On présente souvent Maurice Richard comme étant l’archétype de l’ouvrier canadien-français qui a dû faire son chemin dans un monde principalement anglophone. Il y a tout de même un fond de vérité là-dedans.
À son arrivée avec le CH, l’entraîneur était Dick Irvin, quelqu’un qui n’hésitait pas à utiliser l’humiliation pour fouetter la fierté du Rocket. Par contre, à la fin de sa carrière, c’était son ancien coéquipier Toe Blake, fils d’une franco-ontarienne et bilingue, qui était derrière le banc.
Au niveau de la ligue, la présence de Clarence Campbell, avec qui il a eu tant maille à partir, à la présidence de la ligue pointe également dans cette direction. Toutefois, pour ce qui est de son vrai patron, celui qui signait son chèque de paie, ce n’était pas le cas. Dès son arrivée et pour la majeure partie de sa carrière, le Tricolore appartenait principalement à un francophone, le sénateur Donat Raymond.
Donat Raymond est originaire de St-Stanislas-de-Kostka, dans la région de Valleyfield. Sa carrière dans le monde des affaires a d’abord débuté à l’hôtel Queen’s, qui était situé au coin de St-Jacques et Peel, à Montréal. Son parcours le mena éventuellement à acquérir cet établissement, ainsi que l’hôtel Windsor. Son chemin rempli de succès dans le monde des affaires l’amènera éventuellement au fil des années à être président du conseil d’administration du Trust Général du Canada, de la CIBC et de la Fire Insurance Co, en plus d’être directeur d’entreprises comme la Canadian International Paper et la Dominion Glass.
Lorsque William Northey de la Canadian Arena Company rencontra des problèmes à financer son nouveau projet, le Forum de Montréal, il se mit à chercher de nouveaux investisseurs. C’est finalement chez Donat Raymond qu’il trouva un nouvel associé. Le Forum devait initialement être le domicile des Maroons, que possédait aussi la Canadian Arena Company. Toutefois, à partir de 1925-26, il se mit à héberger aussi en permanence un nouveau locataire, les Canadiens.
En 1935, c’est la Canadian Arena Company qui avança les 165 000$ requis à Ernest Savard, Louis Gélinas et au colonel Maurice Forget pour acquérir les Canadiens de Léo Dandurand et Jos Cattarinich, exerçant ainsi un contrôle sur les deux équipes montréalaises.
Lorsqu’en 1938, il devint évident que les conséquences de la grande dépression firent en sorte qu’il y avait maintenant une équipe de trop à Montréal, des voix s’élevèrent pour que ce soient les Maroons, le club anglophone, qui survivent. C’est finalement Donat Raymond qui insista pour que ce soient les Canadiens, le club francophone, qui demeurent.
C’est finalement le 11 mai 1940 que la Canadian Arena Company, avec Donat Raymond maintenant son président, fit officiellement l’acquisition du Tricolore, alors que celui-ci traversait une période difficile sur la glace. Tommy Gorman devint directeur-gérant, Maurice Richard fut recruté et la Coupe Stanley retourna finalement à Montréal en 1944, après 13 ans d’absence.
En 1946, Raymond embaucha Frank Selke comme directeur-gérant, après que ce dernier se soit brouillé avec Conn Smythe des Leafs. Selke trouva ainsi un patron plus conciliant et plus discret, puisque Raymond n’aimait pas vraiment être sous les feux de la rampe. Par contre, il lui donna les moyens de réaliser son plan de mettre sur pied un impressionnant réseau de clubs affiliés qui mit la table pour la domination du bleu blanc rouge pendant les années 1950 et 1960.
Alors âgé de 77 ans et ayant eu des ennuis de santé, celui qui avait été nommé au sénat en 1926 par Mackenzie King vendit en 1957 la majeure partie de ses intérêts dans la Canadian Arena Company (et ainsi les Canadiens et le Forum) à un collègue sénateur libéral, Hartland de Montarville Molson, ainsi qu’à d’autres membres de la même famille. La transaction se conclut pour un montant estimé à entre 4 et 5 millions $. Raymond conserva tout de même une participation minoritaire. Fait intéressant, le père de Hartland Molson, le colonel Herbert Molson, avait déjà été un partenaire de Raymond au sein de la Canadian Arena Company.
L’année suivante, Raymond fut admis au Temple de la renommée du hockey. Ce n’est toutefois pas le seul sport qui attira son attention au fil des ans. Il fut aussi associé à un moment aux Royaux du baseball et surtout aux courses de chevaux. Il posséda d’ailleurs pendant plusieurs années une ferme d’élevage à Verchères et plusieurs de ses pur-sang remportèrent de nombreux prix.
Raymond n’est pas le seul membre de sa famille à avoir été impliqué en politique. Son frère Maxime fut élu député libéral fédéral de Beauharnois en 1925, avant de quitter le parti en 1943 pour exprimer son désaccord avec la conscription. Il joignit alors le Bloc populaire et prit la tête de l’aile fédérale.
Le sénateur Donat Raymond est décédé en juin 1963, à l’âge de 83 ans.
Sources:
Mouton, Claude, Les Canadiens de Montréal: une dynastie du hockey, Van Nostrand Reinhold Ltd, Toronto, 1981, p.105 à 107,
"Canadien Deal Is Almost Complete", September 18, 1935, Montreal Gazette, page 14,
"La vie normale reprend au Forum après la vente de la patinoire et du Canadien", 25 septembre 1957, La Presse, page 44,
"Ici et là dans le sport – Une ère nouvelle pour le club de hockey Canadien", 25 septembre 1957, La Presse, page 44,
"Le sport en général – Un coup de maître réussi par Molson" de Jacques Beauchamp, 25 septembre 1957, Montréal-Matin, page 26,
"Les Molson deviennent les propriétaires du Forum et du club de hockey Canadiens" de Jacques Beauchamp, 25 septembre 1957, Montréal-Matin, page 30,
"Mort d’un pionnier du hockey", 10 avril 1963, La Presse, page 43,
"Le sénateur Donat Raymond est décédé", 6 juin 1963, La Presse, page 3,
"La mort du sénateur Raymond" de Marcel Desjardins, 6 juin 1963, La Presse, page 38,
"Sen. Donat Raymond Dies At 83", June 6, 1963, Montreal Gazette, page 3,
"Hockey Figures Offer Tributes To Sen. Raymond", June 6, 1963, Montreal Gazette, page 23,
wikipedia.org.
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