Un
mec nommé Fred Lavallée m'a contacté cette semaine pour me demander si
je pouvais reproduire sur mon blogue le texte qu'il a écrit suite à une
entrevue qu'il a fait avec nul autre qu'Ed Ronan.
Vous
vous rappelez certainement d'Ed Ronan. Déjà à l'époque il était une
curiosité parce qu'il était un des rares joueurs dans la NHL à avoir été
repêché en 11e ronde. En fait, ce n'était pas nécessairement une
curiosité à cet époque parce qu'à une certaine époque, beaucoup de
grands joueurs soviétique ou européens étaient sélectionnés en 11e et
12e rondes. Par exemple, des Uwe Krupp, Sergei Makarov ou Igor Larionov
ont été sélectionné lors des deux dernières rondes dans les années 80.
Ce
qui était moins certain, c'était, pour un joueur issu des milieux
universitaires américains, de parvenir à la NHL lorsqu'on était
sélectionné dans les dernières rondes... Et bien Ed Ronan, tenancier du
31 bien avant Carey Price et après John Kordic, a suivi ce très long
parcours des milieux universitaires jusqu'à la NHL et à avoir son nom
sur la Coupe Stanley...
Voici donc son très long récit retranscrit avec passion par un passionné :
Je
me lève vers 7h ce matin-là. Je suis un peu nerveux, j’ai mal dormi.
Comment avais-je pu en arriver là? Moi, un amateur de salon, futur
historien en herbe, j’avais réussi à obtenir une entrevue avec un
ancien champion de la Coupe Stanley? J’étais prêt, j’avais plusieurs
heures de recherches et de planification derrière la cravate, mon
questionnaire était prêt…mais la nervosité demeurait malgré tout. Avant
de partir travailler, ma blonde a fait l’éloge de mon ’’guts’’ et m’a
quitté avec les mots suivants : ‘’ Ça va bien aller! ’’.
Ça
va bien aller…ça va bien aller…je veux bien, mais je ne suis rien de
professionnel, moi! J’ai peur de sonner comme la chienne à Jacques ou
de trébucher pendant l’entrevue, malgré ma maîtrise excellente de la
langue de Shakespeare…
Je
me fais un café, lis quelques nouvelles, et arrive l’heure fatidique.
Avant même que je m’en rende compte, la conversation était commencée…
- ‘’ Hello! ’’
- ‘’ Hello, Mr. Ronan? ’’
- ‘’ Oh, hi Fred! ’’
Je
n’en revenais pas! J’étais en train d’interviewer Ed Ronan, champion
de la Coupe Stanley en 1993 avec le Canadien! Bien sûr, ici à Montréal,
nous avons plus en mémoire les Brian Bellows, Kirk Muller, Patrick Roy
et Vincent Damphousse, mais Ronan a eu son mot à dire avec deux buts
et cinq points en séries. Il a eu la gentillesse de m’accorder du temps
pour une entrevue…dont je partage les faits saillants avec vous.
Ed
Ronan est né à Quincy, au Massachusetts, le 21 Mars 1968. Il a
cependant grandi à North Andover, et c’est là qu’il a appris à patiner…
‘’
Je viens de ce qu’on pourrait appeler une maison de hockey. Mon grand
frère jouait au hockey, et le frère de mon père a évolué au niveau
collégial américain également. J’ai commencé à jouer au hockey
seulement pour le plaisir, nous avions un étang près de la maison et mon
grand frère et moi y passions des heures, même avant d’aller à l’école
des fois! ’’ de dire l’ancien ailier droit du Canadien.
Plusieurs jeunes joueurs étaient des grands fans de la LNH
en grandissant, mais c’est presque uniquement sur la glace que le
jeune Edward a développé son goût pour le hockey. En tant que
montréalais, je ne pouvais m’empêcher de lui demander s’il était un fan
des Bruins en grandissant, question à laquelle il a acquiescé par
l’affirmative : ‘’ Mon meilleur souvenir par rapport aux Bruins dans ma
jeunesse est un but de Brad Park en séries, en prolongation contre les
Sabres. Je ne regardais pas beaucoup de hockey de la LNH quand j’étais jeune, je préférais jouer. Je regarde beaucoup plus de hockey maintenant que lorsque j’étais enfant. ’’
Ronan a passé dix ans dans le programme de hockey mineur de sa région, où il a joué et grandi avec un autre joueur de la LNH,
Steve Heinze : ‘’ Le programme de hockey mineur ( Youth Hockey Program
) a pris son envol environ en même temps que j’ai commencé à jouer.
