Originaire du Manitoba et orphelin à l’âge de 8 ans, Bernie Morris fit tout de même son chemin jusque dans la PCHA (Pacific Coast Hockey Association). Après une saison 1914-15 avec les Aristocrats de Victoria où il fut blessé, il se retrouva avec les Metropolitans de Seattle. Il prit son erre d’aller avec la nouvelle équipe, où ses 32 buts en 18 matchs lui assurèrent le plus haut total de la ligue, en plus d’être le deuxième pointeur de la ligue derrière Cyclone Taylor.
Ce ne fut que partie remise pour la saison 1916-17, où Morris accumula 54 points en 24 matchs, lui permettant ainsi de remporter le championnat des compteurs de la PCHA.
Leur fiche de 16-8 a permis aux Metropolitans de terminer en tête et de se procurer ainsi un billet pour la finale de la Coupe Stanley contre les champions de la Ligue nationale. Ce furent les vainqueurs de la Coupe de l’année précédente, les Canadiens de Montréal, qui eurent le privilège de traverser le continent et de disputer la première finale en sol américain. (Les transports de l’époque ne permettant pas d’alterner, la finale devaient alors se fixer à un seul endroit, une année dans l’est et l’autre sur la côte ouest.)
Après une première défaite, Seattle a pris son rythme et n’a plus regardé derrière. Les Mets ont remporté les trois matchs suivants et le titre. Morris fut d’ailleurs aux premières loges de ce triomphe, alors qu’il marqua 14 des 23 buts de son équipe. Le dernier match se termina alors par la marque de 9-1, où il en compta 6.
Pour la saison 1917-18, les Metropolitans terminèrent à nouveau au premier rang, mais ils durent faire face à une nouveauté pour la PCHA : une série éliminatoire. Malheureusement pour eux, ils s’inclinèrent devant les Millionaires de Vancouver. Sur une base individuelle, Morris termina deuxième meilleur pointeur, encore une fois derrière Cyclone Taylor, de Vancouver.
En 1919, le même scénario s’est répété sur une base individuelle (Taylor meilleur pointeur, Morris deuxième), mais il a été inversé au niveau des équipes (Vancouver premier mais s’inclina devant Seattle en séries).
C’est toutefois à ce moment que les choses se sont corsées. Alors que Seattle s’apprêtait à recevoir les Canadiens pour jouer la finale, Morris fut arrêté par l’armée américaine. Comme il ne s’était pas rapporté pour la conscription, il fut accusé de désertion. Étant citoyen canadien, Morris évoqua qu’il n’avait pas à se rapporter. De plus, lorsque son avis fut livré à son domicile, il mentionna qu’il était à Vancouver pendant la saison estivale, ne pouvant ainsi pas en prendre connaissance et demander sa dispense. Toutefois, comme il avait affirmé plus tôt dans l’année au cours du procès de son divorce qu’il résidait à Seattle à temps plein, l’armée américaine en arriva à une autre conclusion. Il fut donc emprisonné et condamné en cour martiale à deux ans de prison aux travaux forcés à Alcatraz. (Il ira finalement dans une autre prison militaire.)
Les Metropolitans durent donc disputer la finale sans leur vedette offensive. Après cinq matchs, il y avait égalité (deux victoires de chaque côté et une nulle). Toutefois, à ce moment, la deuxième vague de l’épidémie de grippe espagnole frappait. Chez les Canadiens, il y eut entre autres Odie Cleghorn, Newsy Lalonde, Louis Berlinguette, Bert Corbeau, Billy Coutu et le propriétaire George Kennedy qui furent affectés à des degrés divers. Mais on se souviendra surtout que l’épidémie fut fatale pour Bad Joe Hall, qui mourut une semaine plus tard. Kennedy ne se rétablit jamais vraiment et décéda en 1921. Les Canadiens déclarèrent forfait, mais l’entraîneur de Seattle, Pete Muldoon, refusa de remporter la Coupe ainsi. La finale fut donc annulée et la Coupe Stanley ne fut pas décernée pour la première fois. (La deuxième fois étant évidemment en 2005, l’année du lock out.) Est-ce que Seattle aurait pu clore la série avant que la pandémie ne fasse ses ravages si leur as Morris avait été là? Nous ne le saurons jamais.
