Richmond, la capitale de l'état de la Virginie, est une ville d'environ 200 000 habitants qui a hébergé quelques équipes des circuits mineurs au fil des années, sans toutefois jamais réussir à vraiment s'implanter. Il y a eu par exemple les Renegades de Richmond de 1990 à 2003 dans la ECHL, les Riverdogs de Richmond de 2003 à 2006 dans la UHL et peut-être que vous êtes plus familiers avec le nom des Robins de Richmond, l'ancien club-école des Flyers dans la AHL entre 1971 et 1976. Les Robins, premier club professionnel de hockey de Richmond, étaient auparavant les anciens As (Aces) de Québec avant leur déménagement en 1971. Après un bon départ à Richmond, les assistances chutèrent rapidement par la suite jusqu'à la dissolution de la franchise en 1976.
Voulant rapidement remplir le vide laissé par le départ des Robins, un groupe d'hommes d'affaires croyaient qu'ils auraient une meilleure chance dans une moins grosse ligue et firent ainsi application pour une équipe d'expansion dans la Southern Hockey League. Comme toute histoire de ligues obscures défuntes, la SHL était une ligue née des cendres d'une autre ligue, dans ce cas-ci de l'ancienne et illustre Eastern Hockey League. Après 40 ans d'opération avec, comme son nom l'indique, des équipes tout le long de la côte est américaine, la EHL cessa ses opérations en 1973 après plusieurs bisbilles entres ses propriétaires. Les clubs plus au sud, qui réclamaient entre autres un meilleur partage des frais de transport, formèrent ainsi la SHL tandis que les clubs plus au nord formèrent la North American Hockey League, cette fameuse ligue qui inspira le film Slap Shot.
On a toujours plus parlé de cette NAHL sur ce blog, probablement dû au «prestige» de ce film, mais j'ai toujours eu sur le «back-burner» le désir de parler de la SHL et le moment est finalement venu... Si on prend en compte que le film est réputé comme assez fidèle à la réalité de la NAHL et des ligues mineures de l'époque, on peut donc s'attendre à quelque chose d'assez similaire en parlant de la SHL... probablement même pire.
Les Wildcats avaient comme entraîneur Forbes Kennedy, un ancien joueur des Bruins, Red Wings et avec les Flyers vers la fin de sa carrière. Parmi les joueurs composant l'alignement des Wildcats, on retrouvait plusieurs habitués des circuits voisins comme la NAHL, IHL ou CHL ainsi qu'une poignée d'anciens joueurs de l'AMH et de la LNH comme le gardien sorelois André Gill. Leur meilleur marqueur était le québécois Claude Périard, un ancien
choix des Rangers et des Nordiques, qui marqua 30 buts en 36 matchs. On retrouvait aussi nul autre que Bill «Goldie» Goldthorpe, ce fameux matamore débile léger qui est à l'origine du personnage de Ogie Ogilthorpe dans Slap Shot. Ce personnage plus grand que nature a en fait joué pas mal partout (14 clubs en 7 ans) et il ne fut à Richmond que pour 25 matchs, ce qui est quand même pas loin de son record à vie pour le plus de matchs avec la même équipe en une saison... Durant ces 25 matchs, il récolta un bon 169 minutes de pénalité.
Mais, comme toute bonne histoire de club boboche des ligues mineures, les Wildcats étaient voués à l'échec dès le départ. Le principal actionnaire de l'équipe, un dénommé Dwight Neal, avait assuré l'entrée du club dans la SHL avec une lettre de garantie de crédit. Neal n'était toutefois plus dans le portrait à peine la saison entamée. Les autres actionnaires tentèrent alors de sauver les meubles et continuer sans lui mais dès le début du mois de décembre, ils annoncèrent que l'équipe était déjà trop dans le rouge et qu'ils abandonnaient l'équipe pour la dissoudre.
La SHL était alors prête à procéder à une dispersion des joueurs à travers les autres équipes et à modifier le calendrier. Mais c'est alors que l'entraîneur Kennedy et ses joueurs décidèrent de continuer la saison malgré tout, et de s'en remettre seulement aux recettes aux guichets comme revenus jusqu'à temps de trouver des nouveaux propriétaires. Les femmes des joueurs allaient aussi mettre la main à la pâte en s'occupant de tâches administratives ou d'emplois bénévoles dans l'aréna lors des matchs. Les membres du fan club des Wildcats passaient même le chapeau dans les estrades pour récolter des fonds pour leur équipe.
