Comme j'aime bien commencer de nouvelles séries d'articles pendant que d'autres sont toujours en cours, je vous offre aujourd'hui une série sur la durée de vie d'une équipe championne de la Coupe Stanley. Rien de dure éternellement et il est normal de voir une équipe perdre les membres de son équipe championne au fil des années. Souvent on assiste à une équipe qui perd lentement et graduellement son noyau de champions alors que parfois il s'agit de situations plus bordéliques de départs houleux et de déchéance rapide vers les bas fonds du classement. J'ai déjà analysé le démantèlement de la dynastie des Oilers par le passé alors qu'il s'agissait d'un cas assez extrême d'exode de masse. Alors aujourd'hui j'ai pensé continuer dans la même veine en analysant le démantèlement d'une autre dynastie des années 80, les Islanders de New York.
Aussi bizarre que cela puisse paraître aux yeux d'un nouveau fan qui ne connaîtrait pas autre chose que le hockey actuel, les Islanders furent autrefois un modèle d'excellence et de stabilité, autant au niveau financier qu'au niveau sportif. Alors que le hockey professionnel battait de la patte vers la fin des années 70, les Islanders étaient en train de préparer le terrain pour une des plus impressionnantes périodes de dominance de l'histoire du sport professionnel. À l'époque, les Islanders étaient même l'équipe avec la plus haute masse salariale.
Au cœur de cette belle aisance financière se trouvait le nouveau propriétaire des Islanders, John Pickett, qui peu après avoir fait l'achat de la franchise en 1978, signa un lucratif contrat de télévision avec le réseau câblé SportsChannel (maintenant MSG Plus). Ce contrat est d'ailleurs toujours en vigueur et l'entente signée avec les Islanders à l'époque est considérée comme une entente historique et avant-gardiste en ce qui concerne les contrats de retransmission d'événements sportifs. Avec un tel coup de pouce financier, Pickett et les Islanders étaient capables de garder leur excellents choix au repêchage en leur offrant de bons contrats.
Vous connaissez la suite. Les Islanders explosèrent en 1980 en remportant 4 coupes Stanley consécutives et presque une 5e en 1984 lorsqu'ils s'inclinèrent contre les nouveaux ''dynastiens'' des Oilers. Ils établirent ainsi un record en remportant 19 séries consécutives de 1980 jusqu'à cette défaite en finale de 1984. Signe de leur incroyable équipe, chacune des quatre conquêtes avait un lauréat du trophée Conn Smythe différent; Butch Goring (1980), Bryan Trottier (1981), Mike Bossy (1982) et Billy Smith (1983).
Voici ce que je considère être le noyau de l'équipe sur l'étendue de ces quatre conquêtes. Entre parenthèses vous retrouvez les années que chaque joueur passa avec l'équipe. Les noms en bleu représentent les 16 joueurs qui ont participé aux 4 coupes.
Noyau:
Bryan Trottier (1975-90)
Mike Bossy (1977-87)
Clark Gillies (1974-86)
John Tonelli (1978-85)
Denis Potvin (1973-88)
Bob Nystrom (1973-86)
Butch Goring (1980-85)
Bob Bourne (1974-86)
Billy Smith (1972-89)
Entraîneur: Al Arbour (1973-94)
Autres joueurs importants et joueurs de soutien durant la même période:
Anders Kallur (1979-85)
Duane Sutter (1980-87)
Brent Sutter (1981-91)
Roland Melanson (1980-85)
Stefan Persson (1977-86)
Ken Morrow (1980-89)
Wayne Merrick (1978-84)
Tomas Jonsson (1981-89)
Gord Lane (1979-85)
Dave Langevin (1979-85)
Que s'est-il passé avec les Islanders après cette période glorieuse et comment l'équipe a-t-elle été démantelée? Et surtout, à quel moment peut-on identifier qu'il s'agissait de la fin de cette grandiose période?
Tout se fit graduellement à partir de la saison suivant leur dernière présence en finale. Les premiers membres du noyau à quitter Long Island furent Butch Goring (réclamé par Boston au ballottage en janvier 1985) suivi du très sous-estimé John Tonelli un an plus tard. Ce dernier fut échangé aux Flames en retour de Steve Konroyd et Robert Kromm, deux joueurs marginaux.
Ensuite ce fut au tour de Clark Gillies, le partenaire de longue date du trio de Bossy et Trottier, qui quitta pour Buffalo aussi par voie du ballottage au début de la saison 1986-87. Même chose pour un autre Islander de longue date, Bob Bourne, qui fut réclamé par les Kings. Après ces transactions, les nombreuses retraites (souvent prématurées) vinrent terminer le travail. Bob Nystrom se retira en 1986 après une sérieuse blessure à un œil. Le plus douloureux départ chez les Islanders fut toutefois celui de Mike Bossy qui, contrairement aux autres avant lui, était encore capable d'être un joueur dominant. Incapable de continuer après des maux de dos persistants, il prit sa retraite officielle en 1988 après s'être accordé une saison de repos sans succès. Il refusa même un échange à Montréal offert par le DG des Islanders Bill Torrey pour lui permettre de jouer plus près de sa famille en cas d'un retour au jeu.
Le capitaine Denis Potvin se retira à son tour en 1988, en même temps que Bossy, malgré qu'il aurait pu continuer de jouer quelques années alors qu'il n'avait que 35 ans. Il estimait toutefois qu'il n'avait plus rien à prouver et qu'il préférait se retirer plus tôt que trop tard. Le légendaire gardien Billy Smith, dernier membre original des Islanders, se retira également après la saison 88-89 alors que les Islanders dégarnis de leurs joueurs vedettes finirent ex-æquo avec les Nordiques au dernier rang du classement général, ratant les séries pour la première fois depuis 1974.
