Même si quelqu’un a beaucoup de talent, il peut arriver que le hockey ne soit qu’un des nombreux chapitres qui définissent le parcours d’une personne. Ken Dryden est probablement celui qui symbolise le plus ce genre de situation. Par contre, sur son remarquable chemin, le hockey est l’étape qui le définit le plus. Dans le cas de Charles Gavan Power, ce ne fut qu’un bref épisode.
Il est par ailleurs impossible de mentionner celui qu’on surnommait "Chubby" sans parler de cette famille des plus en vue de la ville de Québec.
Lorsque Charles se joignit au Québec Hockey Club (surnommé "Bulldogs") en 1907, il y rejoint son frère Joe. À ce moment, l’équipe évoluait dans la Eastern Canada Amateur Hockey Association (ECAHA). En 1908, lorsque Charles devint un régulier, il sera rejoint par James (surnommé "Rockett"), qui y joua de façon plus ou moins régulière. Ainsi, les Šťastný n’étaient pas le premier trio de frères à jouer au hockey à Québec.
Chubby évoluait parfois au centre, parfois à la défunte position de "rover" (qu’on pourrait traduire par maraudeur, mais à l’époque, René Lecavalier ne s’était pas encore attardé à franciser le vocabulaire). Lors de sa formation en 1910, la NHA (l’ancêtre de la LNH) abandonna cette position qui n’avait pas d’endroit fixe et ne conserva que six joueurs sur le jeu. Les autres ligues suivirent plus tard.
Le 18 janvier 1908, au troisième match de la saison, les Bulldogs recevaient le Montreal Hockey Club (affilié au Montreal Amateur Athletic Association ou MAAA, qui existe toujours) au Patinoir (sans "e") Québec. Comme Montréal arriva en retard à Québec, le match débuta à 21h25, avec près d’une heure de retard. Le duel vira rapidement en faveur des locaux et les frères Power y contribuèrent amplement. Charles compta 4 buts et Joe en ajouta 2 autres. Le plus étonnant, c’est que ce ne fut pas suffisant pour faire de Charles la grande étoile du match. Ed Hogan en marqua autant que lui, pendant qu’Herb Jordan les surpassa avec 7. Québec l’emporta 18-5.
À peine une semaine plus tard, Charles reprit où il avait laissé. Québec affrontait alors les Wanderers à l’Aréna de Montréal. Ceux-ci étaient toutefois des adversaires beaucoup plus coriaces que le Montreal HC.
L’arbitre désigné fut "Bad" Joe Hall, un joueur au style pour le moins robuste qui s’alignait avec le Montreal HC. C’est un peu comme si aujourd’hui on demandait à Tom Wilson d’arbitrer un match entre les Rangers et les Islanders. Quant au juge de ligne, il s’agissait de Jack Marshall, qui portait alors les couleurs des Shamrocks de Montréal. (Sans oublier que Joe Power était à ce moment vice-président de la ligue.) Dans la ECAHA, le premier "A" signifiait amateur, bien qu’il s’agissait de la première année où des joueurs pouvaient ouvertement se déclarer professionnel, à leur choix. Par contre, l’approche amateur demeurait à bien des niveaux. On s’arrangeait donc à la bonne franquette, entre amis (et adversaires). C’était une autre époque…
Pour le match lui-même, les Wanderers affichèrent leur supériorité en venant à bout des Bulldogs par la marque de 13-8 devant 5000 spectateurs. Les Power fournirent alors tout de même l’essentiel de l’opposition, lorsque Joe compta un but et Charles en compta cinq. En fait, l’a-t-il vraiment fait? Le Soleil affirme que oui, mais la Gazette de Montréal en attribua deux de ceux-ci à Jordan. La Presse et La Patrie se situèrent entre les deux en créditant quatre buts à Charles. Le moins qu’on puisse dire, c’est que les statistiques n’étaient pas compilées de façon aussi minutieuse que de nos jours. C’était définitivement une autre époque… Dépendamment de la version, en deux matchs à une semaine d’écart, Charles a donc marqué 7, 8 ou 9 buts…
À la fin de sa saison, Power totalisa 22 buts (ou 23?, je ne suis plus sûr) en 10 matchs.
