Avec les débuts imminents des nouveaux Lions de Trois-Rivières dans la ECHL, je croyais approprié de parler en détail de cette ligue qui fait ainsi sa première incursion en territoire québécois. Les Lions ne sont en fait que la 4e franchise canadienne de l'histoire de cette ligue et il faut remonter aux Rafales de Québec de la IHL (1996-98) pour retrouver une autre équipe professionnelle au Québec en dehors de la AHL. Et même dans la AHL ce n'est pas une chose courante alors qu'avant le récent Rocket de Laval, il fallait remonter à 2002 avec les Citadelles de Québec...
C'est donc quelque chose d'assez exceptionnel que j'attends avec impatience. Les billets de matchs individuels entrent en vente bientôt et j'entreprends peut-être d'organiser une petite excursion LVEUP à 3-R prochainement.
Mais en attendant, parlons donc de la genèse fascinante menant à la ECHL.
Comme toute ligue mineure qui se respecte, la East Coast Hockey League débuta humblement. Elle est en fait née des cendres de deux autres ligues obscures soit la Atlantic Coast Hockey League (ACHL) et la All-American Hockey League (AAHL).
Les Thunderbirds de la Caroline, club fondateur anciennement de la ACHL |
(Avertissement au lecteur) Comme on parle des ligues mineures, je recommande toujours de bien se concentrer pour démêler toutes les différentes ligues et abréviations de ligues... (fin de l'avertissement)
Fondée en 1981, la ACHL avait des racines dans la vieille Eastern Hockey League, cette ligue hébergeant les Jets de Johnstown à l'origine de l'histoire du film Slapshot. La EHL avait cessé ses opérations en 1973 et ses équipes se séparèrent pour former deux autres ligues, la North American Hockey League (NAHL) et la Southern Hockey League (SHL). Ces deux ligues cessèrent à leur tour leurs opérations en 1977.
Comme on peut voir jusqu'à maintenant, cette période était très instable pour les ligues mineures, et même pour les équipes majeures alors que la WHA en était à ses derniers milles et même plusieurs clubs de la LNH en arrachaient.
Une deuxième EHL fut ensuite formée par quelques anciens propriétaires mais ferma aussi rapidement boutique en 1981. Deux équipes de cette deuxième EHL firent ensuite partie des clubs fondateurs de la ACHL.
Le proprio de la WWF, Vince McMahon, était également un des hommes d'affaires à l'origine de la ACHL mais quitta le navire après un an. La ligue opéra durant quelques saisons instables avant de fermer après la saison 1986-87. Il ne lui restait alors que 3 équipes actives. Deux de ces équipes, les Lancers de Virginie et les Thunderbirds de la Caroline migrèrent donc dans la AAHL pour la saison 87-88 tandis que les Panthers de Erie suspendirent temporairement leurs opérations.
La AAHL fut pour sa part fondée en 1986 et était aussi née des cendres d'une autre ligue, la Continental Hockey League (CnHL). Mais après cette seule saison 87-88, les Lancers et les Thunderbirds en compagnie des Chiefs de Johnstown quittèrent la AAHL, pour finalement former la ECHL.
Ils furent rejoints par une nouvelle équipe, les Cherokees de Knoxville, ainsi que par la franchise dormante des Panthers de Erie. La AAHL ferma boutique après une autre saison.
Premier logo de la ligue rappelant les graphiques de jeux Nintendo... |
C'est ainsi que la ECHL put débuter ses humbles opérations avec ces 5 équipes pour sa saison inaugurale en 1988-89. La ligue avait alors comme commissaire une légende des ligues mineures, Pat Kelly. Kelly avait fait ses classes à tous les niveaux possibles, d'abord comme joueur-entraineur des Comets de Clinton, cette équipe qui connut en 1967-68 la meilleure saison en terme de points dans l'histoire du hockey professionnel. Il fut ensuite entraineur dans la SHL, la WHA, brièvement dans la LNH avec les Rockies du Colorado (1977 à 1979) et ensuite dans la AHL, ACHL et finalement la IHL jusqu'à sa retraite comme entraineur en 1988.
Le trophée du championnat de la ECHL fut d'abord nommé la Coupe Riley en l'honneur de Jack Riley, premier DG des Penguins de Pittsburgh et ancien commissaire de la SHL et ensuite président de la IHL entre 1979 et 1983.
