Les retraits de chandails ont fait l’objet de plusieurs de nos articles. Cette pratique était initialement rare, puis elle s’est accélérée, en raison de l’augmentation du nombre d’équipes et honnêtement, pour des considérations marketing. Chris Neil? Danny Gare? Dustin Brown? Jere Lehtinen? Des immortels? C’est débattable. Il faut par contre prendre en considération qu’avec la multiplication des équipes implique la multiplication des parcours, et comme ceux-ci ne sont pas tous glorieux, la définition d’immortels varie beaucoup d’un endroit à l’autre. Et immortels ou pas, des clubs déménagés ont remis en circulation les numéros de leurs anciens incarnations (Colorado et Caroline).
Évidemment, à Montréal, avec plus de 110 ans d’histoire et 24 Coupes Stanley, le barème devrait être élevé. Selon mon humble opinion, le choix de Bob Gainey est limite. Oui, on a pratiquement créé un trophée pour lui (le Frank Selke, pour le meilleur avant défensif, bien que certains récipiendaires aient des fiches offensives très respectables), mais est-ce suffisant pour qu’on retire son numéro de la franchise la plus titrée? Saku Koivu? Très belle carrière. On retirerait son numéro à St-Louis ou en Caroline, mais à Montréal?
À l’autre bout du spectre se trouve Yvon Labre.
Originaire de Sudbury, dans le nord de l’Ontario, Labre fut choisi par les Marlboros de Toronto de l‘OHL en 1966. Toutefois, au mois de juin avant son départ, son père, qui travaillait à la mine Inco de l’endroit, trouva la mort sur son lieu de travail. Il hésita donc à partir pour la grande ville et laisser ainsi sa mère derrière lui. Il lui annonça donc qu’il demeurerait à la maison et se trouverait un emploi pour aider sa famille. Sa mère lui répondit alors qu’il devait plutôt poursuivre son rêve et de se donner une chance de le réaliser. Il partit donc pour Toronto.
Le défenseur à caractère défensif ne fit par contre pas l’équipe immédiatement. Il alla plutôt passer un an à Markham dans le junior B avant de rejoindre les Marlboros. Malgré des blessures assez fréquentes, il réussit à tirer son épingle du jeu en complétant une paire avec Brad Park, qui connaîtra une carrière plus qu’enviable.
Labre attira suffisamment l’attention pour être choisi au quatrième tour, 38e au total, au repêchage de 1969 par les Penguins de Pittsburgh, qui à ce moment n’avaient disputé que deux saisons.
Il se retrouva alors dans la Ligue américaine. Il eut par contre l’occasion de goûter à la Ligue nationale, jouant 21 matchs avec les Penguins en 1970-71. Il en profita d’ailleurs pour marquer son premier but en février 1971, contre Tony Esposito. Ce n’est toutefois qu’en décembre 1973 qu’il eut une chance de remonter au niveau supérieur, en jouant 16 autres matchs avec Pittsburgh, qui n’était pourtant pas une puissance. De retour dans la Ligue américaine, il a aidé les Bears de Hershey à remporter la Coupe Calder.
En 1974, la LNH annonça une quatrième expansion en sept ans en admettant les Capitals de Washington et les Scouts de Kansas City. Labre fut choisi huitième, premier parmi les défenseurs au repêchage d’expansion.
Avec une ligue qui a rapidement passé de 6 à 18 équipes, en plus de l’arrivée de l'AMH en 1972, la profondeur de ce repêchage n’était pas grande et les résultats furent en conséquence. Si Labre se trouva finalement un poste sur une base régulière, ce fut au sein d’une équipe misérable.
Les choses avaient tout de même débuté de façon pas si mal, lorsqu’après deux défaites sur la route, Labre marqua le premier but à domicile de l’histoire de l’équipe. Ce filet aux dépends de Rogatien Vachon permit aux Capitals de récolter un verdict nul de 1-1 et par le fait même, un premier point. À noter que dans un Capital Centre d’une capacité de 18 130 places, il y avait une foule de 8093 personnes. On ne peut donc pas parler d’une grande frénésie... La suite donna raison à ceux qui manquaient d’enthousiasme.
Au mois de décembre, son ancien coéquipier à Pittsburgh et ami, Ron Lalonde lui dit qu’il était désolé pour lui qu’il se retrouve dans une situation aussi désolante. Une semaine plus tard, il vint le rejoindre après avoir été échangé aux Caps.
Le fait saillant de cette saison de misère fut probablement cette unique victoire à l’étranger, le 28 mars 1975, contre les Golden Seals de la Californie. Pour marquer l’événement, par dérision, Tom Williams s’empara d’une poubelle en métal et fit le tour de la patinoire avec ses coéquipiers.
La pire équipe d’expansion de l’histoire termina la saison avec une fiche de 8-67-5.
Malgré tout, Labre était heureux de jouer à temps plein dans la Ligue nationale et mit tous les efforts nécessaires pour conserver sa place. Ses efforts furent remarqués et il fut choisi comme étant le joueur le plus populaire par les partisans, un honneur qu’il remporta à nouveau en 1976-77.
Ses genoux finirent toutefois par l’abandonner et il prit sa retraite en 1981, après deux saisons où il joua peu. À ce moment, les Capitals n’avaient toujours pas disputé de matchs de séries dans leur histoire. Étonnamment, son numéro 7 avait pourtant déjà été retiré. Lors du 500e match de l’équipe, le 22 novembre 1980, le propriétaire des Capitals, Abe Pollin, l’invita à présenter un trophée à un commentateur. Toutefois, une fois au centre de la glace, Pollin voulut honorer une deuxième personne. Il sortit alors le chandail de Labre de son veston, à la grande surprise de ce dernier, et lui annonça qu’en tant que cœur de l’équipe, on retirait son numéro. On resouligna le tout une fois sa retraite officialisée de façon plus formelle, le 7 novembre 1981.
Il demeura par la suite dans l’entourage de l’équipe jusqu’en 2000, comme assistant-entraîneur, puis directeur des relations avec la communauté et finalement comme responsable des projets spéciaux.
Il a ensuite travaillé dans le courtage alimentaire et dans l’assurance. Il a maintenant depuis 2011 sa firme de planification financière avec son fils, toujours dans la région de Washington, Labre Capital Financial.
C’est ainsi qu’un sympathique et infatigable marqueur de 14 buts en carrière a vu ses efforts récompensés en voyant son numéro retiré pour avoir été un rare point d’ancrage dans l'environnement chaotique d’une équipe qui ne parvenait pas à progresser.
Sans vouloir diminuer les exploits de Labre, on comprend le contexte, mais il est assez spécifique et il ne s’appliquerait probablement pas ailleurs. Et lorsqu’un jour à côté de son numéro 7, on retrouvera une bannière du numéro 8, ce sera pour une tout autre raison.
Sources:
“Low hot as Capitals get first point”, AP, October 16, 1974, Montreal Gazette, page 14,
“Getting To Know: Yvon Labre” de Mark Malinowski, October 27, 2013, The Hockey News (thehockeynews.com),
“Meet the Sudburian whose number was retired by the Washington Capitals” de Mike Commito, June 11, 2018, (sudbury.com),
hockeydraftcentral.com, linkedin.com.
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