipement dans des camions. On dit alors aux chauffeurs de se rendre à Las Vegas et d’attendre les instructions.
Le 1er avril, la cour confirma que l’équipe était en faillite, ce qui permit à Selig d’en acheter les actifs. Les nouveaux Brewers de Milwaukee n’eurent même pas le temps de se préparer des uniformes. Ils durent reprendre ceux des Pilots, auxquels ils ajoutèrent un logo différent. D’ailleurs, les Brewers conservèrent pendant longtemps les couleurs héritées des Pilots.
L’état de Washington poursuivit la Ligue Américaine en réclamant des dommages. Toutefois, le tout fut réglé lorsque celle-ci offrit une nouvelle franchise.
C’est finalement en 1977 que les Mariners de Seattle débutèrent leurs activités (en même temps que les Blue Jays de Toronto) dans un tout nouveau stade, le Kingdome.
L’histoire des Pilots peut servir de mise en garde à Gary Bettman. Il y a quelques temps, il s’est rendu à Seattle pour rencontrer les autorités locales et s’informer du projet de construction d’aréna. Par contre, l’investisseur derrière le projet, Chris Hansen, n’est intéressé que par le basketball et l’aréna ne se concrétisera que si la NBA s’y implante. Et celle-ci semble beaucoup moins pressée que Bettman…
Ce cher Gary devra donc se montrer patient et attendre que la NBA bouge, sinon sa nouvelle équipe de Seattle pourrait se retrouver handicapée par un domicile vétuste (le Key Arena), comme l’ont été les Pilots avec le Sicks’ Stadium, il y a plus de quarante ans…
Sources : seattlepilots.com, wikipedia.org.
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