La Riley Cup fut toutefois retirée par la ECHL en 1997 pour être remplacée par la Coupe Kelly en l'honneur de son premier commissaire. Les premiers récipiendaires du championnat furent les Thunderbirds de la Caroline en 1989.
Pat Kelly et la coupe à son nom |
Dans ses premières années, la ligue n'était pas encore considérée comme une ligue de développement alors que seulement quelques clubs de la LNH y prêtaient des prospects ici et là, préférant la AHL ou la IHL. Mais au fil des années, des frictions commencèrent à s'installer alors que la LNH trouvait que la IHL empiétait trop sur ses plate-bandes en s'installant dans des marchés convoités par la LNH en plus d'offrir des contrats à des joueurs de la LNH en grève avec leurs équipes respectives, ce qui fit que de moins en moins de clubs de la LNH envoyaient des joueurs dans la IHL au fur que la décennie progressa et c'est la ECHL qui en bénéficia. De plus en plus de clubs de la ligue devinrent donc affiliés avec ceux de la LNH vers la fin des années 90.
Mais au départ, les équipes de la ECHL étaient complètement indépendantes et une des choses qui fit son succès auprès des fans est le fait que les équipes voulaient principalement gagner et garder leurs joueurs vedettes. Un joueur prêté par la LNH était un bonus et non pas la pierre angulaire d'une équipe.
La ECHL prit rapidement de l'expansion, passant de 5 à 19 équipes lors de ses 5 premières saisons d'existence. Le hockey professionnel alors en meilleur santé que dans les années 70 et 80, il fallait désormais jouer du coude dans le monde des ligues mineures au début des années 90. C'était fort probablement dû à l'effet «Gretzky» mais le hockey commença à germer partout sur le continent avec des ligues pour tous les territoires géographiques possibles.
À la même époque, on retrouvait, en plus de la LNH, les ligues suivantes:
- AHL
- IHL
- ECHL
- Colonial Hockey League (CoHL) fondée en 1991
- Central Hockey League (CHL) fondée en 1992
- West Coast Hockey League (WCHL) fondée en 1995
- Western Professionnal Hockey League (WPHL) fondée en 1996
Mais sur cet échiquier assez confondant à savoir comment juger le niveau de talent en ordre d'importance, la ECHL se sortait assez bien d'affaire même au niveau du développement des joueurs, malgré que ce n'était pas sa mission. C'est lors de sa deuxième année d'existence qu'elle envoya son premier gradué dans la LNH lorsque le gardien Scott Gordon fit ses débuts avec les Nordiques. Oui les Nordiques employèrent 7 gardiens lors de cette saison mais quand même...
En fait là où on peut dire que la ECHL s'est distinguée, c'est principalement dans le développement des gardiens. Ce qui a du sens alors qu'il est parfaitement logique d'envoyer un espoir légitime voir du rubber souvent dans la ECHL au lieu de le laisser réchauffer le banc dans la AHL derrière un espoir plus établi.
Donc au cours des années suivantes, plusieurs gardiens atteindront assez rapidement la LNH après quelques matchs dans la ECHL comme David Aebisher, Jean-Sébastien Aubin, Martin Biron, Patrick Lalime, Manny Legace, Tim Thomas, Devan Dubnyk, Mike Smith et Jonathan Quick. Même récemment, on retrouve les noms de Jordan Binnington, Aaron Dell, Darcy Kuemper et Philipp Grubauer.
Au niveau des patineurs c'est quelque peu moins reluisant mais on retrouve de bons noms comme Andrew Brunette, Alexandre Burrows, Ruslan Fedotenko, P.A. Parenteau, Chris Neil, André Roy, Glen Metropolit et bien d'autres. Récemment ce sont les noms de Yanni Gourde et Mike Hoffman qui retiennent l'attention.
Le Canadien sembla particulièrement frapper dans le mille avec la ECHL dans les années 2000 alors que le grand club accueillit plusieurs gradués de cette ligue comme Francis Bouillon, Mark Streit, Francois Beauchemin, Frédéric St-Denis, Jaroslav Halak, Michael Ryder et David Desharnais.
