Chaque petit bout de pays au Canada possède ses héros locaux, ceux qui viennent d'où ils viennent et qui ont réussi dans le monde du hockey. Si vous ne le saviez pas, je suis né à La Baie au Saguenay. Le grand héros local est sans aucun doute Jean-Claude Tremblay. Il est selon moi le plus grand joueur oublié de tous les temps... Ce n'est pas par chauvinisme que je pense ça, parlez-en à tout le monde qui l'ont vu joué ou qui ont joué avec lui et ils vous en parleront en long et en large. Mais un autre joueur digne de mention vient de la même ville et a même déjà été coéquipier avec Tremblay chez les Nordiques : Jeannot Gilbert.
Ville de La Baie (maintenant un arrondissement de Saguenay) était une agglomération de 3 villes collées qui étaient grosso modo séparées par des rivières : Bagotville, Port-Alfred et Grande-Baie. Le tout fut fusionné en 1976 et nommé Ville de La Baie mais tout le monde utilisent encore les anciens termes pour nommée les endroits de la ville, même depuis la fusion avec Saguenay. Si Jean-Claude Tremblay venait de Bagotville, Jeannot Gilbert pour sa part provenait de Grande-Baie. Jean Elmourt Gilbert est donc né en 1940 dans ce qui s'appelait à l'époque Grande-Baie...
À l'époque des 6 équipes, ces dites 6 équipes possédaient un arsenal de clubs-écoles répartis à la grandeur de l'Amérique du Nord. Atteindre ne serait-ce que la Ligue américaine qui pour sa part comprenait environ 7-8 équipes était réservé aux meilleurs joueurs. Et les places au sein des 6 équipes étaient réservées à une élite qui eut en son temps à prouver au sein des systèmes de leur équipes respectives en attendant de l'équipe se libère. La plupart des joueurs avaient donc un très long parcours à suivre un peu partout en Amérique du Nord en voyageant dans des autobus un peu crados ou dans des vieux avions faiblard datant de la Seconde guerre mondiale avant de parvenir à des niveaux supérieurs.
C'est en 1959 qu'il entra dans le système de hockey junior des Bruins de Boston en se joignant aux Flyers de Barrie dans la ligue ontarienne. Il développa ses talents de marqueurs au sein de différentes organisations tels que les Fontenacs de Kingstons de la Eastern Professional Hockey League et les Comets de Clinton (centre de l'État de New York) de la Eastern Hockey League il eut droit à son premier essais avec les très faibles à l'époque Bruins de Boston à la saison 1962-63. Ce premier voyage dans la Grande Ligue s'avéra peu concluant. Gilbert ne joua que 5 matchs ne récoltant aucun point alors qu'avec les Kingston il récolta 87 points en 64 matchs.
Suite à la disparition de l'équipe de Kingston et de la ligue en générale, il passa la saison suivante (1963-64) aux sein des Bruins de Minneapolis de la Central Hockey League avec lesquels il empocha un bon 50 buts et 50 passes pour un total de 100 points, terminant au deuxième rang des marqueurs de la ligue derrière son futur coéquipier au sein des Nordiques Alain Caron. Il fut toutefois nommé meilleur joueur de la ligue. Suite à cette superbe saison avec le club-école des Bruins de la CHL, Gilbert fut invité à se joindre aux Reds de Providence de la Ligue américaine pour la saison 1964-65. C'est lors de cette saison que Gilbert connut son dernier voyage à Boston, jouant 4 matchs avec les Bruins où il récolta une seule passe. Ça sera le seul point qu'il récolta dans la NHL. Il ne retournera jamais dans la NHL. À la saison 1965-66, Jeannot Gilbert se joignit aux Bears de Hershey avec qui il évoluera durant les 8 prochaines saisons.
En 1967, à l'instar de plusieurs autres joueurs croupissant dans les ligues mineures depuis des années attendant l'appel de la grande ligue, Gilbert fut réclamé par une équipe d'expansion. Ce sont les Penguins de Pittsburgh qui firent appel à ses services. Il se rendit au camp de l'équipe d'expansion mais décida de retourner avec les Bears de Hershey quelques jours avant le début de la saison. On raconte que c'est suite à un coup derrière la jambe en match d'exhibition que Gilbert décida de retourner dans la Ligue américaine. Il demanda au directeur général Jack Riley de le retourner à Hershey, endroit où il désirait jouer. Les Penguins l'échangèrent donc aux Bears en retour d'un autre routier, Gene Ubriaco. Ce dernier pour sa part a saisi sa chance avec les Penguins, marquant 18 buts à la saison 1967-68.
Jeannot Gilbert connut sa meilleure saison en carrière avec les Bears en 1968-69, remportant le trophée John B. Sollenberger remis au meilleur marqueur de la ligue. Après avoir amassé un total de 100 points en saison régulière, Gilbert aida son équipe à remporter la Coupe Calder au printemps de 1969. Gilbert passa encore 4 autres saisons à Hershey à briller offensivement avant de quitter la Pennsylvanie pour revenir terminer sa carrière au Québec. Sa production de 650 points dans la Ligue américaine fait de lui de nos jours le 28e meilleur marqueur de l'histoire du circuit. Il est également 22e de tous les temps au chapitre des passes avec 419.
