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mercredi 28 juin 2023

La goinfrerie des Canadiens au repêchage de 1978


De nos jours, le nombre de rondes à une séance de repêchage est clairement défini. Comme l’an dernier, celle de 2023 aura sept rondes. Si une équipe arrivait au bout de sa liste, elle pourra toujours échanger son choix contre autre chose.

Cette façon de faire n’a pas toujours été celle en vigueur. Auparavant, les équipes pouvaient repêcher autant qu’elles le voulaient. On continuait tant que quelqu’un n’avait pas terminé.

Le record pour le nombre de tours appartient aux Capitals. À leur première séance, en 1974, avec en perspective un repêchage d’expansion particulièrement pauvre, Washington a continué pendant 25 rondes. Ce magasinage de soldes fut toutefois décevant et n’empêcha toutefois pas les Capitals de devenir la pire équipe d’expansion de l’histoire.

Si le record ne leur appartient pas, les Canadiens avaient quand même habitude pendant ces années de demeurer pratiquement jusqu’à la fin. Par contre, en 1978, ils étaient vraiment les derniers à la table.

Remettons-nous dans le contexte. En 1978, Montréal est le champion en titre des 3 dernières Coupes Stanley et de 9 des 14 dernières années. Le club-école, les Voyageurs de la Nouvelle-Écosse, avait gagné la Coupe Calder en 1976 et en 1977. Le directeur-gérant Sam Pollock empilait déjà les choix depuis des années et plusieurs prospects, malgré leur talent, ne parvenaient pas à se faire une place, tellement il y avait embouteillage.

Le Tricolore ne souffrait donc vraiment pas d’un manque de profondeur. Mais est-ce par arrogance (chaque choix coûtait quelque chose, mais en tant qu’équipe riche, peut-être que ça l’indifférait) ou peut-être est-ce parce que Pollock avait un petit côté acheteur compulsif, mais il ne semblait pas pouvoir s’arrêter.

À partir de la 12e ronde (où Montréal a choisi un soviétique, Vyacheslav Fetisov, alors complètement hors d’atteinte à cause du contexte politique de l’époque), plusieurs équipes ont plié bagage.

En 15e ronde, il ne restait que les Rangers (qui s’arrêtèrent là), les Red Wings (dans une période difficile et qui cherchaient probablement des aubaines) et les Canadiens.

En 16e ronde, Pollock était tellement convaincu qu’il avait le plancher à lui seul qu’il choisit Brian Crawley de l’Université St.Lawrence. Détroit protesta, mentionnant que c’était son tour. Peut-être était-ce par orgueil, mais les Wings choisirent aussitôt ce même Crawley, qui ne joua jamais un seul match dans les mineures, encore moins dans la Ligue nationale.

Détroit effectua une dernière sélection en 17e ronde, avant de finalement laisser la place à Montréal.

Pollock resta seul pendant cinq autres tours, jusqu’au 22e. Le plus étonnant dans tout ça est que ce diable de Pollock a tout de même trouvé le moyen de dénicher des joueurs de la Ligue nationale avec ces cinq dernières sélections faites en solo, dans un repêchage autrement ordinaire (le joueur ayant eu le plus d’impact pour Montréal fut Keith Acton, choisi en 6e ronde).

Il y a d’abord eu l’homme fort Chris Nilan, choisi en 19e ronde et qui se passe de présentation pour tous ceux qui ont suivi les Canadiens dans les années 1980.

L’autre est Louis Sleigher. Si le gaspésien a plutôt choisi d’accepter l’offre des Bulls de Birmingham de l’AMH, il est plus tard revenu hanter les Canadiens. En 1979, à la dissolution des Bulls et de l’AMH, ils n’ont pas jugé bon le rapatrier, le laissant ainsi libre de signer avec les Nordiques. Bien que sa carrière soit loin de se résumer à cette soirée, on se souvient de son rôle dans le match du Vendredi Saint. Il joua aussi plus tard avec un autre grand rival, Boston.

Dans les journaux de l’époque (entre autres La Presse, le Montréal-Matin et la Gazette, alors que Le Soleil et La Tribune étaient en grève), on fit peu de cas de ce fait. Seulement Le Nouvelliste mentionna brièvement l’hyperactivité de la Sainte Flanelle. La nouvelle du jour concernait plutôt la sélection inattendue de Daniel Geoffrion, le fils de Boum Boum, au premier tour et un peu celle du soviétique, Fetisov.

Les méthodes d’écureuil de Pollock allèrent même jusqu’à décourager certains élus. Ron Carter, des Castors de Sherbrooke et choisi en 2e ronde, se posa la prophétique question de quand allait-il pouvoir jouer là? Il ne joua effectivement jamais à Montréal, se contentant de deux matchs avec les Oilers.

Étonnamment, ce ne sont pas les Canadiens qui ont repêché le plus de joueurs lors de cette journée. Par contre, les Blues de St-Louis utilisèrent une autre stratégie que Montréal pour s’approprier le micro à répétition. L’équipe qui avait pourtant frôlé la faillite avant d’être rachetée pour ses dettes à peine un an plus tôt s’est mise à acheter une multitude de choix d’équipes qui avaient cessé de repêcher à partir de la 9e ronde, répétant le même manège jusqu’en 14e. Au total, ils choisirent 31 joueurs, un record qui ne sera probablement jamais battu. Seulement cinq d’entre eux jouèrent dans la Ligue nationale et Wayne Babych (choisi troisième au total) fut le seul qui eut un quelconque impact dans leur uniforme.

La ligue mit un peu d’ordre dans ce fouillis l’année suivante en changeant les règles et en déterminant le nombre de rondes à l’avance. Mais à ce moment, Pollock avait cédé sa place à Irving Grundman.

Sources :

"Canadiens très actifs" de Michel Lajeunesse, 16 juin 1978, Le Nouvelliste, page 17,

"Pollock repêche un «Russe»" de Robert Martin, 16 juin 1978, Le Nouvelliste, page 17,

"«Gingras, un vrai choix de 1ère ronde – Irving Grundman»" de Bernard Brisset, 10 août 1979, La Presse, page B1,

hockeydb.com, hockeydraftcentral.com, wikipedia.org.


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