Charles revint avec les Bulldogs pour la saison 1908-09. Son frère Joe était toujours son coéquipier, en plus de devenir président de la ligue. Dans une campagne qui contenait maintenant 12 matchs, il ne marqua pas moins de 30 buts.
Il décida ensuite de tirer un trait sur sa carrière de hockeyeur (où il avait conservé son statut d’amateur) pour reprendre ses études. Après avoir fréquenté Loyola College (faisant aujourd’hui partie de l’Université Concordia) avant de se joindre aux Bulldogs, il prit la décision d’aller étudier le droit à l’Université Laval, ce qui lui permit de devenir avocat.
Le contexte mondial était toutefois volatile à cette époque et en 1914, la guerre éclata. Charles s’enrôla d’abord comme simple soldat, avant de devenir officier. Il fut blessé sérieusement deux fois, dont pendant la bataille de la Somme, en France. Rapatrié au pays en 1917, Charles amorça alors un autre chapitre de sa vie professionnelle qui, encore une fois, avait un volet familial.
Son père William avait été député fédéral libéral de Québec-Ouest de 1902 à 1908, avant de revenir en 1911. À l’élection de 1917, il décida de céder sa place. Au cœur de la crise de la conscription, Charles décida de tenter sa chance dans Québec-Sud avec les Libéraux de Laurier (les Libéraux demeurés fidèles à l’ancien premier ministre Wilfrid Laurier, qui s’opposait à la conscription, plutôt que de se joindre au gouvernement unioniste).
Power fut à la Chambre des communes sans interruption pendant 38 ans. Il a occupé au fil des ans plusieurs postes de ministre, dont les postes, les pensions et la santé nationale et la défense. Il a d’ailleurs œuvré à la mise en place d’un escadron canadien-français, le 425 Alouette, qui a d’ailleurs inspiré le nom de l’équipe de football.
Lors de la crise de la conscription de 1944, Power quitta le gouvernement de Mackenzie King pour siéger comme libéral-indépendant, avant de plus tard réintégrer le caucus libéral.
En 1955, il fut nommé au sénat, et c’est son fils Francis qui prit sa place dans Québec-Sud, s’ajoutant ainsi à une longue lignée de politiciens, qui en plus de comprendre William et Charles, inclut Joe, qui fut député provincial de Québec-Est, William Gerard, frère de Charles et Joe et qui siégea au Conseil législatif du Québec (le défunt "sénat québécois") et Lawrence Cannon, le petit-fils de Charles, qui fut ministre à Québec, avant de devenir ministre des affaires étrangères à Ottawa sous Stephen Harper. Comme pour le hockey, la politique est une affaire de famille chez les Power.
Charles Power est décédé en 1968, à l’âge de 80 ans.
Sa mémoire a été honorée en 2014 lorsqu’une plaque en son honneur a été dévoilée au Cercle de la Garnison de Québec.
Sources :
Durand, Marc, La Coupe à Québec, Les Bulldogs et la naissance du hockey, Éditions Sylvain Harvey, 2012, pages 64 à 68, 152 à 154,
"Hockey – Championnat Senior", 18 janvier 1908, Le Soleil, page 11,
"Hockey – Une victoire facile", 20 janvier 1908, Le Soleil, page 3,
"Quebec, 18; Montreal, 5. Montreal Forwards Suffered From Lack Of Team Work.", January 20, 1908, Montreal Gazette, page 4,
"Une victoire signalée pour les Wanderers", 27 janvier 1908, La Patrie, page 2,
"Les Wanderers et Ottawa victorieux", 27 janvier 1908, La Presse, page 3,
"Hockey – Les champions gagnent", 27 janvier 1908, Le Soleil, page 3,
"Quebec Defeated ", Montreal Gazette, January 27, 1908, page 2,
"La mort du sénateur Power", 1er juin 1968, Le Soleil, page 4,
"«Chubby» Power honoré par le gouvernement du Canada", 6 juin 2014, Le Soleil, page 20,
"Chubby Power honoré par le gouvernement du Canada", de Marc Durand, 6 juin 2014, quebecbulldogs.com,
museebagotville.ca, wikipedia.org.
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