David Desharnais, champion de la Coupe Kelly en 2008 avec les Cyclones de Cincinnati. |
Au fil des années, comme toutes les ligues mineures, beaucoup de va et vient se produisit au sein des équipes formant ce circuit. Au total on retrouve à ce jour 88 noms d'équipe qui ont évolué dans la ECHL incluant les 27 actives en ce moment. Du lot, seulement deux franchises sont en place depuis la première saison de 1988-89, mais sous un autre nom. Il s'agit des Nailers de Wheeling, anciennement connus sous le nom des Thunderbirds de la Caroline discutés plus haut. Ensuite le seul autre club «original» sont les Swamp Rabbits de Greenville, autrefois connus sous le sobriquet des Road Warriors et auparavant une équipe originale remontant à l'époque de la AAHL, les Chiefs de Johnstown, nommés bien sûr en référence à Slapshot, qui évoluèrent là-bas de 1988 à 2010.
D'ailleurs, les Chiefs avaient vraiment embrassé l'image du film en engageant même un des frères Hanson, Steve Carlson comme entraineur à leurs débuts.
Chiefs de Johnstown Club fondateur de la ECHL en 1988. |
Le seul autre club actif maintenant un certain lien avec les débuts de la ligue sont les Grizzlies de l'Utah, auparavant connus sous le nom des Lancers de Virginie au début de la ligue mais qui prirent ensuite 6 autres noms en plus d'être inactifs l'espace de deux saisons avant de finalement revenir sous le nom des Grizzlies en 2005. Le nom des Grizzlies était en fait le nom d'un autre club du même nom dans la ligue américaine.
Cependant, le véritable club champion en terme de longévité sont les Stingrays de la Caroline, en place sous le même nom depuis leur année d'expansion en 1993. Ils sont d'ailleurs les meneurs au niveau des championnats dans l'histoire de la ECHL avec 3 coupes Kelly à leur actif, à égalité avec les Aces de l'Alaska et les Admirals de Hampton Roads.
En 1995-96, la ligue forma un partenariat avec NHL Enterprises pour son marketing. Un nouveau logo, toujours en place, fut créé pour l'occasion. Pendant ce temps, l'échiquier continua de bouger sans cesse pendant que la ECHL progressait à son rythme. Un changement majeur eut lieu en 2001 lorsque fut dissoute la IHL après 56 saisons.
Désormais sans la IHL sur son chemin, la LNH désirait stabiliser le système des ligues mineures et que la hiérarchie soit davantage définie avec la AHL définitivement campé au 2e échelon et ensuite la ECHL. 6 clubs de la IHL joignirent les rangs de la AHL et 1 autre, les Cyclones de Cincinnati, prit le cap de la ECHL.
Nouveau logo en 1996 |
Cette nouvelle hiérarchie se consolida lors des années suivantes, surtout en 2003 lorsque la ECHL remporta la «guerre des côtes» lorsque la WCHL (West Coast Hockey League) cessa ses opérations et envoya 7 de ses clubs dans la ECHL. La ligue prit donc davantage d'importance et s'étalait désormais jusqu'en Californie et l'Alaska avec un total jusque-là inégalé de 31 clubs, soit 1 de plus que la LNH à l'époque. Ne pouvant pas faire survivre autant de clubs, le nombre d'équipes diminua naturellement au cours des années suivantes.
Le terme «East Coast Hockey League» ne faisant alors plus de sens, la ligue raccourcit son nom sous celui non abrévié de la «ECHL», ce qu'on appelle dans le milieu un «acronyme orphelin» où les lettres composant l'acronyme n'ont plus de signification. On en apprend tous les jours... Donc si vous entendez quelqu'un dire que les Lions jouent dans la «ligue de la East Coast» ou la «ligue de la Côte Est», vous pourrez faire votre finfinaud en lui expliquant ce qu'est un «acronyme orphelin» et que les Lions jouent dans la «E-C-H-L». Je ne sais pas si ça va causer des problèmes pour certains, alors qu'on a tendance ici au Québec à franciser les noms de ces ligues: LNH, LAH, AMH etc... Vous verrez peut-être apparaître l'abréviation «LHCE» pour «Ligue de Hockey de la Côte Est» mais ce sera techniquement faux...
Scott Gomez avec les Aces de l'Alaska durant le lock-out de 2012. |
Bref, ce ne fut toutefois pas les derniers changements à survenir dans les ligues mineures. En même temps que la IHL, la WPHL (Western Professionnal Hockey League) discutée plus haut fut à son tour absorbée, cette fois par la Central Hockey League. Cette dernière s'en sortit assez bien durant cette période. Elle était constituée de clubs provenant de sa propre création en 1992 ainsi que ces clubs absorbés de la WPHL et de l'ancienne Colonial Hockey League (CoHL) discutée plus haut. Cette CoHL avait entre-temps changé de nom deux fois soit sous le nom de la United Hockey League (1997) et ensuite (pour bien nous mélanger) sous une deuxième incarnation de la International Hockey League (2007) jusqu'à son absorption par la CHL en 2010.