J’étais au bon endroit, au bon moment ’’.
Cependant,
Edward n’était pas le plus talentueux. Il lui est arrivé de se faire
dire qu’il n’était pas assez bon, qu’il n’avait aucune chance d’accéder
à la LNH. Même son grand frère n’y croyait
pas. Je lui ai demandé s’il avait pensé tout abandonner à l’époque, et
sa réponse fut on ne peut plus catégorique…
‘’
Non, ça ne m’a jamais traversé l’esprit. Au hockey américain, les
niveaux de jeu forment une pyramide, et il y a des équipes scolaires qui
se forment. Le niveau est très élevé! Certains trouvaient que j’étais
un bon joueur mais je jouais contre tous les autres bons joueurs…et
j’avais certainement mes faiblesses. Plusieurs personnes croyaient que
je n’avais pas le talent nécessaire et j’ai entendu les gens dire
différentes choses, et c’est correct. Ça n’est que l’opinion d’une
personne après tout... ’’
Et son propre avis sur la question?
‘’
J’avais encore un long chemin à parcourir et beaucoup d’améliorations à
apporter à mon jeu. Je me suis beaucoup amélioré. J’ai passé un an de
plus au secondaire, seulement pour des raisons scolaires, car je
voulais étudier à Princeton. C’est pendant cette année supplémentaire à
jouer pour l’équipe de l’Académie Phyllis à North Andover qu’André
Boudrias, un dépisteur de l’organisation du Canadien, m’a découvert. ’’
En
effet, Ed Ronan a été repêché tardivement ( 11ème ronde, 227ème au
total ) par le Canadien lors du repêchage de 1987. Comme il sortait
fraîchement du secondaire et qu’il pensait terminer ses études à
l’Université, il ne s’attendait pas du tout à être repêché…
‘’
En fait, je ne l’ai su que quatre ou cinq jours plus tard. Je marchais
dans les couloirs à l’école et quelqu’un m’a dit que les Canadiens
m’avaient repêché. Je croyais à une blague, mais André Boudrias m’a
appelé le lendemain pour me dire de lui envoyer une photo et mes
coordonnées, afin qu’il m’envoie ma trousse du Canadien, avec mon
chandail et tout le reste. ’’
En
tant que fan rêveur, je n’ai pu m’empêcher de lui dire que ça avait dû
être tout un moment que de tenir son chandail du Canadien pour la
première fois…et il m’a répondu…
‘’ C’était merveilleux. Je savais que j’avais encore beaucoup de chemin avant d’atteindre la LNH
et je voulais me concentrer sur mes quatre ans à venir à l’Université
de Boston. En ce qui me concerne, ce moment-là très bien pu être le
fait saillant de ma carrière... ’’
En effet, l’ancien ailier droit du Canadien se savait loin de la LNH.
Il s’est donc concentré sur ses études, dans le but d’obtenir un
diplôme en Finances, à Boston University. Il a joué pour l’équipe de
hockey de l’université, les Terriers. Il a remporté le championnat de
l’Est en 1991 et s’est incliné en troisième prolongation en grande
finale de la NCAA cette année-là : ‘’
Définitivement le meilleur souvenir de mes quatre années là-bas! ’’ de
dire Ronan, qui a eu comme coéquipiers à Boston Shawn McEachern, Tony
Amonte et Keith Tkachuk…
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Partie 2
À
la fin de ses études à l’université, Ed a signé son premier contrat
professionnel avec l’organisation du Canadien, et il a joint les rangs
des Canadiens de Fredericton pour la saison 1991-1992. Il a pu vivre son
baptême de feu alors qu’il a été rappelé pour trois matchs pendant la
saison…
‘’
J’étais sur la route avec le petit Canadien quand Paulin Bordeleau m’a
appelé dans son bureau. Paul DiPietro et Jesse Bélanger avaient été
rappelés en même temps que moi. Il y avait des blessés et mon premier
match a été disputé au Garden de Boston, contre les Bruins. Ça a été
toute une expérience…jouer contre Raymond Bourque, que j’idolâtrais dans
ma jeunesse. Il y avait des membres de ma famille dans les gradins…un
merveilleux souvenir. Je me souviens avoir tenté de déjouer Bourque à
un contre un, et il m’a neutralisé assez facilement! ’’ de dire en
riant l’ancien joueur en se rappelant son premier match.
