En 1966, lorsque la LNH a décidé de passer de 6 à 12 équipes, la ville de Vancouver croyait avoir les atouts nécessaires pour faire partie des élues. À ce moment, on y retrouvait une équipe de la WHL (version professionnelle mineure de l’époque, et non la version junior d’aujourd’hui) qui avait du succès.
On admit finalement six villes, toutes américaines, incluant St-Louis, qui n’avait pourtant pas soumis de candidature. Toutefois, Vancouver fut mise de côté. La décision fut évidemment très mal reçue sur la côte ouest. Les réponses offertes par la ligue furent que le groupe d’actionnaires était trop nombreux et que la présentation faite par le groupe était mauvaise. Une rumeur évoqua également une vengeance de Stafford Smythe, le propriétaire des Leafs, qui avait proposé quelques années plus tôt de bâtir un nouvel aréna à Vancouver à condition que la ville lui donne un terrain, proposition qui avait été refusée.
Après avoir bloqué un an plus tard un déménagement des catastrophiques Seals d’Oakland en Colombie-Britannique, la LNH accepta finalement pour la saison 1970-71 d’admettre Vancouver. Toutefois, le prix d’entrée avait triplé en trois ans, passant de 2 à 6 millions $, ce qui rebuta le groupe local. Pour le remplacer, le propriétaire des North Stars, Gordon Ritz, recruta un homme d’affaires de Minneapolis, Tom Scallen, propriétaire de Medicor, une firme de financement du milieu médical et de la troupe sur glace Ice Follies. En plus d’investir quelques millions de ses propres fonds, Scallen dut en emprunter trois autres pour acquérir une participation majoritaire dans l’équipe et ce, par l’entremise de Medicor.
Si l’équipe eut un départ difficile sur la patinoire, elle se révéla un franc succès d’un point de vue commercial.
Les choses se sont toutefois gâtées lorsque Scallen a émis un prospectus et recueilli 3 millions d’investissement pour Northwest Sports Enterprises (l’entreprise qui détenait les Canucks). Par contre, Scallen a pris ces fonds pour rembourser la dette de Medicor (l’entreprise de Scallen). Il fut donc accusé d’avoir émis un faux prospectus, de vol et de fraude.
Scallen affirma qu’il avait seulement jugé que les fonds seraient mieux utilisés du côté américain et était convaincu qu’il ne faisait rien d’illégal. En 1974, il fut néanmoins condamné à deux ans de prison. Il en purgea neuf mois.
Pour des raisons obscures, Scallen débuta sa peine dans un pénitencier à sécurité maximum. Il y fut témoin d'événements perturbants, incluant la vue d'un prisonnier battu à mort. Transféré dans une prison à sécurité minimum après deux mois, il dut se résoudre à passer son temps en faisant des corvées de pommes de terre, au lieu d'organiser des tournées pour sa troupe.
Les événements forcèrent alors Scallen à vendre ses parts des Canucks, qui furent éventuellement rachetées par Frank Griffiths, propriétaire de stations de radio et de télévision dans la région. Au début, une structure de groupe devait à nouveau être en place, mais lorsque vint le temps sortir le chéquier, les désistements s'enchaînèrent encore. Griffiths se retrouva ainsi presque seul et hésitant. Il faut se rappeler que la Ligue nationale était à ce moment en guerre avec l'AMH et les salaires des joueurs étaient en forte progression. C'est finalement son épouse qui insista pour qu'il aille de l'avant. Il paya alors 8,5 millions $ avec un partenaire minoritaire. Avec son fils Arthur qui prit sa suite, la famille Griffiths a ensuite détenu les Canucks jusqu’en 1997.
À sa sortie de prison, Scallen retourna au Minnesota. Au fil des ans, il investit entre autres dans les produits agricoles, l’immobilier, l’hôtellerie, le théâtre, les Ice Capades et les Harlem Globetrotters. Il tenta (sans succès) de doter le Minnesota d’une équipe de la USFL et posséda l’éphémère franchise de l’endroit de l’Arena Football.
Bien qu’il se sentit victime d’une injustice et estima que s’il avait été canadien, il n’aurait pas été accusé, il n’en a pas tenu rigueur aux gens de Vancouver. Il continua de suivre les Canucks et alla les voir à chaque fois qu’ils jouaient au Minnesota. Pour expliquer ses déboires, il soupçonna toutefois ses anciens partenaires d'avoir voulu se débarrasser de lui.
Scallen obtint son pardon du gouvernement canadien en 1982.
Il est décédé en 2015, à l’âge de 89 ans.
Sources :
"Coast Puck Interest Cry Foul", CP, February 10, 1966, Calgary Herald, page 23;
"Vancouver Has Self To Blame - NHL" de Ted Blackman, February 11, 1966, Montreal Gazette, page 21;
"Jail for Vancouver hockey man", UPI, June 3, 1974, Lodi News-Sentinel, page 11;
"The money men make a franchise happen" de Bruce Constantineau, September 29, 2009, Vancouver Sun (vancouversun.com);
"Scallen brought NHL to Vancouver, then his world came crashing down" de Greg Douglas, June 4, 2011, Vancouver Sun (pressreader.com);
"The unsinkable Thomas Scullen: Old-school showman and dealmaker dies at 89" de Graydon Royce, March 23, 2015, Minneapolis Star Tribune (startribune.com);
"Canucks at 50: Griffiths’ local ownership to the rescue in the ′70’s" de Patrick Johnston, November 21, 2019, Vancouver Province (theprovince.com);
"Canucks at 50: Coley called `the shots` in Canadians capturing control of club", Staff Reporter, November 21, 2019, Vancouver Province (theprovince.com).
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