C'est à la saison 1973-74 que Jeannot Gilbert fit le saut vers la WHA en devenant un Nordiques de Québec. Gilbert connut une très bonne première saison à Quebec, terminant deuxième marqueur de l'équipe derrière Serge Bernier avec 56 points dont 17 buts. Il termina sa carrière professionnelle la saison suivante alors que les Nordiques s'inclinèrent en finale de la ligue contre Gordie Howe et ses Aeros de Houston...
Voici un article datant de 1982 à propos de Jeannot Gilbert paru dans le feuillet paroissial saguenéen nommé le Progrès-Dimanche. Ceux qui viennent de BCT vont trouver cet article assez psychotronique... Brasserie 252, Galeries de La Baie...
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Jeannot Gilbert
Et surtout... des souvenirs
Par Michel Lavoie
La Baie (ML) - Cela fait huit ans que Jeannot Gilbert a accroché ses patins "professionnels" au clou de la retraite. Huit ans déjà.
Il ne peut s'empêcher d'esquisser un sourire en apportant la précision. "Les carrières sont courtes au hockey; si on pouvait jouer jusqu'à 60 ans...", me lance-t-il, encore à la blague, derrière le comptoir de la tabagie qu'il opère depuis maintenant trois ans au Galeries de La Baie.
De son aventure dans la jungle du hockey professionnel, il lui reste, aujoud'hui, un fonds de pension de la Ligue Américaine, de nombreux amis et tout un bagage de souvenirs.
Pour cause, puisque l'ami Jeannot en a bourlingué un coup, pris qu'il a souvent été entre deux valises. Il y a d'abord eu son séjour d'un an à Kingston dans la Ligue professionnelle de l'Ontario; puis son passge à Minneapolis dans la Ligue Centrale; ensuite son accession à la Ligue Américaine, tantôt à Providence et après à Hershey; enfin, la conclusion, deux ans à Québec avec les Nordiques de l'AMH.
Il retient particulièrement son association avec les Fleurdelisés et les succès rencontrés avec les Bears de Hershey.
"L'année où j'ai remporté le championnat des compteurs de la Ligue Américaine (1968-69) et où Hershey a remporté la Coupe Calder, et ma participation, avec les Nordiques, en 1973-74, à la finale de la Coupe Avco, représentent mes meilleurs souvenirs. Les Aeros de Houston nous avaient battus, mais ce fut quand même quelque chose, notamment de jouer contre les trois Howe", dit-il avec de l'éclat dans les yeux.
Avec les Bruins
Pour l'ensemble de sa carrière, il n'a joué qu'une vingtaine de parties dans la vraie Ligue Nationale, toutes avec les Bruins de Boston. Le circuit regroupait alors six clubs et ne graduait pas qui voulait.
"Les places étaient restreintes dans la Ligue nationale et plusieurs perdaient leur temps dans la Ligue Américaine. Les équipes de ce circuit valaient bien des équipes de la LNH d'aujourd'hui", se souvient Gilbert.
Il a eu sa chance malgré tout de faire son chemin dans une autre organisation que celle des Bruins. Repêché par les Penguins de Pittsburgh, lors de la première expansion de la Ligue Nationale, il n'a pu en venir à une entente contractuelle avec cette équipe qui l'a échangé aux Bears de Hershey.
"L'organisation des Penguins n'était pas la plus sérieuse et j'ai eu un litige avec le directeur-gérant. Je m'étais fait un peu arranger avec mon contrat et dans ce contexte, je n'étais pas fâché de retourner à Hershey où on était très bien traité", explique-t-il.
Aujourd'hui, il le regrette un peu. S'il avait plié, il aurait pu connaître quatre à cinq bonnes saisons dans la Ligue nationale.
S'il entretient un autre regret, c'est celui de ne pas avoir connu la Ligue nationale à 20 équipes et l'époque des salaires mirobolants. Par exemple, il aurait aimé endosser l'uniforme des Nordiques lorsqu'il était à son meilleur plutôt que sur le tard de sa carrière.
"C'était payant du moins ce l'était pour moi, de jouer au hockey pour ce temps-là parce que l'argent avait de la valeur, mais les salaires n'étaient quand même pas aussi fabuleux. J'ai bien vécu avec le hockey et c'est seulement de valeur que ca n'ait pas duré plus longtemps", mentionne-t-il.
Transition
La première année, la transition de hockeyeur actif à retraité lui a été difficile. Il s'est finalement fait à l'idée et aujourd'hui, à 41 ans, il a l'air pleinement heureux dans sa peau d'hommes d'affaires. Comme il le dit, le commerce est aussi dur qu'il l'était jadis de percer au hockey, mais il y trouve une grande satisfaction et le moyen de bien vivre en compagnie de sa femme Monique (Fortier) et de ses enfants, Richard (11 ans) et Marie-Hélène (5 ans).
Et puis le hockey continue d'avoir une place de choix dans ses loisirs. En plus de jouer à l'occasion pour l'équipe des Anciens Nordiques de Québec, il évolue régulièrement pour la "Brasserie 252" dans une Ligue intermédiaire de La Baie. Annuellement, il ne manque pas, non plus, de jouer dans plusieurs tournois régionaux.
"J'aime encore jouer au hockey et retrouver les gars. Ca te permet de relaxer et d'oublier tes petits soucis de tous les jours", avoue-t-il.
Le "bonhomme" tire encore très bien son bout.
Progrès-Dimanche, 7 Février 1982.