Avant l’établissement du repêchage, les équipes pouvaient signer autant de joueurs qu’elles voulaient. Il suffisait de les convaincre de signer ce qu’on appelait une formule "C" et le tour était joué, le joueur leur appartenait. Sans surprise, au Québec, surtout du côté francophone, l’attrait des Canadiens était presque irrésistible.
Le gardien Claude Cyr suivit cette voie toute tracée, préférant signer avec Montréal, malgré qu’il avait aussi reçu une offre des faibles Rangers.
En 1957, après avoir remporté le titre de meilleur gardien de la Ligue métropolitaine, avec les Alouettes de St-Jérôme, on l’assigna aux Canadiens de Hull-Ottawa.
À cet endroit, il se joignit à une équipe dirigée par un jeune entraîneur, Scotty Bowman. Il y avait aussi des joueurs comme Gilles Tremblay, Robert Rousseau et Jean-Claude Tremblay. Toutefois, devant lui dans la hiérarchie, il y avait un certain Jacques Plante à Montréal. Mais à ce moment, tout allait bien, même s’il avait peu d’atomes crochus avec le directeur-gérant Sam Pollock, et l’équipe remporta la Coupe Memorial.
L’année suivante, il demeura en Outaouais, et eut même une occasion inattendue. Un furoncle au menton de Jacques Plante se transforma en infection, ce qui l’empêcha de prendre part au match du 19 mars contre Toronto. On donna donc le filet à Claude Pronovost, le gardien du Royal de Montréal de la Ligue senior, puisqu’à ce moment, il n’y avait qu'un gardien avec l’équipe. Nerveux, Pronovost accorda 5 buts en deux périodes aux Leafs. Devant cette situation, on lui substitua le gardien d’urgence, Cyr, prêté par Hull-Ottawa, pour la troisième période. Il accorda un but dans une défaite de 6-3.
Confortablement en première place, cette défaite n’avait pas d’impact pour les Canadiens. Par contre, Toronto, Détroit et New York se battaient pour la dernière place disponible. Jack Adams, directeur-gérant des Wings, Muzz Patrick, directeur-gérant des Rangers, ainsi que son entraîneur Phil Watson, ont alors protesté contre l’absence de Plante. Adams exigea d’ailleurs que Plante joue les deux autres matchs restants. Devant la performance décevante de Pronovost, l’entraîneur Toe Blake fit plutôt appel à l’autre gardien du Royal, Charlie Hodge. En battant les Rangers lors du dernier match de la saison, Hodge élimina ainsi New York et permit aux Leafs de se qualifier.
Malheureusement pour Cyr, ce concours de circonstances fut sa seule occasion de jouer dans la Ligue nationale. Par la suite, il joua avec le Royal, les Barons de Cleveland de la Ligue américaine, et avec quelques équipes dans la Ligue Eastern.
Il eut également l’occasion de jouer en 1961 avec les Smoke Eaters de Trail. L’année précédente, l’équipe senior s’était inclinée devant Chatham en finale de la Coupe Allan. Au cours de ces années, ceci aurait signifié que Chatham représente le Canada aux championnats du monde. Toutefois, les Maroons ayant préféré faire une tournée en URSS, ce sont finalement les Smoke Eaters du joueur-entraîneur Bobby Kromm qui se sont rendus en Suisse. Bien que Cyr servit principalement d’auxiliaire à Seth Martin, il fit tout de même partie de l’équipe championne du monde, exploit que le Canada devra attendre à 1994 avant de rééditer.
En 1967, Cyr ajouta la Coupe Allan à son palmarès, lorsque sa performance inspirée en finale contre Calgary permit aux Aigles de Drummondville de la Ligue provinciale de remporter le titre.
Cyr espérait alors que l’expansion de 1967 lui fournisse finalement l’opportunité qu’il attendait. Il suscita effectivement de l’intérêt de la part des nouveaux Flyers, mais après un camp où il estima qu’il ne fut pas vraiment considéré malgré de bonnes performances, il préféra rentrer chez lui.
À la fin de la saison, il reçut une offre pour aller jouer en Suède. À l’époque, ce cheminement n’était pas fréquent et signifiait en bout de ligne la fin de sa carrière nord-américaine. Plutôt amer et désabusé, il jugeait qu’il n’avait jamais vraiment eu une réelle chance. Il se disait aussi que les choses auraient probablement été différentes s’il avait signé avec les Rangers, plutôt qu’avec une puissance comme les Canadiens. Il accepta donc l’offre de 20 000$ (150 000$ en dollars d'aujourd'hui) et déménagea sa famille en Scandinavie.
De retour au pays en juin 1971, Cyr fut victime d’une pneumonie qui l’emporta à l’âge de 32 ans.
Sources:
"Sans Jacques Plante, le Canadien perd 6-3" de Pierre Proulx, 20 mars 1959, La Presse, page 55;
"Jacques Plante ne jouerait pas avant les éliminatoires", 20 mars 1959, La Presse, page 56,
"Wings Insist Jacques Play", AP, March 20, 1959, Montreal Gazette, page 24,
"Jacques Plante ne jouera qu’avec l’autorisation du médecin" – Blake, La Presse, 21 mars 1959, page 58,
"Le Canadien porte le coup de grâce aux Rangers en triomphant par 4-2" de Jean Trudelle, La Presse, 23 mars 1959, page 45,
"Déçu au Québec, Claude Cyr va chercher gloire et fortune en Suède" de Jean Chartier, La Patrie, 8 juin 1968, page 61;
"J’aurais dû accepter l’offre des Rangers" de Jean Chartier, La Patrie, 8 juin 1968, page 61,
"Décès de Claude Cyr", 2 juin 1971, La Presse, page C2,
"Il y a 50 ans, les Aigles de Drummondville devenaient champions", 7 mai 2017, L’Express (journalexpress.ca),
"1960-61 Trail Smoke Eaters" (bcsportshall.com),
banqueducanada.ca.
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