Ronan
a joué 53 matchs pour les Canadiens en saison régulière en 1992-93, et
il a marqué son premier but contre Curtis Joseph des Blues : ‘’ Je
jouais avec Denis Savard et Gilbert Dionne et j’ai logé la rondelle
dans la lucarne à la gauche de Joseph. C’était un beau but, sûrement
mon plus beau dans la LNH! ’’ de se rappeler celui qui a un abonnement de saison pour les matchs des Terriers.
Comme
déjà mentionné plus tôt, les Canadiens ont gagné la Coupe et la
vedette du jour a marqué deux buts et obtenu cinq points pour aider les
Habitants à gagner ce qui est à ce jour, leur dernière coupe Stanley.
Son meilleur souvenir, mis à part la victoire de la Coupe?
‘’
C’est une difficile, celle-là! Je dirais la séquence de dix victoires
en prolongation car ça montre le caractère que possédait l’équipe, et
que ça allait plus loin que le talent individuel. Nous avions les nerfs
solides et nous étions très confiants quand nous arrivions en
prolongation. On dirait que nous ne nous sentions jamais le dos au mur.
Nous étions une équipe qui jouait la possession de la rondelle, ce qui
était moins en vogue à l’époque. Notre groupe de défenseurs, avec
Brisebois et Desjardins en tête, bougeait bien la rondelle. Comparé aux
autres équipes pour lesquelles j’ai joué, je n’ai jamais vu un groupe
aussi uni. Nous nous apprécions tous dans le vestiaire et nous étions
tissés serrés. ’’
Après la victoire de la Coupe Stanley en 1993,
Ronan a joué deux saisons complètes pour les Canadiens sans retourner
dans la Ligue Américaine. Après la saison écourtée du lock-out en 1995,
les Canadiens l’ont laissé partir à Winnipeg via le ballotage…
Quelques
matchs joués et peu de temps de glace plus tard, il fut retourné dans
la Ligue Américaine avec les Falcons de Springfield. Encore une fois,
avec l’adversité, cette fois-ci un retour dans les mineures, a-t-il
remis son futur au hockey en question?
‘’
Je crois que mon futur était toujours en suspend…c’est le genre de
joueur que j’étais. Je savais que je n’étais pas assez bon pour jouer à
un niveau tel que mon poste était sans risques. J’ai toujours dû me
battre pour ma position et je crois que c’est ce qui a rendu plus
difficile ma carrière dans la LNH, je n’avais
pas la stabilité que pouvait avoir un avant du Top 6, par exemple. Ça a
rendu les choses difficiles à la longue car j’avais désormais une
petite famille. ’’ de dire celui qui est maintenant père de trois
enfants.
Et il y est allé de la réflexion suivante : ‘’ Pour un joueur de troisième ou quatrième trio comme moi, surtout au niveau de la LNH,
tu ne pratiques pas autant car la saison dure 82 parties. Le temps de
pratique ( amélioration individuelles des compétences vs pratique en
équipe en tant que tel ) est très restreint et les entraîneurs mettent
plus l’emphase sur le conditionnement physique que sur les capacités de
chacun à penser et réagir plus vite. Je crois qu’à la longue, mon jeu
s’est tranquillement déterioré. ’’
Après
avoir bien paru avec Springfield, l’ancien ailier droit des Terriers
de Boston University a obtenu un contrat à deux volets avec les Sabres
de Buffalo. Il commence la saison 1996-97 avec le club-école des
Sabres, les Americans de Rochester : ‘’ J’avais bien joué à Springfield
la saison d’avant et ça m’a valu un contrat avec les Sabres. John
Muckler aimait ma façon de jouer et John Tortorella était mon coach. Je
jouais aussi avec Terry Yake, sur qui tu as écrit il n’y a pas
longtemps! ’’
Ronan
continue de bien faire à Rochester, si bien que les Sabres le
rappellent pour terminer la saison et aider pour les séries. ‘’ Ted
Nolan aimait mon style et nous avions une équipe défensive et
travaillante, ce qui allait bien avec ma façon de jouer. J’évoluais avec
Mike Peca et Jason Dawe, sur l’aile gauche. ’’ de se remémorer
l’ancien numéro 5 des Sabres.