Du côté de Morris, sa sentence lui fit rater sa saison 1919-20. Ce n’est qu’en mars 1920 qu’il eut sa décharge. Il put tout de même se joindre alors aux Mets, qui avaient encore atteint la finale, mais ils se sont finalement inclinés devant les Senators d’Ottawa.
Morris joua trois autres saisons avec Seattle, tout en maintenant une bonne production offensive.
Il fut ensuite échangé aux Tigers de Calgary de la Western Canada Hockey League (WCHL). (On pouvait alors faire des échanges avec des équipes d’autres ligues.) Depuis sa création en 1921-22, les champions de la WCHL pouvaient affronter les champions de la PCHA, pour déterminer qui affronteraient ceux de la LNH. En 1924, les Tigers eurent le dessus sur les Capitals de Régina, ce qui leur donna le privilège d’affronter Vancouver. En vainquant ensuite les champions de la PCHA, Calgary put se rendre dans l’est, mais la Coupe lui échappa en s’inclinant ensuite devant les Canadiens de Montréal.
En janvier 1925, Calgary échangea Morris aux Maroons de Montréal de la LNH, qui le refilèrent immédiatement à la première équipe américaine de la ligue, les Bruins de Boston. L’expérience fut toutefois peu concluante, même au sein d’une équipe d’expansion. Il ne marqua qu’un but en six matchs et fut alors libéré par les Bruins.
Morris tenta l’expérience de la nouvelle California Hockey League en 1926, alors qu’il aida le Palais-de-Glace de Los Angeles à remporter le titre, avant de poursuivre sa carrière dans d’autres ligues de calibre inférieur. Il fut aussi brièvement entraîneur.
Il revint ensuite dans la région de Seattle et devint éleveur de dindes.
L’arrivée récente du Kraken à Seattle mit l’attention sur les exploits des anciens Metropolitans. Il fut alors question de l’absence de Morris du Temple de la renommée, malgré sa fiche de 154-76-230 en 163 matchs dans la PCHA. Toutefois, le fait que ses exploits datent d’il y a longtemps et qu’il n’a presque pas évolué dans la LNH, assorti d'un séjour en prison (peu importe les circonstances), rendent la chose peu probable. Et même à l’époque, sa personnalité peu charismatique n’a pas joué en sa faveur.
Il est décédé en 1963, à l’âge de 72 ans.
Sources :
Lalancette, Mikaël, Georges Vézina, l’Habitant silencieux, Les Éditions de l’Homme, 2021, pp.164-165, 196 à 198,
"Seattle Overwhelmed Canadiens and Landed Championship", March 27, 1917, Ottawa Citizen, page 8,
"Opening Stanley Cup Contest at Seattle Tonight", March 19, 1919, Edmonton Journal, page 19,
"Bernie Morris Sent To Prison For Two Years", April 13, 1919, Edmonton Journal, page 13,
"Seattle’s ill-fated Stanley Cup run of 1919" de Feliks Banel, April 3, 2019, MYNorthwest (mynorthwest.com),
"Local push is on to get Seattle Metropolitans star Bernie Morris into Hockey Hall of Fame" de Geoff Baker, The Seattle Times, October 17, 2019, The Seattle Times (seattletimes.com),
"When the Stanley Cup Was Canceled Because of a Pandemic" de Michael Weinreb, March 18, 2020, Smithsonian Magazine (smithsonianmag.com),
hockey-reference.com, wikipedia.org.
1 commentaire:
Très intéressant article. Dommage que ce pionnier du hockey de la côte ouest soit tombé dans l'oubli.
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