Et malgré ce climat très très instable, les Wildcats jouèrent ensuite leur meilleur hockey de la saison. Durant les semaines qui suivirent, ils s'en sortirent avec une fiche de 9-4-1 pour le restant du mois de décembre. Cependant, au tournant de la nouvelle année, les joueurs se rendirent à l'évidence et décidèrent de jeter la serviette et de jouer un dernier match le 4 janvier 1977. Ils terminèrent donc cette seule (demie) saison avec une fiche finale de 21-16-1.
Le reste de la SHL n'allait pas vraiment mieux que les piteux Wildcats. Le même jour de la dissolution officielle des Wildcats, leurs rivaux de Greensboro, les Generals, annoncèrent également qu'ils ne termineraient pas la saison. Les Generals avaient tout de même une longue histoire, ayant débuté en 1959 dans l'ancienne EHL.
Par la suite, la SHL espérait pouvoir terminer cette difficile saison avec maintenant seulement 5 clubs. Malheureusement, elle dut subir le retrait d'une autre équipe, pas même une semaine après la mort des Wildcats et Generals. Après avoir eux aussi manqué d'argent pour payer ses joueurs, les Sharks de Tidewater (Norfolk) annoncèrent leur retrait de la SHL le 7 janvier 1977. Voyant cet hécatombe sans fin, les Polar Twins de Winston-Salem décidèrent de larguer le navire et procédèrent également à la dissolution de leur équipe le même jour que les Sharks.
Il ne restait alors que 3 clubs encore debout dans cette SHL soudainement très tranquille; les Gulls de Hampton, les Checkers de Charlotte et les Clippers de Baltimore. Ces trois clubs décidèrent de jouer encore quelques matchs tout en tentant de recruter un 4e club, histoire d'arrondir un peu le calendrier. Comme plan B, ils proposèrent à la IHL et la NAHL de jouer des matchs inter-ligues, ce que ces deux ligues refusèrent.
Finalement, les 3 clubs décidèrent de fermer les livres sur cette fatidique saison 1976-77 en jouant un dernier match le 31 janvier 1977. Ils avaient toujours en tête de revenir la saison suivante mais finalement aucun plan solide n'aboutit et la SHL ferma officiellement ses portes après seulement 4 saisons.
Ironiquement ou signe du destin, Slap Shot débuta en salle peu après, soit le 25 février 1977. Preuve que le sujet du film était vraiment d'actualité.
Également aux prises avec des clubs en difficulté, la NAHL avait aussi joué sa dernière saison en 1976-77. Ses clubs les mieux organisés, les Broom Dusters (Binghamton, NY) et les Firebirds de Philadelphie purent graduer dans la AHL. Dans la SHL, seuls les Gulls de Hampton purent trouver preneur la saison suivante, eux aussi dans la AHL, mais cela ne durera qu'une seule saison.
En 1978, une autre ligue reprit le nom de la défunte Eastern Hockey League et ramena du hockey professionnel dans certains des marchés vacants depuis la fin de la NAHL et SHL comme Baltimore, Syracuse et Utica. Richmond retrouva aussi un nouveau locataire pour son aréna, les Rifles de Richmond, pour la saison 1979-80. Cependant cette nouvelle EHL ne dura pas tellement plus longtemps, fermant ses portes en 1981. Quelques clubs survivants de cette deuxième EHL joignirent ensuite la Atlantic Coast Hockey League par la suite, ce qui menera un jour à la création de la ECHL, mais ça c'est un autre sujet que vous pouvez continuer en cliquant ici.
Il fallut ensuite attendre en 1990 pour revoir du hockey professionnel à Richmond avec les Renegades dans la ECHL. Le plus récent club à y avoir élu domicile fut un autre club du nom des Renegades, cette fois dans la Southern Professionnal Hockey League de 2006 à 2009. Aucun autre club n'a évolué à Richmond depuis. Les seuls marchés de l'état de la Virginie à avoir vraiment fonctionné sont Norfolk avec les Admirals (AHL et ECHL) et Roanoke dans la SPHL.
Sources:
Fun while it Lasted
Jerry Lindquist's sports memories, Richmond.com, 31 juillet 2020