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lundi 29 février 2016

Les équipes qui appartiennent à la communauté




Le monde du sport professionnel peut difficilement être plus capitaliste. Les sommes impliquées sont considérables. Les négociations sont âpres et laissent peu de place aux sentiments. Pourtant, il y a des exceptions : les équipes qui appartiennent à la communauté.

Encore aujourd’hui, il s’agit d’un type d'organisation qu’on retrouve au football canadien et ce, pour des raisons historiques.

Au Canada, même si ses structures sont très vieilles, le football est devenu professionnel bien après le hockey. À la base, il s’agissait de clubs amateurs. (Les ancêtres des Alouettes, les Winged Wheelers, voir texte du 10 novembre 2013, étaient liés au club athlétique M.A.A.A., qui existe toujours d’ailleurs. De leur côté, les Argonauts de Toronto appartenaient originalement à un club d'aviron.) C’est lorsque les plus prospères de ces clubs commencèrent à offrir toutes sortes de « cadeaux » aux meilleurs joueurs qu’ils s’engagèrent graduellement vers le professionnalisme (de façon discrète d’abord, puis officielle ensuite).

Actuellement, les Blue Bombers de Winnipeg, les Roughriders de la Saskatchewan et les Eskimos d’Edmonton sont toujours détenus, d’une manière ou d’une autre, par la communauté.

Par contre, lorsque l’équipe traverse des difficultés financières, c’est plus compliqué. Il n’y a pas de propriétaire(s) aux poches profondes pour essuyer les pertes des années maigres. Dans les cas où la communauté supporte parfaitement l’équipe, des solutions peuvent être trouvées, comme les collectes de fonds qui ont déjà été organisées pour les Roughriders de la Saskatchewan dans le passé. Mais lorsque ça ne fonctionne pas, l’équipe doit être vendue pour ses dettes, comme c’est arrivé en 1989 aux Lions de la Colombie-Britannique.

Par ailleurs, le fonctionnement actuel des différentes ligues n’est pas favorable à ce modèle. Dans la NFL, les Packers de Green Bay sont les seuls à fonctionner de cette manière. Ils bénéficient ainsi d’une clause grand-père, puisque le circuit Goodell ne le permet plus. De toute façon, avec la valeur des équipes existantes et les frais d’expansion considérables exigés pour les nouvelles franchises, amasser une telle somme pour un groupe communautaire serait carrément impossible.

Qu’en est-il dans le monde du hockey?

Premièrement, il n’y a pas d’exemple au plus haut niveau, mais on en retrouve quelques-uns au niveau junior.

En Ontario, il y a les Rangers de Kitchener. Ceux-ci étaient initialement commandités par les Rangers de New York. En 1963, lorsque les équipes de la LNH cessèrent de commanditer des équipes juniors, les Blueshirts offrirent l’équipe à un homme d’affaire local, Eugene George, pour 1$. Ce dernier décida plutôt d’en faire une équipe communautaire. Celle-ci est encore aujourd’hui gérée par un conseil d’administration composée de 40 détenteurs de billets de saison.

Dans l’ouest, on en retrouve trois exemples.

D’abord, les Raiders de Prince Albert (voir textes du 12 septembre 2012 et du 20 novembre 2014) et les Warriors de Moose Jaw tirent leurs origines de clubs de calibre inférieur qui ont ensuite « gradué » au niveau junior. Prince Albert a obtenu une équipe d’expansion en 1982. Dans le cas de Moose Jaw, c’est en 1984 qu’elle a mis la main sur les Warriors, qui avaient de la difficulté à se faire une place à Winnipeg, à l’ombre des Jets.

Le cas des Hurricanes de Lethbridge (voir texte du 6 avril 2013) est différent. En 1974, les Broncos de Swift Current ont déménagé à Lethbridge. En 1986, un groupe de gens d’affaires de Swift Current les ont achetés pour les ramener à leur domicile initial.

Lorsqu’un an plus tard, les Wranglers de Calgary sont devenus disponibles, Lethbridge s’organisa pour ravoir une équipe. Par contre, pour éviter qu’un éventuel propriétaire déménage encore l’équipe, on décida d’adopter une structure communautaire, avec une multitude de petits actionnaires.

Toutefois, cette structure montre ses limites. L’équipe a raté les séries au cours des six dernières saisons et les pertes s’accumulent. En mai dernier, la ligue a incité les nombreux actionnaires à vendre et sortir l’équipe de sa structure communautaire. Pour que le tout devienne une réalité, selon les statuts de l’équipe, il fallait que 75% des actionnaires actuels acceptent. Lors du vote, c’est finalement 68% qui ont consenti. La proposition a donc été rejetée.

Pour éponger les pertes, l’alternative est d’émettre 2000 nouvelles actions à 1000$ chacune. On note par contre que l’équipe connaît plus de succès sur la glace cette saison et que les assistances ont augmenté.

Au niveau professionnel, il y a un cas particulier : les Jackals d’Elmira de la ECHL. Cette petite ville de 29 000 habitants de l’état de New York est venue près de perdre son équipe après que celle-ci, détenue par un propriétaire de l’extérieur, se soit placée sous la protection de la loi de la faillite.

En 2013, deux hommes d’affaires de la région, Tom Freeman et Nate Cook, sont venus à la rescousse de l’équipe en l’achetant. Un an plus tard, ils ont annoncé qu’ils la cédaient à la communauté et que les profits de celle-ci serviraient entre autres à financer le hockey mineur local. Toutefois, pour le moment, les assistances ne sont pas suffisantes pour générer des profits. L’avenir nous dira si le modèle privilégié était le bon.




Sources : « Raiders announce Management Change », 14 janvier 2008 (raiderhockey.com), « Community Corner » (mjwarriors.ca), “Elmira Jackals Have New Owners” de Kelly Meyer, 10 avril 2013 (weny.com), “Elmira Jackals plan to become a community owned team” de Joe Mink, 3 septembre 2014, Star Gazette (stargazette.com), “Lethbridge Hurricanes talk move at annual meeting” de Paul Kingsmith, 31 mars 2015, Global News (globalnews.ca), “WHL commissioner urges Hurricanes to sell” de Paul Kingsmith, 4 mai 2015, Global News (globalnews.ca), “Shareholders shoot down private Hurricanes ownership” de Paul Kingsmith, 2 juin 2015, Global News (globalnews.ca)

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