Mais à partir de ces années 2010, la CHL commença à son tour à battre de l'aile et quelques uns de ses clubs firent défection dans la ECHL. C'est finalement en 2014 que la CHL fut finalement dissoute et comme en 2003 avec la WCHL, 7 clubs de la CHL joignirent les rangs de la ECHL qui revint à 28 clubs après avoir redescendu jusqu'à 22 en 2013-14.
Histoire de vous démêler, pourquoi pas faire un graphique parce que moi-même je commence à m'y perdre...
Cliquez pour une plus grande résolution |
Bon là c'est un peu plus clair.
C'est depuis assez stable depuis ces fusions malgré plusieurs déménagements annuels, équipes qui ferment et équipes d'expansion. Le seul changement vraiment majeur effectué au cours des dernières années fut lors de la création d'une division «pacifique» dans la AHL pour la saison 2015-16. Cette division avait pour but d'établir un club de la AHL dans le même état que chacune des équipes californiennes dans la LNH. Quelques clubs changèrent alors de ville et de ligue. Les Condors de Bakersfield de la ECHL déménagèrent donc à Norfolk en Virginie tandis qu'un nouveau club du nom des Condors débuta au même moment dans la AHL. Le Reign d'Ontario (ECHL) et les Monarchs de Manchester (AHL) changèrent aussi de ligue l'un pour l'autre.
Comme tout ce qui concerne les ligues mineures, c'est assez mélangeant. En fait c'est plus simple de résumer cette «transaction» en s'imaginant qu'au lieu d'un échange de joueurs, ce sont en fait les villes de Manchester et d'Ontario qui s'échangèrent leur club. En plus il faut comprendre que «Ontario» est ici une ville californienne et non pas la province... Manchester est pour sa part située au New Hampshire...
Cela dut également causer de la confusion pour les joueurs des deux équipes membres du système des Kings. Vous imaginez la scène, un jeune joueur qui évoluait dans la ECHL avec le Reign se fait dire qu'il évoluera pour les Monarchs la saison suivante. Il croit alors à une promotion mais finalement il demeure dans la ECHL et doit en plus quitter les plages de la Californie pour le New Hampshire... Confusion aussi pour les fans de ces villes qui voient le niveau de jeu baisser ou augmenter d'un cran et un alignement presque totalement différent de l'année précédente. Juste le chandail qui n'a pas changé...
D'ailleurs cela n'a pas fonctionné pour Manchester, la ville perdante dans cet «échange». Leurs fans se sont sentis laissés pour compte et ont déserté l'aréna. Le club a cessé ses opérations en 2019.
Les plus récents champions de la coupe Kelly, les légendaires Komets de Fort Wayne, ont trouvé refuge dans la ECHL en 2012 après avoir évolué précédemment dans la CHL, UHL et IHL |
Donc après tant de mouvements, fusions, dé-fusions, mariages, divorces, séparations, expansions et 698 joueurs (à ce jour) qui ont gradué vers la LNH, on se retrouve avec une ECHL composée de 27 clubs dont 2 au Canada avec Trois-Rivières et les Growlers de Terre-Neuve, créés en 2018 et affiliés aux Maple Leafs. Les seuls autres clubs canadiens dans le passé furent les Salmon Kings de Victoria entre 2004 et 2011 et le Beast de Brampton de 2014 à 2020. Les Salmon Kings cessèrent leurs activités lorsque arriva la franchise junior des Royals de Victoria dans la WHL tandis que le Beast ne s'est pas remis de l'arrêt des activités dû à la Covid et n'est pas revenu après la saison 2019-20.
La ECHL en sera à sa 32e saison en 2021-22 et 33e année d'existence au total en comptant la saison annulée de 2019-20 à cause de la Covid. Mine de rien, cette longévité fait de la ECHL la 4e plus vieille ligue professionnelle nord-américaine après la LNH (fondée en 1917), la AHL (fondée en 1936) et la IHL (1945-2001).
Bref tout ça me donne l'envie d'aller me virer à Trois-Rivières bientôt. Peut-être un petit match contre les Growlers?
Sources:
Fun while it lasted
Chris Creamer's Sports Logos
ECHL.com
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