C’est à Buffalo que Ronan marquera son dernier but en carrière dans la LNH
lors des séries éliminatoires…’’ En plus, c’était en prolongation pour
prolonger la série contre les Flyers de Philadelphie! ’’ dit Ronan,
qui vit malheureusement la série prendre fin au match suivant, alors
que les Sabres furent défaits en cinq matchs par les Flyers.
Il
finira sa carrière avec les Bruins de Providence dans la Ligue
Américaine, et se retirera à l’issue de la saison 1997-98. Il n’a pas
considéré aller jouer en Europe, même s’il était encore très jeune à 30
ans…
‘’
J’avais joué au plus haut niveau, et si je ne pouvais y retourner, je
préférais me retirer. De plus, j’avais déjà deux enfants ça devenait
difficile de toujours vivre sans stabilité avec une petite famille. Je
suis donc passé à autre chose. ’’
Et
cet ‘’autre chose’’, c’est sa carrière de planificateur financier dans
son état natal du Massachusetts. Avec une carrière constamment sur la
corde raide dans le hockey, Ed Ronan a eu l’intelligence de se donner
une autre corde à son arc. Il est aujourd’hui très heureux dans son
domaine…
‘’
J’aime bien ce champ d’expertise car cela requiert plusieurs éléments
que l’on retrouve dans une équipe de sport, c’est-à-dire le travail
d’équipe et l’esprit de compétition. C’est un travail exigeant et qui
demande beaucoup de motivation et de dévotion. D’ailleurs, les gens
avec lesquels je dois travailler sont très motivés et disciplinés, mais
c’est ce que j’aime. C’est le genre de personne que je suis. ’’
Ce
qui lui manque le plus de sa carrière au hockey? ‘’ La compétition. Le
défi de gagner au plus haut niveau est tellement satisfaisant…et c’est
une chance que peu de gens ont. ’’
L’ancien
joueur du Canadien est marié et a trois enfants, et il a été
l’entraîneur de son fils, qui a gagné le championnat régional dans le
tournoi des moins de 16 ans. Il a une fille de treize et une fille de
dix ans, qui joue aussi au hockey. Il avait un conseil pour les jeunes
qui veulent prendre la même voie que lui et finir leur études…
‘’ C’est bon de prendre la voie de la NCAA,
ne serait-ce que pour se donner d’autres plans en cas de problèmes.
Même pour un joueur de haut niveau, c’est un bon choix car aussitôt que
tu as un an de complété, tu peux retourner finir tes études quand tu le
désires, même 25 ans plus tard. Le niveau collégial américain est un
bon tremplin vers une bonne carrière. Il y a des jeunes de la NCAA
qui paraissent bien et de plus en plus font carrière. On peut penser à
Colin Wilson, avec Nashville et le défenseur Shattenkirk au Colorado.
Le premier choix du Canadien en 2009, Louis Leblanc, l’a aussi fait. Et
si ta carrière dans le hockey tourne mal, tu as un excellent plan B.
’’
Ronan
a gardé quelques amis de ses années à Montréal. Il est venu la
dernière fois le 22 Novembre 2008, pour le retrait du chandail de
Patrick Roy. Il est toujours fan de hockey, il voit presque tous les
matchs des Terriers à Boston. Si la possibilité se présente, il aimerait
continuer de s’améliorer comme entraîneur. Il est aujourd’hui âgé de
42 ans.
En
tant que fan, j’aimerais remercier Ed Ronan pour sa générosité et sa
courtoisie. Il a été très bon joueur et ça a été un plaisir pour moi
d’avoir du temps pour lui poser des questions.
Et au nom de tous les fans, j’ai remercié Ed Ronan pour sa contribution de la Coupe Stanley de 1993. ;)
Quant
à moi, ne me remerciez surtout pas. J’ai eu mon Cadeau de Noël
d’avance cette année, puisque l’entrevue date de juste avant le Temps
des Fêtes. Un des 40 minutes les plus fascinants de ma vie, vous auriez
dû me voir sourire. Un enfant dans une confiserie!!!
Mais, bon Dieu que je sonnais comme la chienne à Jacques pareil, finalement! ;)