J'estime donc que le moment décisif de la fin de la dynastie arriva au début de cette fatidique saison 1988-89 lors de la retraite officielle de Bossy. Les Islanders n'étaient alors plus la même équipe sans lui et sans Potvin et c'est presque normal qu'ils finirent au dernier rang avec si peu de relève. Ils pouvaient se remettre du départ des Nystrom, Gillies, Goring et Tonelli mais sans ces deux piliers et avec un Billy Smith et un Bryan Trottier vieillissants, ce n'était plus les Islanders d'antan.
Les quatre conquêtes consécutives ont tout de même fait des ravages sur le corps de ces joueurs et l'équipe demeura malgré tout compétitive durant la majorité de la deuxième moitié de la décennie (sans toutefois s'approcher de la finale) et ils semblaient même à un moment être capable de continuer sur leur lancée avec l'arrivée d'excellents prospects comme Pat Lafontaine et Patrick Flatley (voir texte du 30 octobre 2017). Cependant il s'agissait de deux cas d'exception alors que le repêchage commença à faire défaut chez les Islanders durant et après la dynastie. Le problème des Islanders fut qu'il ne surent pas bien repêcher assez de bons joueurs pour remplacer leurs joueurs vedettes qu'ils perdirent sans obtenir grand chose en retour.
Voici les joueurs repêchés en première ronde par les Islanders après 1983 (l'année de Lafontaine): Brad Dalgarno, Derek King, Tom Fitzgerald, Dean Chynoweth, Kevin Cheveldayoff, Dave Chyzowski ainsi que le tragique cas de Duncan Macpherson (voir texte du 10 janvier 2017). Voici les meilleurs coups de l'équipe durant le reste de la décennie: David Volek, Jeff Hackett, Rich Pilon, Marty McInnis, Vladimir Malakhov, Travis Green...
On est loin des Trottier et Bossy et même Tonelli ici...
À l'époque, les joueurs autonomes n'étaient pas monnaie courante comme aujourd'hui alors si tu ne repêchais pas bien ou que tu ne parvenais pas à gagner quelques échanges et bien il était normal de basculer dans la médiocrité. Il est très noble pour des joueurs légendaires comme Bossy, Potvin et Smith d'avoir pu se retirer en tant que membre de l'équipe mais du point de vue de la direction, il aurait peut-être été bénéfique d'en sacrifier un ou deux par voie d'échange pour tenter de reconstruire.
Un cas flagrant où les Islanders manquèrent le bateau fut lors du départ de Bryan Trottier. Il était sur la pente descendante après quelques années moins productives et ils rachetèrent bêtement son contrat après la saison 1989-90 où il ne récolta que 24 points en 60 matchs. Il signa ensuite à Pittsburgh et les aida à remporter deux coupes Stanley dans un rôle secondaire de vétéran aguerri. Les Islanders auraient dû tenter de l'échanger disons en 1987 quand il avait encore une bonne valeur et recevoir quelques éléments intéressants en retour.
Toutefois, malgré que le temps faisait des ravages chez les membres de la dynastie, un autre problème chez les Islanders se produisit en coulisse alors que Pickett commença à se désintéresser des performances de son équipe et à garder les fonds obtenus par son contrat de télévision pour lui-même au lieu de l'injecter dans les coffres de l'équipe comme il faisait autrefois. Cela obligea Torrey à serrer le porte-monnaie, à moins investir en recrutement (de là les mauvais choix de repêchage et les joueurs perdus au ballotage) et à se départir des derniers membres de ses équipes championnes.
En 1991-92, les Islanders perdirent leur capitaine Brent Sutter et leur seul joueur vedette restant, Pat Lafontaine, pour cause de disputes contractuelles. Lafontaine n'était pas parmi les membres champions des quatre coupes alors qu'il débuta sa carrière en 1983-84 et rata le bateau de peu. Mais il exigea le retrait de Pickett comme propriétaire pour rester avec les Islanders. Il fut plutôt échangé aux Sabres de Buffalo contre Pierre Turgeon tandis que Sutter, le dernier membre de la dynastie encore avec l'équipe, fut échangé aux Blackhawks.
Pickett habitait désormais en Floride et tentait par tous les moyens de vendre son équipe. Plusieurs ventes possibles furent avortées et ce même depuis 1981 alors qu'il avait tenté de vendre la moité de ses parts à Charles Dolan, le propriétaire de SportsChannel. Une autre transaction du genre avorta en 1992 avec Dolan. Il réussit ensuite à se trouver quatre investisseurs minoritaires qui prirent en charge les opérations de l'équipe qu'ils menèrent dans les bas-fonds de la LNH et qui prirent des décisions douteuses comme le fameux changement de logo et de chandail en 1995-96. Finalement Pickett racheta leurs parts mais avait la ferme intention de se départir de la franchise pour de bon. L'équipe fut finalement vendue à un homme d'affaires du nom de John Spano, sans savoir qu'il s'agissait d'un fraudeur. La ligue annula la transaction et Pickett dut attendre une autre année avant de trouver preneur.
On dirait que les Islanders ne se sont jamais remis des années 80 et du départ des joueurs de cette fameuse dynastie. Ils sont constamment tournés au ridicule, soit par leurs changements de chandails, leurs propriétaires mafieux et excentriques, leur DGs incompétents (Mike Milbury ET Garth Snow), leurs mauvais échanges, leurs problèmes d'aréna, la saga John Tavares...etc.
On s'ennuie de Al Arbour et de la bande à Bossy à Long Island...
On souhaite bonne chance à Barry Trotz et Lou Lamoriello et surtout aux fans des Islanders...
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